
L’enquête d’opinion Toluna Harris Interactive pour RTL sur les intentions de vote pour l’élection présidentielle, réalisée le 31 mars, a été rendue publique. Faut-il s’y arrêter ? Nombreux sont ceux qui prétendent qu’à deux ans de l'élection, cela ne signifie rien. Toutefois, cette image instantanée souligne bien l’ambiguïté de notre situation politique. À l’évidence, la France se marque de plus en plus à droite. Mais le mode de scrutin et la difficulté de constituer des alliances empêchent la droite de gouverner notre pays. Or, celui-ci a besoin d’une main ferme et forte pour sortir du cercle vicieux de son déclin qui, lorsque le découragement vous étreint, semble inéluctable.
Jordan Bardella caracole en tête, avec 36 % si le candidat de LR est Laurent Wauquiez, 35 % s’il s’agit de Bruno Retailleau. Derrière arrive Édouard Philippe, avec 25 % (en 2022, Emmanuel Macron avait obtenu 27,8 % et Marine Le Pen 23,2 %). En revanche Jean-Luc Mélenchon dégringole de 22 %, en 2022, à 13 %. Ainsi, sa tactique de confrontation violente et de racolage islamique lui semble néfaste.
Alliances avec le RN ?
Donc, le RN confirme sa forte poussée dans l’opinion. Jamais nous n’avons été si près du pouvoir, proclame le parti à la flamme. Il a raison de mobiliser l’enthousiasme des militants, mais on gagne avec 50,01 %, pas avec 36 %. Être proche du pouvoir n’est pas être au pouvoir. Se pose donc la sempiternelle question de la réserve de voix. Pour l'élection présidentielle comme pour les législatives, le scrutin à deux tours impose sa logique. Il faut des reports de second tour et des alliances de gouvernement. Mais la droite molle préfère perdre les élections plutôt que s’allier avec le Rassemblement national. Le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi, soutien de Bruno Retailleau, a expliqué sur le plateau de Pascal Praud, le 15 avril, que l’on ne s’alliait pas en position de faiblesse. Peut-être, mais quelle perte de temps pour le pays ! Nous payons encore le piège tendu par François Mitterrand avec le Front national de Jean-Marie Le Pen, dans lequel la droite conventionnelle s’est engouffrée et n’arrive pas à se dépêtrer. Quant au RN, peut-être n’a-t-il pas vraiment la culture des alliances, par la force des choses, puisqu’on lui a toujours claqué la porte au nez. Mais il est rare que l’on gagne à l’usure. Mme Meloni comme M. Orban Orbán ont des alliés.
Préférer sa patrie à son parti
Édouard Philippe pointe donc son nez. Il a emprunté le chemin de l’élection présidentielle dès qu’il eut quitté Matignon. Il aura, évidemment, quelques jeunes arrivistes sur sa route, tels Gabriel Attal ou Gérald Darmanin. L’homme est dangereux, tant il incarne l’immobilisme politico-administratif à la française. C’est une sorte de clone d’Alain Juppé mâtiné de Bruno Le Maire. Ce fut l’homme des gilets jaunes. L’archétype de la haute fonction publique entrée en politique dont l’ambition jamais démentie semble être d'« emmerder les Français ». C’est la politique menée depuis des décennies par cette oligarchie qui a conduit la France là où elle en est. Il est l’illustration vivante de la réplique fameuse de Tancrède au prince Salina, dans le roman Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Étrangement, cela semble séduire encore une part de la bourgeoisie française, pourtant en voie de déclassement, qui semble préférer cet engourdissement fatal fait de suradministration et surimposition, au risque d’une innovation politique nécessaire.
Or, précisément, pour redresser la France, il faut tout changer. Un travail dantesque de reconstruction : abattre le mille-feuille administratif, tailler dans le vif dans les agences de l’État, réduire l’armada de bureaucrates pour concentrer les moyens sur les fonctions régaliennes, réduire la dépense publique pour réduire l’impôt, supprimer les normes aussi inutiles qu’envahissantes, arrêter la submersion migratoire, combattre sans faiblesse la délinquance, remettre l’administration à sa place et la justice dans son rôle… En un mot, gouverner. Et redonner à la nation française le goût de la créativité, de l’initiative, de la création de richesse dans le cadre d’une société apaisée. C'est-à-dire remettre de l’ordre dans la maison. Au sens noble du terme réordonner, c'est-à-dire établir un ordre juste. Peut-on faire confiance à ceux qui, par leurs politiques, par leur complaisance, par leur faiblesse et par leur soumission idéologique nous ont menés au déclassement ?
LR a préféré s’allier avec la Macronie et une partie de la gauche socialiste pour participer à un gouvernement condamné à l’impuissance pour nous éviter un gouvernement du NFP, paraît-il. Mais nous n’avons plus le temps d’attendre un hypothétique relèvement de la famille politique qui a toujours si bien trahi ses électeurs. Éric Ciotti a eu le courage de briser la stupide barrière qui interdit à la droite conformiste de discuter avec la droite hors les murs. Il est urgent de préférer sa patrie à son parti. Afin de créer les conditions d’un gouvernement de reconstruction nationale.
Stéphane Buffetaut