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LA GRÈVE DU 7 FÉVRIER 2023 et les manifestations en France

Manifestation du 7 février contre la réforme des retraites en direct : « Faire travailler les gens plus longtemps, c’est une régression sans précédent »

Quelque 400 000 personnes se trouvent dans le cortège parisien, selon la CGT, un chiffre comparable à la manifestation du 19 janvier, mais inférieur à celui du 31 janvier. Nos journalistes suivent la mobilisation à Paris, Lille, Blois, Rodez et Alès.

Arrivée du cortège place de la Bastille à Paris pendant que les forces de l’ordre sont placées boulevard Henri, le 7 février 2023.

Arrivée du cortège place de la Bastille à Paris pendant que les forces de l’ordre sont placées boulevard Henri, le 7 février 2023

« J’ai 53 ans, mais un corps de 75 ans ! Déglinguée de partout !  »

Lamia, déléguée syndicale. Elle travaille chez Monoprix à Paris depuis 23 ans. Le 7 février 2023.

Lamia, déléguée syndicale. Elle travaille chez Monoprix à Paris depuis 23 ans. Le 7 février 2023.

Lamia, interrogée dans le cortège parisien, est responsable de rayon chez Monoprix depuis 23 ans. « J’y ai laissé deux genoux, une épaule et huit fausses couches » assène-t-elle d’emblée avant d’ajouter pour en rire : « J’ai 53 ans, mais un corps de 75 ans ! Déglinguée de partout !  » Elle a été reconnue travailleuse handicapée. A quel âge pourra-t-elle partir en retraite ? Elle ne sait pas. Son statut de travailleuse handicapée peut ouvrir des droits à une retraite anticipée, mais il faut avoir cotisé un nombre de trimestres minimum. Or, née à l’étranger, elle a commencé à cotiser tardivement en France. « J’ai presque 19 ans de retard », se lamente-t-elle.

A Paris, la poursuite de la « nouvelle doctrine » du maintien de l’ordre 

Alors que les premiers manifestants sont arrivés au point final de la mobilisation parisienne, place de la Bastille, le cortège syndical est plusieurs fois freiné par des échauffourées entre une cinquantaine de jeunes groupés en black blocs et les forces de l’ordre.

Premier arrêt à l’angle de la rue Charlot. Une centaine de CRS traverse le cortège, boulevard du Temple, pour se poster devant une mutuelle et une literie aux vitres brisées par des pierres. L’intervention, qui entraîne un léger mouvement de foule en arrière, reprend la nouvelle doctrine du maintien de l’ordre éprouvée lors des dernières manifestations : placées dans les rues adjacentes et plutôt très discrètes sur le parcours, les forces de l’ordre n’interviennent qu’en cas de dégradation sérieuse de bâtiments.

Les syndicats et manifestants, plutôt habitués, ne s’affolent pas lors de la sécurisation des deux commerces. Plus loin, à l’angle de la rue Amelot, des poubelles brûlent, d’autres bouteilles en verre sont jetées en direction des CRS, sans occasionner de charge. Le cortège repart, la Bastille en vue. Corentin Lesueur

« Quand on discute, on se rend compte que même ceux qui ne manifestent pas sont d’accord »

Catherine Glatigny, 69 ans et Grazia Valle, 79 ans retraitées, parlent aux salariés des grands magasins Rue de Rivoli à Paris, le 7 février 2023.

Catherine Glatigny, 69 ans et Grazia Valle, 79 ans retraitées, parlent aux salariés des grands magasins Rue de Rivoli à Paris, le 7 février 2023.

Deux manifestantes collent leurs pancartes contre les vitrines des boutiques de la rue de Rivoli pour que vendeurs et vendeuses puissent les lire. « On se fout de notre gueule. Vous voulez savoir oú sont vos annuités ? Elles sont toutes là : 80 milliards versés aux actionnaires en 2022, LVMH 14 milliards de résultats, +17 % sur un an !  », dit un côté du panneau de Grazia Valle, 79 ans. Les vendeurs des boutiques font signe en souriant. « Quand on discute, on se rend compte que même ceux qui ne manifestent pas sont d’accord », témoigne l’ancienne journaliste à la retraite. « Faire travailler les gens plus longtemps, c’est une régression sans précédent, alors que beaucoup ne trouvent plus de boulot passé 58 ans ! »

A ses côtés, Carherine Glatigny, bibliothécaire à la retraite : « Les petits-enfants, quand ils sont malades, c’est les grands-parents qui les gardent. Ma mère a 95 ans. Si je n’étais pas en retraite, elle serait dans un Ehpad. Et les associations ? C’est beaucoup de retraités, donc c’est un gain pour la société, qu’on perdrait avec cette réforme ». Aline Leclerc

« Peu importe les sondages, peu importe les manifs, le gouvernement passera de force »

Dans le cortège lillois.

Dans la manifestation lilloise, Lucie et Pierre tranchent avec le profil type du manifestant : ils sont jeunes et n’arborent ni chasubles ni autocollants. Etudiants en master, ils n’ont pas trop suivi l’examen du projet de réforme au Parlement, mais comme beaucoup de personnes interviewées cet après-midi, ils ont entendu parler du « 47.1 qui limitent les débats ». Lucie est sans illusions : « Peu importe les sondages, peu importe les manifs, le gouvernement passera de force ». Pierre est plus optimiste : « Même les catégories aisées critiquent la réforme ». Ils ne seront pas dans la rue samedi. A Lille, les vacances scolaires débutent vendredi soir.

Des salariés du transport aérien dans le cortège parisien : « Ces dernières années, les coeurs étaient passés de l’espoir à la résignation »

A Paris, comme lors des deux manifestations précédentes, les salariés du transport aérien se sont regroupés. Place de l’Opéra, Fabrice Michaud, secrétaire général de la fédération des transports CGT, veut « inscrire ce défilé dans la continuité » de la protestation contre la réforme des retraites. A l’en croire, « avec Force ouvrière, nous préparons des actions pendant les vacances scolaires notamment dans notre branche remontées mécaniques ».

Même s’il admet qu’il n’y pas la foule du 31 janvier mais plutôt une affluence semblable à la manifestation du 19 janvier, il est content de savoir « qu’en province c’est au même niveau et surtout qu’il y a beaucoup de têtes nouvelles aujourd’hui dans le cortège d’Aéroports de Paris que je ne connaissais pas ».

A quelques pas, Marc Allot, chef de cabine principal chez Air France et syndiqué CGT, a le sourire. « Ces dernières années, les coeurs étaient passés de l’espoir à la résignation », mais une telle mobilisation « donne envie de continuer jusqu’au retrait de cette réforme ». « Un nouvel espoir est né, toutes générations confondues », philosophe le grand gaillard.

Marc Allot, chef de cabine principal chez Air France et syndiqué CGT.

Marc Allot, chef de cabine principal chez Air France et syndiqué CGT

Pour son troisième défilé, Sandrine, salariée de Groupe Aéroports de Paris (ADP), a, cette fois pris sur sa journée de repos pour venir manifester. Toujours aussi déterminée, « on ne lâche rien », affirme-t-elle. Ce mardi, ADP est venu en nombre : « Nous avons rameuté des collègues », signale-t-elle. A son côté, Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT d’ADP, confirme : « Il y a toujours le même niveau de mobilisation. Cela ne faiblit pas. On espère que samedi 11 février, ce sera pareil. »

Sandrine, salariée de Groupe ADP.

La suite du reportage ...

Date de dernière mise à jour : 09/04/2023

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