
« Intentions malveillantes », conduite « destructrice » : l’Iran s’en prend violemment au dirigeant de l’AIEA. Paris, Berlin et Londres ont dénoncé des « menaces ».
PROCHE-ORIENT - La guerre entre Israël et l’Iran a beau être terminée, les tensions sont très loin de retomber. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont condamné ce lundi 30 juin « les menaces proférées contre le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi », réitérant « leur plein soutien » à l’Agence internationale de l’énergie atomique et à son dirigeant, selon une déclaration commune des ministres des Affaires étrangères.
Leur homologue iranien, Abbas Araghchi, avait vivement critiqué vendredi le patron de l’AIEA, Rafael Grossi, qui juge nécessaire de visiter les sites nucléaires iraniens bombardés par les États-Unis. « L’insistance de Rafael Grossi à visiter les sites bombardés (...) n’a pas de sens et peut même cacher des intentions malveillantes », avait écrit sur X Abbas Araghchi, qui reproche notamment au chef de l’AIEA de ne pas avoir condamné les frappes israéliennes et américaines contre des installations nucléaires.
Dimanche, l’Iran avait dû démentir avoir menacé le directeur après qu’un journal iranien a appelé à « exécuter » le chef de l’AIEA. « Non, il n’y a aucune menace » contre les inspecteurs ou le directeur général de l’AIEA, a assuré l’ambassadeur d’Iran auprès de l’ONU Amir Saeid Iravani à la chaîne américaine CBS, qui l’interrogeait sur les menaces de mort du quotidien conservateur Kayhan, proche du régime. Les inspecteurs en Iran « sont en sécurité », a assuré l’ambassadeur.
La conduite « destructrice » du chef de l’AIEA
« Nous exhortons l’Iran (...) à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sûreté et la sécurité du personnel de l’AIEA », écrivent ce lundi les chefs de diplomatie français, allemand et britannique. Jean-Noël Barrot, Johann Wadephul et David Lammy exhortent également les autorités iraniennes « à s’abstenir de toute mesure visant à mettre fin à leur coopération avec l’AIEA » alors que plus tôt ce lundi, la France avait de son côté appelé l’Iran « à la mise en œuvre pleine, entière et immédiate de leurs obligations internationales »
Mais loin de faire redescendre les tensions, le président iranien Massoud Pezeshkian a déclaré ce lundi que Téhéran avait rompu sa coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique en raison de ce qu’il a appelé la conduite « destructrice » du chef de l’AIEA à l’égard de Téhéran, selon un communiqué de son bureau.
« L’initiative prise par des membres du Parlement (...) est une réponse naturelle à la conduite injustifiée, non constructive et destructrice du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique », a déclaré Massoud Pezeshkian à son homologue français, Emmanuel Macron, lors d’un appel téléphonique dimanche soir, selon le communiqué.
La question de l’avenir du nucléaire iranien
La question du nucléaire iranien est en effet loin d’être définitivement réglée, malgré la guerre menée par Israël avec l’appui militaire américain. Le Pentagone affirme en effet avoir « dévasté le programme nucléaire iranien » dans ses frappes du 22 juin. Mais les experts soulignent qu’il est difficile à ce stade d’évaluer l’étendue des destructions, notamment dans les installations souterraines de Fordo, où se trouvent des milliers de centrifugeuses utilisées pour enrichir l’uranium.
Le directeur général de l’AIEA avait notamment réclamé la semaine dernière un accès aux sites nucléaires iraniens, afin de pouvoir établir ce qu’il est advenu du stock d’uranium enrichi à un niveau proche du seuil de conception d’une bombe atomique dont dispose l’Iran. Car pour beaucoup, il est fort probable que le régime iranien ait fait évacuer en lieu sûr une grande partie de ces plus de 400 kg d’uranium enrichi à plus de 60 %, en prévention des frappes américaines.
Le fait que l’Iran rompe sa coopération avec l’AIEA renforce également l’idée que Téhéran pourrait poursuivre clandestinement son programme nucléaire. Surtout que selon Rafael Grossi, l’Iran dispose des capacités techniques pour recommencer à enrichir de l’uranium d’ici « quelques mois », a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne américaine CBS. Le dossier iranien est loin d’être terminé.
Timothée Barnaud avec AFP