MACRON 2 : Le gouvernement va-t-il pouvoir gouverner à coups de 49-3 ?

Privé de sa majorité présidentielle, décrédibilisé aux législatives et incapable, pour l'instant, d’élargir son assise parlementaire aux autres formations politiques qui composent l’Hémicycle, Emmanuel Macron est acculé. Pour mener à bien ses projets de réforme, le Président risque de patiner allègrement. Celui qui, en 2017, rêvait de faire de la France une « start-up nation » déchante depuis une semaine. Il réalise qu’aucun « business model » ne préservera son pouvoir jupitérien. Face à une Assemblée qui lui est majoritairement hostile, tout particulièrement sur son programme socio-économique (la gauche et la Macronie trouveront très certainement un terrain d’entente sur les lois bioéthiques et progressistes), le gouvernement Macron va devoir composer habilement s’il veut légiférer… ou bien utiliser le 49-3.

49 - 3

Le 49-3, une arme éprouvée par François Hollande

Rappelons-nous, c’était il y a huit ans. François Hollande dirigeait le pays, Manuel Valls était son Premier ministre et Emmanuel Macron était à Bercy. À l’époque, le jeune ministre de l’Économie fraîchement sorti de la banque avait donné son nom à un projet de loi qui fit vaciller le gouvernement : la loi Macron. Cette dernière avait pour but de stimuler « la croissance et l’activité » en réformant le travail le dimanche ou encore en facilitant les licenciements collectifs. Face à la levée de boucliers de l’opposition - à l’époque, l'UDI et LR avaient déposé une motion de censure -, Valls décide d’utiliser l’article 49-3 de la Constitution et fait adopter le projet en première lecture. Manuel Valls répétera la procédure quatre mois plus tard, puis en juillet 2016 afin de faire adopter définitivement le texte.

Peu de temps après s’invite à la table le projet de loi Travail, la fameuse loi El Khomri. Réforme inédite du droit du travail, une partie de la France se dresse vent debout contre un texte jugé ultralibéral. Contesté à l’Assemblée, Valls use encore une fois du 49-3 et fait adopter le texte en trois séances, à l’été 2016. L’arme constitutionnelle du 49-3 aura été utilisée à six reprises sous le mandat de François Hollande.

Macron peut-il passer en force avec le 49-3 ?

Le danger du 49-3, c’est qu’il met la vie du gouvernement en jeu. En y faisant appel, Macron engagerait la responsabilité de son Premier ministre et du gouvernement tout entier. L’opposition dispose alors de 24 heures pour déposer une motion de censure devant l’Assemblée nationale, motion qui doit recueillir le vote d’une majorité de députés pour être validée. Si cette motion de censure est validée, le gouvernement doit démissionner.

Problème pour l’opposition à Macron, elle ne comprend, réunie, pas suffisamment de députés pour être majoritaire lors d’un vote. Avec 131 députés pour la NUPES (LFI, PS, EELV), 89 pour le RN et 61 pour LR, on arrive à 281 : il manque huit voix pour atteindre la majorité. En l’état, l'usage du 49-3 pourrait permettre au Président de faire passer sa réforme des retraites, mais à quel prix ? Sanctionné par les Français aux élections législatives, Macron aurait beaucoup à perdre en prenant le chemin du passage en force, à commencer par la paix sociale. L’inflation galopante risque de faire sortir les Français dans la rue à l’automne et l’image d’un Président trop autoritaire n’arrangerait rien.

Sachant que l’outil du 49-3 est utilisable mais néanmoins risqué, Macron pourrait tenter de fracturer les partis d’opposition les plus sensibles : Les Républicains, le Parti socialiste, certains non-inscrits et peut-être quelques dissidents d’Europe Écologie Les Verts pour faire passer ses lois à l’Assemblée. En cas de blocages persistants, le Président pourra toujours dégainer le sabre du 49-3 et imposer ses réformes à tous les membres de l’Hémicycle.

Par ailleurs, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale, le 49-3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire, ce qui limite sérieusement la capacité de manœuvre du Président.

Pour le moment, la stratégie d’Emmanuel Macron reste floue. Balayant l’idée d’un gouvernement d’union nationale, il se dit prêt à composer au cas par cas, loi par loi, promettant de « bâtir des compromis » avec les partis d’opposition s’ils « clarifient leurs positions ».

Un début de mandat qui promet donc des surprises, espérons que le 49-3 ne soit pas l’une d’entre elles.

Geoffroy Antoine

Date de dernière mise à jour : 06/07/2022

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