CUKTURE - La Chartreuse du Mont-Dieu, un lieu historique devenu la proie des flammes

Perchée au cœur de la forêt des Ardennes, dans une clairière où régnait autrefois le calme et la prière, la Chartreuse du Mont-Dieu incarnait des siècles de foi et d’histoire. Fondée vers 1132, cette maison de l’ordre des chartreux avait traversé les âges, les guerres et les révolutions sans jamais disparaître complètement. Ce dimanche 2 novembre 2025, un incendie d’une violence exceptionnelle a ravagé l’édifice réduisant en cendres et en quelques heures, une part précieuse du patrimoine chrétien français.

Le drame de l’incendie

Dimanche, aux premières heures de la matinée, la Chartreuse du Mont-Dieu s’est soudain transformée en brasier. L’alerte est donnée peu après 9h42 par des promeneurs, mais lorsqu’environ une cinquantaine de pompiers arrivent, le bâtiment est déjà largement embrasé. Jusqu’à 15 h 20, les soldats du feu ont continué à arroser le monument dans l’espoir de sauver quelque chose, mais au terme de l’incendie, le feu n’a laissé sur place qu’un amas de pierres et de cendres. Le maire de la commune, Anne Fraipont, déclare avec tristesse qu’« il ne reste plus rien à part les murs » « C'est une catastrophe. On n'a rien pu sauver ».

Pour l’instant, les raisons de cet incendie sont inconnues. Selon France 3 Champagne-Ardenne, l’absence de raccordement électrique exclut la piste d’un court-circuit, poussant les enquêteurs à explorer d’autres hypothèses quant à l’origine du feu. Le propriétaire de nationalité belge, Arnold Gits, était absent lors du drame.

Un site presque millénaire

Pour mesurer la perte que représente la destruction de l’abbaye, il faut s’intéresser à son histoire. La Chartreuse du Mont-Dieu fut édifiée en 1132 à l’initiative de l’abbé Odon de Saint-Rémi. Dès ses débuts, elle s’impose comme la septième maison de l’ordre des chartreux en France. Sur ce sol sauvage et retiré, les moines cherchent à conjuguer le silence, la solitude, la prière et le travail manuel : Ora et labora. Au fil des décennies, le monastère se développe et prospère.

Mais les flammes, déjà, marquent l’histoire du lieu, notamment durant les guerres de Religion où deux incendies majeurs ravagent l'édifice : un premier en 1568, puis un second en 1590. Ces drames auraient pu condamner le monastère à disparaître à jamais mais ce dernier est reconstruit en 1616, travaux durant lesquels il acquiert l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui.

Malheureusement, après la Révolution, la vie monastique s’arrête. En 1790, les moines sont chassés, les bâtiments vendus comme biens nationaux, puis transformés en prison en 1793. Près de 700 personnes y furent enfermées, soupçonnées d’être des partisans de la monarchie. Malgré les décennies d’abandon, l’essentiel du site est malgré tout préservé, passant de mains en mains jusqu’à son inscription aux Monument historiques en 1927, puis son classement en 1946.

Un élan national

Encore aujourd’hui, après le drame, la solidarité française se manifeste avec force. Pour soutenir la sauvegarde de la Chartreuse du Mont-Dieu et contribuer à sa reconstruction, une cagnotte en ligne est lancée. Elle recueille plus de 1.550 euros, grâce à la générosité de nombreux donateurs. Parmi eux, plusieurs figures politiques locales ont souhaité témoigner publiquement de leur soutien, comme la sénatrice des Ardennes, Else Joseph (LR), ou encore Patrick Fostier, conseiller municipal de Charleville-Mézières (LR).

De nombreux anonymes participent également, certains n’hésitant pas à faire des dons conséquents. L’un d’eux confie : « J’ai été très affecté par l’incendie de la Chartreuse. Je n’ai que 25 ans mais, depuis mon plus jeune âge, ce lieu historique me fait rêver. Habitant à quelques kilomètres, je souhaite la reconstruction de ce site qui est magnifique ».

La Fondation du Patrimoine s’est elle aussi mobilisée. Son délégué régional, Pierre Possémé indique être en contact direct avec le propriétaire pour l’aider dans cette épreuve. Ainsi, au-delà des flammes et des ruines, la France montre encore sa volonté d’aider son prochain et de relever son héritage. Reste à connaitre les causes de l'incendie.

Eric de Mascureau