ÉCONOMIE - Épargne française : il est temps de sonner le tocsin

Baromètre de l'épargne 7e édition : Les Français restent très prudents et  évitent les placements à risques - FranceTransactions.com

Les épargnants aisés déplacent actuellement leurs avoirs financiers hors de l’Hexagone, et ce phénomène s’accentue. Certains de nos compatriotes préfèrent se tourner vers des contrées plus sûres : la Suisse, le Luxembourg, les États-Unis, Singapour, Dubaï, mais aussi… l’Italie !
Ces flux sont, par nature, difficiles à mesurer ; d’autant plus qu’ils se dirigent souvent vers des filiales de banques françaises situées à l’étranger. Mais on peut procéder à des estimations ponctuelles : les sommes transférées vers des assurances-vie au Luxembourg ont augmenté de 60 % en un an.

Les climats politiques perturbés ont souvent poussé l’épargne française vers des cieux plus cléments : en 1936, 1968 et 1981. Par ailleurs, des mouvements beaucoup plus spéculatifs ont précédé chaque dévaluation du franc : nos entreprises ne rapatriaient pas le produit de leurs exportations et les épargnants plaçaient leurs liquidités en dollars ou en marks. Résultat, dans ces cas-là : le franc français brûlait les doigts de ses détenteurs et son cours s’effondrait sur le marché des devises. Nos gouvernements instauraient alors le contrôle des changes, mais son efficacité était limitée, car il était difficilement applicable aux non-résidents. La France devait donc dévaluer. Après quoi, les capitaux flottants revenaient jusqu’à ce que l’inflation n’érode à nouveau notre avantage compétitif.

Une crise financière d’un nouveau type

L'exode actuel des épargnants français est beaucoup plus grave que les précédents. Il ne s’agit plus de mouvements spéculatifs à court terme liés à une dévaluation ou à un mouvement social dont la France a le secret.
D’abord, dans l’univers mondialisé de l’euro, il n’y a plus de dévaluation possible ; et une politique monétaire purement française est aussi efficace qu’un sabre de bois : la monnaie unique est à la fois un rempart et un carcan. Désormais, avec des taux de change flottants, la dévalorisation de notre devise est progressive mais tout aussi cruelle : depuis la dernière sortie de crise en 2008, le taux de change de l’euro a perdu 27 % par rapport au dollar et 43 % par rapport au franc suisse. Un appauvrissement continental parfaitement décrit dans l’éditorial de Marc Baudriller sur « Lose France ».

Ensuite et surtout, la fuite actuelle des capitaux est parfaitement légale : la majorité des flux financiers circulent librement et ouvertement. Les épargnants changent parfois de devise de référence et se mettent surtout à l’abri d’une spoliation par le fisc français.

Bal tragique au palais Bourbier

Les particuliers, tout comme les entrepreneurs, n’aiment pas l’incertitude. Or, les débats erratiques qui se déroulent à l’Assemblée ont de quoi les inquiéter. Dans ce cénacle, il n’est point question de rationaliser les dépenses, puisque tout est prioritaire : la politique de la ville, l’aide aux migrants, les subventions au tiers-monde, les problématiques de genre, sans oublier l’écologie punitive. Pour financer ces grandes œuvres, il existe une solution magique : « faire payer les riches ». Le riche, selon cette vision, c’est le cadre ou le petit patron retraité à taux plein qui a travaillé dur et longtemps afin de s’assurer une vieillesse confortable : la Macronie n’a eu de cesse de tondre ce koulak des temps modernes. Tous les gouvernements, d'Édouard Philippe à François Bayrou, y sont allés de leur ponction.

Mais la gauche est allée encore plus loin en contribuant à faire passer (provisoirement) un sous-amendement taxant les « fortunes improductives ». Que faut-il entendre par là ? D’abord les yachts, les avions privés et les cryptomonnaies, qui sont d’ores et déjà localisés dans des paradis fiscaux, hors d’atteinte de Bercy. Mais aussi les fonds d’assurance-vie en euros, soit la bagatelle de 1.400 milliards d’euros ! Il s’agit, en fait, de notre placement préféré, privilégié par 13 millions de ménages français ; et il est très facile de le transférer en Belgique ou au Luxembourg. À ceci près que les nouveaux gérants de ces fonds n’achèteront plus nécessairement des obligations de la République française, qui finançait ainsi une partie de sa dette. Les députés, prouvant leur amateurisme, se sont tiré une balle dans le pied.

Que conclure de tout cela ? D'une part, on comprend mieux la fuite des capitaux. D'autre part, nos concitoyens détestent encore plus le parlementarisme. Enfin, force est de constater que la République française a perdu sa souveraineté économique et fiscale.

Pr Jean-Richard Sulzer

Date de dernière mise à jour : 19/11/2025

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