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DOSSIER RUSSIE - UKRAINE : La reconnaissance de Donetsk et Lougansk

La Russie vient de reconnaître la souveraineté des républiques de Donetsk et Lougansk. (auteur : Stratediplo)

Les Etats-Unis (puis leurs alliés) avaient redoublé d'agressivité envers la Russie depuis novembre, l'accusant de s'apprêter à envahir l'Ukraine et annonçant successivement plusieurs dates pour cela.

Cela n'est pas fondamentalement nouveau puisque dès le 3 mars 2014, cinq jours ouvrés après le coup d'Etat uniopéen en Ukraine, l'Union Européenne avait accusé la Russie d'avoir attaqué l'Ukraine, et les accusations d'agression ou d'invasion n'ont pas cessé depuis lors.

Le récent déferlement d'annonces d'invasion a forcé le président ukrainien Zelenski à protester de plus en plus fort depuis deux mois contre cette "hystérie" qui a provoqué la panique en Ukraine (qu'il a tenté de calmer), à donner un ultimatum de 24h le 14 février pour que les fonctionnaires et entrepreneurs déserteurs reviennent en Ukraine, et à diffuser hier 21 février une estimation du préjudice économique de l'hystérie fomentée par les Etats-Unis (sans parler des nombreux appels au président Biden pour qu'il se calme).

Parallèlement depuis la fin de l'année dernière les Etats-Unis ont accéléré la livraison d'armements et le déploiement d'instructeurs militaires en Ukraine (en violation des accords de Minsk qu'ils n'ont certes pas signés), et encouragé le gouvernement ukrainien à reprendre Donetsk et Lougansk par la force.

UKRAINE DONETSK ET LOUGANSK REPUBLIQUES SEPARATISTES PRORUSSES

Pour mémoire Donetsk et Lougansk (sud-est) sont des régions légalistes qui pour avoir protesté contre le coup d'Etat (fomenté par l'Union Européenne) du 22 février 2014 à Kiev ont été déclarées étrangères par le nouveau régime, lequel y a envoyé l'armée le 15 avril en annonçant vouloir en déporter la population. Le gros de l'armée ukrainienne ayant fraternisé ou déserté ses armements soviétiques ont été confiés à un amalgame de milices, mobilisés et mercenaires qui a rasé début mai les villes de Slaviansk puis Kramatorsk à l'artillerie allant jusqu'aux missiles balistiques SS-21. Les deux régions les plus au sud-est ont donc rappelé les anciens militaires, levé des milices et ouvert les arsenaux soviétiques pour se préparer à l'arrivée des forces du coup d'Etat.

Un million et demi de réfugiés du sud-est de l'Ukraine sont passés en Russie (le tiers d'entre eux est revenu depuis), plus gros déplacement de populations en Europe depuis la deuxième guerre mondiale.

Deux millions de civils ont été assiégés dans Donetsk et trois quarts de millions dans Lougansk, par "l'armée" ukrainienne qui les a privés d'eau et d'électricité. La situation sanitaire se dégradant, le Comité International de la Croix-Rouge a demandé une intervention humanitaire internationale urgente des pays volontaires, qu'elle aurait acheminée depuis la Russie (frontalière de Lougansk) afin de ne pas devoir traverser la ligne de front. Au Conseil de Sécurité de l'ONU le 8 août 2014 les Etats-Unis d'Amérique ont formellement interdit à la Russie d'acheminer cette aide humanitaie, ont déclaré qu'ils considéreraient son arrivée comme une invasion de l'Ukraine, et ont menacé la Russie d'une riposte militaire. Pour mémoire, à la même séance du 8 août les Etats-Unis ont aussi opposé leur veto à un projet de résolution visant à rappeler à l'Ukraine la résolution 2166 du 21 juillet qui exigeait un cessez-le-feu dans la zone où s'était écrasé l'avion malaisien MH17 le 17 juillet, que l'Ukraine violait tous les jours et leva officiellement le 7 août afin d'interdire l'accès des équipes de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) à l'épave. Lorsque la Russie et la Croix-Rouge ont lancé ce convoi humanitaire de camions blancs le 19 août 2014, la plupart des chefs d'Etat et de gouvernement de l'axe antirusse ont surenchéri de menaces contre la Russie et d'accusations de transport d'armes (l'OSCE l'a contrôlé à la frontière), tout en refusant d'envoyer une aide pour sauver les populations assiégées.

Une guerre de quelques mois a eu lieu, "l'armée" ukrainienne a été battue et le front s'est figé en périphérie des deux villes principales des régions poussées à la sécession, adossées à l'est à la frontière russe et au sud à la mer d'Azov.

En septembre 2014, à l'instigation de la Russie, l'OSCE a parrainé les accords de paix "de Minsk", complétés en février 2015 et signés par les deux parties belligérantes, ainsi que par l'OSCE et la Russie comme parrains. L'UE et l'OTAN s'étaient déclarées opposées aux négociations puis aux accords, ce que l'Alliance Atlantique a confirmé en invitant le président ukrainien Porochenko à une réunion de l'OTAN le jour prévu pour la signature desdits accords. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a cependant approuvé ces accords le 17 février 2015 (résolution 2202).

En gros les accords de Minsk comprenaient essentiellement des mesures militaires comme la création d'une zone de séparation et le retrait de l'artillerie au-delà d'une distance correspondant à sa portée (différente selon les types de pièces), et des mesures politiques comme la création d'un système fédéral et la réincorporation de ces régions avec un statut d'autonomie.

