Daniel Cordier un grand résistant

Daniel Cordier, l'un des premiers Français à avoir rallié les Forces françaises libres en juin 1940, s'est éteint vendredi à Cannes (Alpes-Maritimes) à l'âge de 100 ans. Outre son passé de résistant, il était un marchand d'art reconnu et l'auteur de plusieurs ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale.

Incontestablement, Daniel Cordier a joué un rôle dans la Résistance, mais son engagement n'est pas plus important que celui de nombreux autres résistants qui sont restés dans l'ombre ou qui sont morts, exécutés par la Gatespo. Certes, il a été le secrétaire de Jean Moulin, mais pendant combien de temps ? Moins d'un an si l'on considère qu'il est entré à son service d'août 1942 à juin 1943, date de l'arrestation de ce dernier. Ainsi, qu'on lui rende hommage comme le souhaite le président Macron, c'est parfaitement légitime, mais il faudrait aussi que le chef de l'État s'exprime aussi sur tous ceux et celles qui ont œuvré pour résister face à l'Allemagne nazie, même s'ils n'ont pas connu la même notoriété que Monsieur Cordier. Mais revenons maintenant sur l'existence hors du commun de cet homme, décédé ce vendredi 20 novembre à l'âge de 100 ans, avant-dernier Compagnon de la Libération. Voici cinq choses à savoir sur l'ancien secrétaire de Jean Moulin. 

DANIEL CORDIER

De Maurras à la Résistance

Né le 10 août 1920 à Bordeaux, Daniel Cordier a d'abord été un jeune militant monarchiste et maurrassien, période sur laquelle il restera longtemps silencieux par la suite.

Il est sur le point d'être incorporé dans l'armée lorsque le maréchal Pétain annonce l'armistice. "Je pensais naïvement, mes parents pensaient comme moi, que Pétain allait lancer la contre-offensive victorieuse de la France et au lieu de cela, il annonçait la fin des combats, c'est-à-dire la fin de l'espérance. J'ai fondu en larmes, je suis monté dans ma chambre et j'ai beaucoup pleuré", expliquait Daniel Cordier sur France Culture, en 2010. Révolté par ce discours, il décide de rallier sur-le-champ les Forces françaises libres (FFL). Il embarque le 21 juin 1940 à Bayonne, direction Londres.

A l'été 1941, il est nommé au service "Action" du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), les services secrets des FFL, et suit pendant un an un entraînement spécial sur le sabotage, la radio, les atterrissages et parachutages.

Il a été le secrétaire de Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale

Parachuté en France, fin juillet 1942, près de Montluçon (Allier), Daniel Cordier est alors le secrétaire de Georges Bidault, responsable de l'agence de presse clandestine de la Résistance. Quelques jours après son parachutage, il rencontre à Lyon "Rex", alias Jean Moulin, représentant du général de Gaulle et délégué du Comité national français. "Nous avons diné et il m'a fait raconter ma vie (...) enfin surtout ma vie politique, parce qu'au fond, c'était l'essentiel de mon existence", racontait-il sur le plateau de l'émission Apostrophes, en 1989. Jean Moulin l'engage pour organiser son secrétariat à Lyon. 

Daniel Cordier est alors le témoin privilégié des immenses difficultés rencontrées par "Rex" pour unifier la Résistance. Il restera son bras droit jusqu'à l'arrestation de Jean Moulin en juin 1943. Il ne connaîtra son véritable nom qu'en octobre 1944. Après l'arrestation de "Rex", il poursuit sa mission en zone nord auprès de Claude Bouchinet-Serreulles, successeur par intérim de Jean Moulin, avant de rejoindre Londres en mai 1944 et de continuer de travailler pour le BCRA.

Il est devenu marchand d'art après la guerre 

Initié à la peinture par Jean Moulin, dessinateur confirmé, il commence une carrière d'artiste et de collectionneur (notamment Braque, Soutine, Rouault, et Nicolas de Staël). De 1956 à 1964, il tient une galerie à Paris qui lance de nombreux artistes. Il fera don de centaines d'œuvres au Musée Georges-Pompidou. "J'avais fait fortune dans les tableaux. C'est vrai que je ne tenais pas à perdre cet argent que j'avais de façon relative justement gagné (...) ça m'a permis quand même de travailler pendant 30 ans en écrivant les volumes sur Jean Moulin", racontait-il au micro de France Culture.

Finaliste du prix Goncourt

Le livre de mémoires de Daniel Cordier, Alias Caracalla, sorti au printemps 2009, avait été retenu pour figurer parmi les finalistes sélectionnés par le jury décernant la prestigieuse récompense. C'est finalement Marie NDiaye pour Trois femmes puissantes qui l'a emporté. "Je regrette que, suivant l'idée de Régis Debray, nous ne lui ayons pas décerné le prix Goncourt", a écrit vendredi sur Twitter le président du jury de l'époque, le journaliste littéraire Bernard Pivot. 

Il a été un militant de la cause homosexuelle

L'un des héros de la Résistance a dû cacher son orientation sexuelle, comme l'explique le magazine Têtu. A l'époque, "la haine à l’égard de l’homosexualité était terrible", décrivait-il des années plus tard, citation rapportée par le mensuel. Il a consacré un livre, Les Feux de Saint-Elme, à un amour adolescent avec un autre garçon. Il a aussi défendu le mariage homosexuel. "Cela va avec l’idée de liberté. Je me suis battu pour la liberté. Et la liberté, c’est aussi celle de faire ce qu’on veut avec son corps et avec son sexe. C’est très important", notait-il en 2018, dans un entretien au Monde.DANIEL CORDIER

 

Date de dernière mise à jour : 22/11/2020

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