LA MACRONIE, UN RÉGIME AUTORITAIRE ?
- Par pierre75017
- Le 19/06/2023 à 20:51
- Dans LE BLOG DE MINUIT
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Depuis la crise des Gilets jaunes, le pouvoir macronien est perpétuellement remis en question. Tous les acteurs de la société française ont, tour à tour, critiqué la mise en place d’un pouvoir vertical, mais surtout soumis à des intérêts extérieurs et non souverains.
La période que nous vivons aujourd’hui, celle de la réforme des retraites imposée depuis Bruxelles, vient à nouveau soulever l’idée que la France de Macron n’est plus une démocratie. Peut-on pour autant parler d’État totalitaire ou de dictature ? S’il semble encore tôt pour désigner le gouvernement Macron comme dictatorial, en revanche, qualifier d’autoritaire l’exercice du pouvoir mené par Emmanuel Macron correspond, nous le pensons, à la réalité de la situation actuelle de la France.
Afin de démontrer notre propos, nous nous appuierons sur l’analyse du sociologue politique Juan Linz. Ce dernier qualifiait d’autoritaire toute organisation s’appuyant sur « des systèmes politiques au pluralisme limité, politiquement non responsables, sans idéologie élaborée et directrice, mais pourvus de mentalités spécifiques, sans mobilisation politique extensive ou intensive, excepté à certaines étapes de leur développement, et dans lesquels un leader ou, occasionnellement, un petit groupe exerce le pouvoir à l’intérieur de limites formellement mal définies, mais en fait plutôt prévisibles ».
Dépolitisation des populations
Au vu de la perte de notre souveraineté, de l’hypoacousie du gouvernement macroniste aux sirènes populaires et syndicales et d’une répression policière et administrative sans précédent depuis la Guerre d’Algérie, le régime de Macron est-il autoritaire ?
Le premier élément sur lequel l’autoritarisme se construit est celui de l’apathie et de la dépolitisation des populations. En effet, le contrôle d’un peuple et sa résignation sont le fruit d’une volonté de réduire la puissance populaire au profit d’un pouvoir centré. L’abstention grandit en France, elle a quasiment doublé en 50 ans, pour atteindre 28 % aux dernières élections présidentielles. Cette abstention, couplée au manque de confiance des Français dans ses représentants politiques, illustre cette dépolitisation du peuple. Le transfert de souveraineté à Bruxelles après Maastricht et le non-respect du référendum de 2005 ont été les catalyseurs de ce courant.
Contrôle des organes de pouvoir
Après avoir désarmé la volonté, la souveraineté et la puissance populaire, le second composant d’un régime autoritaire s’illustre par un contrôle des organes de pouvoirs politiques et médiatiques par une minorité. Nous avions souligné dans notre dernier article, l’entrisme des personnels politiques, tous issus des mêmes classes sociales. Quant aux médias, l’observation est encore plus flagrante. Ce constat n’est pas neuf, Serge Halimi le décrivait à la perfection dans son chef-d’œuvre Les nouveaux chiens de garde, sorti il y a déjà 26 ans. Aujourd’hui 90 % des grands médias hexagonaux appartiennent à neuf milliardaires. En parallèle, l’État autoritaire subventionne ces derniers à hauteur de plusieurs millions d’euros. Malgré tout cela, l’Élysée souhaite désormais choisir les journalistes qui vont suivre le président de la République française.
Lors des deux constitutions de 1791 et 1793, en France, l’Abbé Sieyès s’appuie sur la séparation des trois pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) pour élaborer les nouveaux traits de la démocratie représentative. Si ces trois derniers ne sont pas respectés et autonomes, Montesquieu puis Juan Linz, bien après, ont souligné de possibles dérives autoritaires, si l’un se retrouvait en position de toute-puissance vis-à-vis des deux autres. Il est clair, depuis la crise sur la réforme des retraites, que la Macronie envisage son pouvoir (exécutif) sans se soucier de ses deux autres pendants. En effet, le pouvoir législatif, dont l’Assemblée nationale en est le lieu, est méprisé par Emmanuel Macron et son gouvernement. Le 49,3, arme de l’exécutif pour outrepasser le pouvoir parlementaire a été dégainé 11 fois par le gouvernement Borne, soit plus que les 25 années précédentes. Sans majorité au Palais Bourbon, le tandem Macron/Borne ne respecte ni le pouvoir législatif, en passant la réforme des retraites par le biais du 49.3, ni le pouvoir judiciaire, comme Régis de Castelnau nous le montre quotidiennement.
Le Conseil constitutionnel, censé contrôler cette séparation et indiquer la marche à suivre pour que la France suive une voie démocratique, est, quant à lui, dévoyé. Nous ne rentrerons pas ici dans les carrières respectives de chacun des membres, dont il ne fait aucun doute que leur logiciel soit branché sur le pouvoir maastrichtien. Néanmoins, il est à noter que le Conseil constitutionnel n’est d’aucune aide lorsque la souveraineté populaire est bafouée par ce pouvoir autoritaire. Le rejet du Référendum d’initiative populaire et la validation de la réforme des retraites sont les énièmes illustrations d’un pouvoir à la dérive.