L'Ukraine a commencé à violer les mesures militaires six minutes après la signature du premier accord, et n'a jamais pris la moindre mesure politique. Depuis 2015 la Russie, parraine des accords comme l'OSCE, demande à l'Ukraine de commencer à les appliquer, et demande aussi aux gouvernements suppôts de l'Ukraine de faire pression en ce sens, sans le moindre résultat.

Le gouvernement ukrainien a adopté le 20 février 2018 la loi 7163 qui renie les accords de Minsk, proclame la nécessité de conquérir les régions légalistes par la force, et autorise l'utilisation de l'armée contre la population civile pour ce faire (ce que la constitution de 1996 interdisait). Le 30 avril les Etats-Unis ont récompensé cette loi en reconnaissant avoir livré des armes à l'Ukraine (en contravention au code de conduite international sur les transferts d'armements, article 3).

Maintenant depuis deux mois et avec l'encouragement des Etats-Unis, l'Ukraine masse des armements, y compris de l'artillerie interdite par les accords de Minsk, le long de la zone de séparation, et concentre des troupes comme pour préparer une offensive.

Le 11 février le président Pouchiline de Donetsk a longuement détaillé les éléments qui lui faisaient croire à l'imminence d'une offensive. L'estimation du déploiement correspond à pratiquement tout ce qui reste d'opérationnel dans l'armée ukrainienne. Et le 14 février les Etats-Unis ont transféré leur ambassade de Kiev à Lviv (ils viennent de l'exfiltrer du pays).

Compte tenu de la préparation de cette offensive, le 15 février le parlement russe a voté la reconnaissance des républiques de Donetsk et Lougansk (que celles-ci demandaient depuis sept ans) et demandé au gouvernement russe qu'il reconnaisse leur souveraineté. La première réponse du président Poutine fut qu'il restait une chance que les accords de Minsk soient finalement appliqués.

Le 18 l'artillerie ukrainienne est entrée en action, l'OSCE notant que les violations du cessez-le-feu (chaque tir est compté comme une violation) venait de passer de quelques centaines par jour à plusieurs milliers, et ça continue depuis lors, l'Ukraine bombardant les deux grandes villes et des dizaines de villages, et Donetsk et Lougansk ripostant en tirs de contre-batterie (du côté ukrainien c'est une région rurale). Le 18 Donetsk et Lougansk ont appelé la population civile (femmes, enfants et vieillards) à se préparer à une évacuation vers la Russie. Le 19 les deux républiques ont proclamé la mobilisation générale des hommes d'âge militaire.

Plusieurs fois ces derniers jours le président Poutine a appelé avec insistance au début de l'application des accords de Minsk. Le contenu de la dernière conversation entre les présidents Poutine et Macron reste secret, mais il semble qu'Emmanuel Macron, tout en continuant d'accuser la Russie d'intentions d'invasion, ait encore refusé d'intimer à l'Ukraine d'appliquer les accords de Minsk. Il n'est pas impossible que cela ait joué dans la réponse ferme que Vladimir Poutine s'était engagé à donner rapidement à Donetsk et Lougansk.

Par ailleurs les Etats-Unis et l'OTAN ont, en janvier, fini par donner formellement leur réponse négative aux propositions faites par la Russie en décembre concernant la conclusion de nouveaux accords de sécurité mutuelle, or il est apparu un renseignement selon lequel les Etats-Unis s'apprêtent à imposer de facto à leurs alliés l'entrée de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN.

Un accord de coopération (assistance) militaire est en cours de rédaction mais le gouvernement russe envoie dès ce 22 février des troupes de maintien de la paix dans les deux républiques, pour déploiement vers la zone de séparation.

our mémoire en 2008 la Russie a certes défendu l'Ossétie du Sud attaquée par la Géorgie mais en évitant d'écraser irréversiblement l'armée géorgienne. Les troupes russes ne sont alors même pas allées jusqu'à Tbilissi et ont quitté la Géorgie quelques jours plus tard. La Russie, qui avait jusque-là toujours refusé de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du Sud, l'a alors fait après cette tentative de "purification ethnique" lancée par la Géorgie le 7 août 2008, mais elle a refusé d'annexer ce micro-Etat qui l'a pourtant demandé après referendum.

De même la Russie refusait de reconnaître l'indépendance des républiques de Donetsk et Lougansk jusqu'à présent, et ne vient de le faire que devant l'imminence de l'attaque ukrainienne et la nécessité d'éviter un autre bain de sang, ou la déportation d'un autre million de civils innocents.

Pour mémoire, la Russie a dirigé une opération de maintien de la paix au Kazakhstan le mois dernier, en réaction à une tentative de "révolution de couleur" et déstabilisation diligentée de l'étranger (comme en Biélorussie récemment). Les forces envoyées par les pays voisins (menées par la Russie) sont arrivées quelques dizaines d'heures après la demande du gouvernement kazakh, et elles forces se sont expressément limitées au remplacement des forces kazakhes dans des dispositifs fixes (protection d'infrastructures) afin de libérer la police et l'armée locales qui ont pu ainsi traiter les factions armées en rébellion, qui se sont avérées s'élever à 20000 hommes avec un encadrement étranger. Le contingent de maintien de la paix a totalement quitté le pays pacifié une semaine plus tard.

A la lecture de la Convention de Montevideo du 26 décembre 1933, comme d'ailleurs de la déclaration des pays de la CEE sur les lignes directrices de la reconnaissance de nouveaux Etats en Europe du 16 décembre 1991, les républiques de Donetsk et Lougansk correspondent certainement mieux à la définition d'un Etat souverain reconnaissable que la province serbe occupée de Kossovo et Métochie, reconnue par la majorité des membres de l'UE, ainsi que par les Etats-Unis, en violation expresse de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité de l'ONU.

Sources : Stratediplo

 

 

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