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Comment le rock a bouleversé les sociétés occidentales…

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L’irruption du rock and roll dans la société américaine a-t-elle véritablement changé le monde lui ayant donné le jour, et leurs homologues européens au passage ? Indubitablement, oui. Tel est le thème de l’essai de Maryan Guisy, docteur en littérature et civilisation françaises, Les Pouvoirs du rock. Un ouvrage à mettre en regard avec l’un des livres majeurs consacrés à la question par Benoît Sabatier, alors l’un des pontes du magazine Technikart, au temps où ce journal avait quelque chose à nous dire sur la marche de nos contemporains, avant de devenir un vulgaire piège à publicités : Nous sommes jeunes, nous sommes fiers.

Pourquoi le rock ne pouvait naître qu’aux USA…

Il existe certes des révolutions issues de manœuvres souterraines ; celle d’octobre 1917, par exemple, après laquelle un Jean-Luc Mélenchon tente en vain de courir, ignorant manifestement que la France n’est pas la Russie, que nous ne sommes plus en 1917. De surcroît, il a oublié que ces révolutions sont plus souvent le fait de concours de circonstances sur lesquelles personne ne semble avoir eu prise que de simples plans organisés en des coulisses « d’initiés ». Ainsi, le rock ne pouvait naître qu’aux USA, nation-monde dans laquelle cohabitaient différentes musiques : le blues des Noirs et la country des Blancs. Résultat ? Le rock, heureux mariage de ces deux idiomes traditionnels, et musique électrique s’il en est. Soit une innovation rendue possible parce que dans l’immédiate après-guerre, la « fée électricité » devient la norme en tous les domaines économiques et, en l’occurrence, musicaux. Grâce aux instruments amplifiés, les orchestres font plus de bruit ; ce qui permet de mieux entendre ce qu’ils ont à dire. Même Frank Sinatra se met au micro, tandis que les jazzmen boostent leurs instruments.

Un phénomène démographique avant tout…

Puis, cet autre phénomène qu’est le « baby-boom ». Au lendemain de la seconde conflagration mondiale, les Américains font des enfants, beaucoup d’enfants, qui se lancent de plus en plus dans de longues études. Autrefois, on passait directement de l’enfance à l’âge adulte ; voici venu le règne des adolescents, tranche d’âge ayant tendance à se prolonger. Ces derniers bénéficient d’un concept nouveau : l’argent de poche. Ils représentent désormais un pouvoir d’achat non négligeable. Et comme nous sommes au royaume du capitalisme, il convient urgemment de leur vendre les fringues, les films et la musique qui va avec. Il ne s’agit donc pas d’un complot ourdi d’on ne sait quelle officine, mais d’un simple principe d’opportunité.

Dans un registre semblable, il y a la sexualité, vieille comme le monde. Mais si l’hédonisme déresponsabilisé devient possible en la matière, c’est plus grâce à l’invention de la pilule contraceptive qu’aux logorrhées de tel ou tel pythie féministe. En ce sens, les « avancées » sociétales sont plus dues à la technologie qu’à l’idéologie : la pilule précède le Planning familial, et non l’inverse. Puis le rock des origines commence à muter, en même temps que la société américaine. Cette dernière, hautement matérialiste, fondée sur un consumérisme effréné, ne propose plus que ceci comme paradis terrestre : télévision en couleurs, deux voitures par foyer, permanente pour madame, chemisette à carreaux pour monsieur et chien pour les enfants.

Pourquoi les hippies entendaient ré-enchanter la société…

C’est donc très logiquement que cette jeunesse tente de ré-enchanter un monde de moins en moins enchanteur. D’où l’engouement pour les philosophies orientales dans lesquelles on cherche une autre spiritualité. En la matière, l’écrivain Jack Kerouac est un précurseur. Fier de ses racines françaises et du catholicisme de son enfance, il s’en va pourtant chercher ailleurs. C’est le père du mouvement beatnik et, par la force des choses, le grand-père de ces rockers devenus hippies. Pour tout arranger, le matérialisme protestant et anglo-saxon pouvait encore faire illusion tant qu’il se paraît des couleurs de l’altruisme messianique. Mais les assassinats du président John Fitzgerald Kennedy et du pasteur Martin Luther King ont tôt fait de mettre fin au rêve états-unien. La guerre du Vietnam fait le reste.

Quand le « Système » capitaliste récupère tout…

Et le rock, devenu contre-culture officieuse, devient peu à peu culture officielle, tant le Système capitaliste, de par sa plasticité, demeure toujours le plus fort. Quand, en 1965, Élisabeth II, reine d’Angleterre, décore les Beatles de l’ordre de l’Empire britannique, elle étouffe dans l’œuf toute tentative de véritable rébellion. Dans le même temps, le Swinging London est dans la foulée récupéré par l’industrie médiatique. Quelques années après, ayant digéré le rock ; le « Système » en fera de même du rap actuel, genre musical devenu actuellement quasi institutionnel.

Alors oui, Benoît Sabatier et Maryan Guizy n’ont pas tort en affirmant que le rock a « changé » le monde. Mais il serait plus juste de rappeler qu’il n’a été que l’un des symptômes ayant accompagné un changement qui était déjà là, en sommeil. Et ce monde, nos rockers du siècle dernier n’auront fait que l’éveiller. Plus qu’un acteur majeur, cette révolution musicale n’aura été qu’un témoin mineur. Pas plus qu’il ne faut minimiser son importance, au moins convient-il de la remettre à sa juste place. Surtout depuis que le rock, initialement musique de jeunes, est devenu signe de ralliement des vieux. Comme quoi tout arrive.

Nicolas Gauthier

Date de dernière mise à jour : 23/08/2025

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