D’autres digues, censées nous empêcher de basculer en régime autoritaire, sont aussi torpillées par la Macronie lors de ce second quinquennat. La Ligue des droits de l’Homme, qui avait osé critiquer les forces de l’ordre lors des manifestations à Sainte-Soline, se voit menacée par le ministre de l’Intérieur d’un retrait de subventions. Quant à Anticor, en pointe dans la lutte contre la corruption (affaire Benalla, Alstom…), ces derniers sont en passe de se faire retirer leur agrément.
Absence de légitimité
Le cinquième élément constitutif d’un régime autoritaire est l’absence de légitimité du pouvoir en place.
Alors que l’élection du président de la République est effective par la Constitution, il n’en est pas moins que si l’on s’intéresse aux chiffres, le constat est torpide. Emmanuel Macron, sur un parterre de 48 millions de Français inscrits sur les listes électorales, n’appuie sa légitimité dite démocratique, que sur 39 % des votes : soit un peu moins de 19 millions de votants. Le président semblait prendre en compte la raison de sa réélection, lors de son discours de victoire. On pensait donc avoir une ouverture sociale de la part de l’ancien ministre de l’Économie. C’était sans compter sur l’épisode des retraites. Après avoir réduit le dialogue social à néant (en éclipsant les syndicats), puis outrepassé le Parlement (avec le 49.3), Macron a mené sa propre politique (et celle de Bruxelles) en dépit de la volonté populaire, sans vote, sans débat, sans discussion.
Absence de souveraineté
L’absence de souveraineté est un autre trait illustratif, selon les travaux de Linz, d’un régime politique que l’on pourrait qualifier d’autoritaire.
Depuis 1992 et le Traité de Maastricht, la plupart des prérogatives de l'État français ont été transférées à Bruxelles. Depuis 30 ans, ce processus s’amplifie et aujourd’hui, il est difficile de trouver une seule composante souveraine sur laquelle Macron exerce son pouvoir. Les attributs économiques et financiers sont désormais gérés depuis Francfort, les décisions militaires (notamment sur l’Ukraine) se prennent à Bruxelles et toute politique souveraine nationale est réprimée (en Pologne, Hongrie, etc.). Récemment, Charles-Henri Gallois a encore parfaitement souligné l’asservissement de la France vis-à-vis des institutions, hors-sol, européennes.
Dans le même temps, la puissance des lobbys privés n’a jamais été aussi forte en France. La souveraineté populaire subit tous les jours, les coups de boutoir des intérêts de grandes firmes nationales. Alors que la démocratie devrait s’appuyer sur la souveraineté du peuple, dans un système s’articulant sur la volonté d’établir un « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », la France semble désormais privilégier les intérêts des grandes entreprises capitalistiques. La pression fiscale, la plus haute d’Europe, s’appuie sur les classes populaires et moyennes, mais semble échapper aux GAFAM. La transparence et le respect des lois ne semblent pas non plus s’appliquer à Uber, qui a corrompu nos « représentants ».
Le peuple semble n’être qu’un faire-valoir, mis à mort sur l’autel de l’Union européenne et des grandes firmes mondiales.
Libertés individuelles attaquées
L’autre composant sur lequel Juan Linz travaille est celui des libertés individuelles. En effet, la restriction de ces dernières est un élément clé dans sa description des régimes autoritaires. La Macronie, depuis les premières semaines de gouvernance, enchaîne les exemples d’atteinte aux libertés fondamentales. Nous ne reviendrons pas sur les multiples exemples durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Depuis sa réélection, et de surcroît durant la réforme des retraites, le président démultiplie les attaques contre les libertés des Français. Que ce soit lors des arrêtés casseroles, de ceux contre les sifflets ou les cartons de la finale de la Coupe de France, mais aussi des multiples interdictions de mouvements lors des déplacements ministériels, le gouvernement et ses sbires préfectoraux intensifient les attaques frontales contre les libertés de chacun des Français. Alors que les délinquances d’en bas et d’en haut semblent impunies (malgré les gesticulations du ministre de l’Intérieur Darmanin), une publication sur Facebook ou l’installation d’une bâche contre Macron sont synonymes de condamnations judiciaires. Ces assauts contre les libertés individuelles se reflétaient déjà dans cette citation visionnaire de Michel Clouscard selon laquelle, dans la société libérale libertaire, « tout est permis, mais rien n’est possible ».
Ce qui est aujourd’hui invraisemblable, c’est que l’on puisse s’appuyer sur l’analyse de Linz, dont le sujet d’étude principal se portait sur le régime franquiste, comme une grille de lecture du régime autoritaire macroniste. Celle-ci colle point par point à ce que tous nos compatriotes français vivent au jour le jour depuis près de 6 ans.
La regrettée Coralie Delaume nous prévenait déjà : « Si les référendums ne servent plus à rien, si la grève est sans effet, si le Parlement est contourné et si la Présidentielle ne consiste qu’à choisir entre des clones, alors, il ne reste plus rien de la démocratie. »
Albert Lieutier
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