Orbán, seul contre tous à Bruxelles : victoire ou capitulation ?

À Bruxelles, ce matin, se tenait un sommet européen extraordinaire à 27 pour décider d’une modification du budget, quatre mois avant les élections européennes : il s’agissait d’accorder, sur quatre ans, une aide financière de 50 milliards d’euros à l’Ukraine.

Au Sommet de Bruxelles, l'Europe a toujours le même problème : il s'appelle  Viktor Orban

Plus précisément, cette modification du cadre financier pluriannuel (CFP), établi pour la période 2021-2027 et décidé par les chefs de gouvernement (et non le Parlement européen), a été évoquée dès juin dernier, puis en décembre. La Commission européenne avait alors proposé d’augmenter le CFP de 65,8 milliards d’euros. Ces fonds supplémentaires devaient comprendre « 17 milliards d’euros alloués à l’aide à l’Ukraine (auxquels s’ajoutent 33 milliards de prêts), 15 milliards pour la gestion des migrations, 10 milliards pour le financement des technologies stratégiques de l’UE, 2 milliards pour la rémunération du personnel de l’UE en raison de l’inflation, et 3 milliards pour le remboursement des intérêts de la dette de l’UE ». selon le site d’informations Toute l'Europe. 

Seul contre tous, Viktor Orbán avait exprimé son dissensus en évoquant la possibilité d’un veto, faisant alors peser contre lui la pression des 26.

Dans un entretien accordé au journal Le Point, il en avait expliqué les raisons.

Selon lui, cette contribution supplémentaire massive à l’effort militaire ukrainien ne va pas dans le bon sens, celui de la paix : « Au fil du temps, nous pensons qu'il n'y a pas de solution militaire à la guerre en Ukraine […] Nous pensons que la seule solution est diplomatique. Elle implique des négociations de cessez-le-feu et de paix. »

De plus, le budget pluriannuel (CFP) dont ressort l’accord des 50 milliards pour l’Ukraine a été voté à l’unanimité des 27 en 2021. Viktor Orbán déplore, aujourd’hui, cette modification en cours de route : « Je pense que chaque membre de l'Union européenne a le droit de défendre le budget tel qu'il a été créé. C'est une position très européenne car il s'agissait d'un budget européen agréé à vingt-sept. La question fondamentale relève de la souveraineté. La Hongrie, en tant qu'État souverain, s'oppose à cette modification du budget. »

Mercredi soir, il est allé soutenir les agriculteurs français arrivés à Bruxelles car, pour lui, cette option préférentielle pour l’Ukraine se fait au détriment des Européens : « La production agricole ukrainienne est bien meilleur marché que celle des paysans français et hongrois, et ce n'est pas soutenable. […] La Commission européenne doit défendre les intérêts européens contre les Ukrainiens, et non pas représenter les intérêts ukrainiens contre les agriculteurs européens. »

Évoquant, également, la « fuite » opportune d’un document de l’UE, dans les colonnes du Financial Times, prévoyant une sanction financière envers la Hongrie en cas de refus, il prévient : « C'est une sorte de manuel du maître chanteur. Ils disent, en somme, que si nous nous comportons comme un pays souverain, la Hongrie subira immédiatement un vaste blocus financier et qu'ils feront un lien entre la question ukrainienne et l'État de droit. Les deux n'ont rien à voir ! »

Enfin, il assène, définitif : « L'argument principal, du moins pour un démocrate, c'est que dans cinq mois, il y aura des élections en Europe. On négligerait totalement l'opinion des Européens en prenant une décision, aujourd'hui, qui engagerait l'Europe sur quatre ans et qui porte sur une somme énorme ! Comme si l'opinion des peuples n'avait aucune importance […] »

C’est dire si, dès hier soir, l’ambiance était tendue entre les 27, Giorgia Meloni, pourtant l’un des chefs de gouvernement les plus atlantistes de l’UE mais proche d’Orbán sur de nombreux autres sujets, s’activant dans tous les sens pour obtenir un compromis.

Car Orbán, en vieil habitué des négociations internationales, était à la recherche d’un compromis : il conditionnait son accord au contrôle annuel de l’affectation des fonds alloués à l’Ukraine, avec un possible réexamen en cours de route de l’accord conclu ce matin.

Il semble bien qu’il ait obtenu gain de cause : « Nous avons reçu une offre ce matin et avons finalement négocié un mécanisme de contrôle pour garantir l'utilisation raisonnable des fonds. Et nous avons reçu la garantie que l'argent de la Hongrie [que l’UE refuse, pour l’instant, de lui donner selon le principe de conditionnalité au respect de l’État de droit, NDLR] ne pourrait pas aller en Ukraine. Après une longue négociation, nous avons accepté cette offre. »

En effet, selon Courrier international, « le compromis trouvé prévoit que soit rédigé, chaque année, un rapport de la Commission européenne sur l'utilisation des fonds par l'Ukraine et la possibilité pour les dirigeants, dans deux ans, si besoin et à l'unanimité, de demander un réexamen de l'aide. »

Les esprits forts diront qu’Orbán a capitulé en rase campagne : comme toujours, la réalité est un peu plus complexe.

Marie d'Armagnac

 

Date de dernière mise à jour : 01/02/2024

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