MIKHAÏL GORBATCHEV, l'URSS perdue ...
Mort à l'âge de 91 ans, le 30 août 2022, Mikhaïl Gorbatchev laisse derrière lui un héritage contrasté, mais monumental. Salué en Europe et aux États-Unis pour avoir été l'un des artisans de la détente et du rapprochement Est-Ouest qui devait mettre fin à la guerre froide, il a aussi entériné la chute de l'empire: le 25 décembre 1991, le président Gorbatchev démissionne, et l'URSS s'effondre à sa suite. Retour sur le parcours du dernier dirigeant soviétique.
Le jeune Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev a 21 ans quand il prend la tête de l'organisation de la jeunesse du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) à l'Université de Moscou Lomonossov, deux ans à peine après avoir adhéré au parti. Lui qui est issu d'une famille d'agriculteurs, monté à la capitale pour étudier le droit, ne tarde pas à gravir les échelons. Ses années d'études à Moscou lui ont fourni les armes pour être un apparatchik exemplaire, et alors qu'il retourne s'installer avec son épouse, Raïssa Titorenko, dans son karaï natal de Stavropol, au pied des montagnes du Caucase, il devient en 1970 le premier secrétaire du comité du Parti communiste de la région.
Sa consécration ne tarde pas à venir: en 1979, il intègre le prestigieux Politburo, organe suprême du Comité central du PCUS à l'origine de la ligne politique de l'URSS. Alors que l'empire s'ankylose dans le dogmatisme et que le parti peine à lui donner un nouveau souffle, la mort de Konstantin Tchernenko permet à Gorbatchev d'accéder à la tête du pays: le 11 mars 1985, le jeune poulain de Privolnoïe devient le secrétaire général du PCUS.
Les premières années de gouvernance de Gorbatchev sont encore marquées par l'épais brouillard politique de la machine soviétique. Alors que le 26 avril 1986 survient la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le dirigeant n'en est informé que le lendemain, par un rapport excessivement lacunaire qui minore l'accident. L'évacuation des habitants des villes alentours débute elle-même avec trente heures de retard, tandis que les journaux télévisés diffusent des bulletins d'information assurant qu'il n'y a «pas de destruction, ni d'incendies gigantesques, ni de milliers de victimes».
Il faut attendre près de trois semaines pour que Gorbatchev s'exprime publiquement sur la catastrophe et reconnaisse son ampleur lors d'une allocution télévisée, le 14 mai 1986. Il accuse à cette occasion les médias occidentaux d'avoir «exagéré la gravité de l’accident dans un but polémique et politique».
Trois ans plus tard, le 23 février 1989, il se rend pour la première fois à Tchernobyl, en compagnie de son épouse, Raïssa Gorbatchev (à gauche), pour discuter avec des responsables de la centrale nucléaire.
Dès la première année de son mandat, Gorbatchev songe à retirer les troupes soviétiques du terrain afghan, l'invasion débutée en décembre 1979 contribuant à plomber l'économie de l'empire, tout autant qu'elle fragilise sa position sur la scène internationale. Les accords de Genève, signés le 14 avril 1988 entre l'Afghanistan, le Pakistan, les États-Unis et l'URSS, permettent le retrait des troupes militaires soviétiques d'Afghanistan, qui débute le 15 mai de la même année, et s'étire jusqu'au 15 février 1989.
Sur les chars, des régiments de parachutistes soviétiques traversent la frontière afghane, fleur (rouge) au fusil, pour rentrer en URSS. Une bannière a été déployée sur le côté d'un véhicule, sur laquelle on peut lire «Bonjour, mère patrie».
C'est bien malgré lui que Mikhaïl Gorbatchev assiste à la chute du mur de Berlin, la nuit du 9 novembre 1989. Lui qui avait renoncé à la doctrine Brejnev dans la foulée des grandes réformes de la perestroïka entreprises au sein de l'Union soviétique, ne voit pourtant pas venir les coups de masse qui ébranlent le rideau de fer. Après avoir successivement annoncé une réduction importante des troupes soviétiques en Europe et autorisé la libre circulation entre les deux Allemagne, il faut se rendre à l'évidence: c'est la réunification de l'Allemagne qui se profile. Elle prend effet le 3 octobre 1990.
Après le désastre de Tchernobyl, Gorbatchev s'était donné pour objectif de décadenasser l'information, en menant une politique de liberté d'expression: c'est la glasnost, qui a pour mot d'ordre la transparence, et cherche à encourager la publicité des débats. Mais en 1989, le Président du Soviet suprême de l'URSS éprouve les inconvénients de cette liberté toute relative.
