LES VIEUX DÉMONS
La France a un immense talent : celui de fabriquer tout au long de l’année des polémiques en tous genres, largement reprises par le pouvoir en place qui instrumentalise les querelles les plus diverses afin de faire oublier aux citoyens les grands problèmes de la Nation. En évidence, ce n’est pas une « spécialité » de la présidence Macron car bien d’autres gouvernements auparavant, s’en sont donnés à cœur joie pour masquer le laxisme du système républicain, affaibli par quarante années de gestion désastreuse dans le domaine social comme dans le secteur économique.
Aussi, au cours de tous ces débats trop souvent stériles et voire inutiles qui ont jalonné la Cinquième République, on a oublié de se pencher sur les grandes préoccupations nationales que sont essentiellement l’emploi, la sécurité, le pouvoir d’achat ou encore l’environnement.
Tandis que l’on débattait sur la crise des valeurs républicaines, sur l’identité française, sur l’Islam de France ou sur le mariage pour tous, nos politiques du moment ont fait l’impasse sur les véritables avancées sociétales et donc sur l’avenir du Pays.
Mieux encore. Pour enterrer les dossiers difficiles ou gênants, on a relancé sur la place publique les vieux démons de la nation : racisme, antisémitisme, fascisme, homophobie, sexisme. Et là dessus, certains partis politiques surfent volontiers, faisant ainsi, à partir de ces doctrines et de ces idéologies, un véritable fond de commerce électoral.
Bien évidemment, il est nécessaire, voire indispensable, de limiter les dégâts et d’éviter les dérapages lamentables que nous connaissons depuis longtemps.
Mais ce n’est pas en défilant une ou deux fois par an que la situation changera. Aujourd’hui, le problème est trop ancré dans la société pour trouver une véritable porte de sortie de crise. En vérité, la solution réside au niveau de la médiatisation de certains faits trop souvent repris en boucle sur les journaux et sur les chaînes de télévision. Certes, le signalement d’une dérive est important et doit faire l’objet d’enquêtes et de reportages publics. Mais faut-il, dans une certaine mesure, éviter de diffuser pendant plusieurs jours sur une même chaîne de radio ou de TV des situations affligeantes où dominent la haine, la répugnance et parfois même, l’horreur. Les diffusions à répétition mettant en lumière des individus exécrables, dépourvus de toute humanité, ne font qu’inciter ces derniers pour continuer leurs basses et sales besognes.
Quels remèdes à ces égarements qui pourrissent la société ?
A dire vrai, il n’en existe pas. Et ce ne sont pas les sanctions pénales, même lourdes, qui changeront les esprits malsains. Les condamnations ne permettront jamais d’éradiquer les comportements racistes ou antisémites, comme par ailleurs, en son temps, la peine de mort n’a pas empêché la propagation des crimes de droit commun.
D’autant plus que si une majorité de l’opinion publique désapprouve tous les actes xénophobes ou antijuifs, les citoyens ne sont pas spécialement motivés pour participer à des manifestations comme ce fut le cas ce mardi à Paris. 20.000 personnes sur la capitale à l’appel des partis politiques, le succès de la mobilisation reste en demi-teinte. On aurait pu s’attendre à plus de 100.000 personnes, ce ne fut pas le cas, hélas ! Et c’ est là que l’on s’aperçoit où se situe le vrai problème. La désaffection citoyenne pour blâmer des actes répugnants donne froid dans le dos, car au final, on découvre que la France n’est plus capable de créer une union nationale face à de graves événements.
Il appartient donc à tous nos politiques et en particulier au pouvoir en place, de prendre toutes dispositions pour atténuer les vagues déferlantes de toutes les discriminations.
La première mesure passe par le système éducatif auprès des enfants, dès leur entrée à l’école. L’enseignement doit consacrer aux élèves de larges temps de dialogue et de réflexion pour aborder les problèmes liés à tous les types de ségrégation, le tout dans le cadre de l’histoire des civilisations et de l’éducation civique.
La seconde mesure porte sur une politique nationale de respect et de tolérance. Cette politique est connexe également à l’école où se construisent les valeurs humaines groupant la considération de l’autorité, les égards des uns envers les autres et plus généralement les bases de la moralité et du civisme. Bien évidemment, la famille détient aussi un rôle important de complémentarité avec celui de l’éducateur chargé de conduire les jeunes générations vers l’avenir.
Mais peut-on encore croire au véritable changement d’une société qui a perdu ses repères depuis longtemps ? Et nos politiques, sont-ils eux-mêmes capables de redresser les dérivations qui frappent le Pays ?
On pourrait porter longtemps encore la discussion sur une transformation d’un monde qu’il faut sauver de l’immoralité, de la corruption, de l’indécence ou de la turpitude. Mais, est-il encore possible d’agir pour le bien de l’humanité ? Voilà une question à laquelle nous attendons toujours la réponse, une réponse qui n’arrive jamais jusqu’à nous.
Oui, les vieux démons qui noircissent la planète depuis des siècles, sont toujours bien présents et ils ne sont pas prêts de disparaître. Sans doute, sont-ils actifs encore pendant très longtemps pour polluer notre société et pour détruire ce que nous aînés ont eu tant de mal à bâtir, au prix de lourds sacrifices et même de leur propre vie.
Pierre Reynaud
Ajouter un commentaire