Le 12 décembre, alors que les débats du Congrès des députés du peuple sont retransmis en direct à la télévision, c'est tout le pays qui assiste à une vive confrontation entre Gorbatchev et Andreï Dmitrievitch Sakharov académicien et militant des droits de l’homme, concepteur de la bombe H exilé à Gorki vingt ans plus tôt pour avoir critiqué le pouvoir, et réhabilité par Gorbatchev lui-même en 1986. Alors que Sakharov réclame la suppression de l'article 6 de la Constitution soviétique, qui garantit le rôle dirigeant du Parti communiste, Gorbatchev refuse d'en débattre, et hérite du paquet de feuilles de notes que Sakharov dépose nerveusement devant lui. Le physicien prix Nobel de la paix décède deux jours plus tard, à l'âge de 68 ans.
En mars 1990, Mikhaïl Gorbatchev ne peut pourtant plus reculer une réforme constitutionnelle: il crée un poste de président de l'URSS, et diminue le rôle dirigeant du chef du Parti communiste de l'Union soviétique. Le 14 mars, il est élu par le Congrès des députés du peuple pour un mandat de cinq ans, et prête serAu crépuscule de l'URSS, Gorbatchev est loin de faire l'unanimité, et son autorité est de plus en plus contestée. Le 20 janvier 1991, près de 100.000 manifestants marchent sur le Kremlin à Moscou, et demandent sa démission, en réaction à la répression sanglante des autorités nationalistes lituaniennes: une semaine plus tôt, quatorze personnes étaient tuées lors de l’assaut des troupes soviétique contre le Parlement et le bâtiment de la télévision de Vilnius. Première république balte à proclamer son indépendance en mars 1990, la Lituanie voit sa sécession être reconnue par l'URSS en septembre 1991.
En août 1991, Gorbatchev fait l'objet d'un coup d'État: le putsch de Moscou, putsch raté qui ne dure que trois jours, mais le fragilise dans ses positions et contribue à l'ascension de Boris Eltsine, élu président du Soviet suprême de la République socialiste fédérative soviétique de Russie un an plus tôt, qui le sauve pour mieux l'écarter. ment dès le lendemain, à Moscou. En octobre de la même année, il reçoit le prix Nobel de la paix.
Le président américain George H. W. Bush et son homologue soviétique Mikhaïl Gorbatchev se serrent la main alors qu'ils se retrouvent à Moscou, à l'occasion du sommet américano-soviétique de deux jours consacré au désarmement, les 30 et 31 juillet 1991. À la fin du sommet, les deux dirigeants parviennent à s'accorder sur un traité historique de réduction des armes stratégiques (Start I), qui vise à réduire d'un tiers les arsenaux nucléaires des superpuissances, et entre en vigueur le 5 décembre 1994.
La chute des régimes communistes en Europe précéda de quelques années la chute de l'empire soviétique. Le traité de Minsk, signé le 8 décembre 1991 entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, entérine la dislocation de l'URSS en inaugurant la Communauté des États indépendants (CEI). Le 25 décembre 1991, le Président soviétique Mikhaïl Gorbachev lit sa déclaration de démission, peu avant d'apparaître à la télévision pour annoncer sa décision à la nation depuis Moscou. Il met ainsi fin à près de sept ans de pouvoir, et signe la fin de l'Union soviétique, qui avait débuté en 1917 avec la Révolution.
Retiré de la vie politique depuis sa démission, Gorbatchev réapparaît sur la scène publique en 1997 à l'occasion d'une publicité pour la chaîne Pizza Hut: on l'y voit déjeuner avec sa petite-fille Anastasia dans un restaurant fictif qui aurait ouvert sur la place Rouge, et susciter le débat parmi les autres clients: lui doivent-ils leur liberté, ou le chaos économique et l'instabilité politique? Tous s'accordent finalement pour saluer le grand homme, qui aura permis l'arrivée des pizzas américaines au cœur de Moscou: voilà qui signerait une belle victoire du capitalisme sur le communisme.
Quelques années plus tard, en 2009, c’est pour Louis Vuitton que l'ancien président joue les figurants, posant sobrement à côté d'un sac de voyage de luxe, dans une limousine à travers les Après un silence d'une vingtaine d'années, Mikhaïl Gorbatchev reprend la parole en 2011 pour condamner les penchants autoritaires de Vladimir Poutine, à l'occasion de la campagne électorale présidentielle menée par ce dernier. Il demande alors sa démission, et ne s'essouffle guère à la critique les années passant. Pour autant, un revirement étonnant le montre se déclarer favorable à l’annexion de la Crimée, au moment du référendum controversé de 2014 qui oppose Moscou à Kiev.
Auteur de plusieurs livres sous forme de mémoires et de testaments, Gorbatchev, qui était l'un des actionnaires principaux du média dissident Novaïa Gazeta, avait renoncé à s'exprimer sur l'invasion de l'Ukraine, entreprise par la Russie en février 2022.
Date de dernière mise à jour : 12/04/2023
Ajouter un commentaire