
Le trafic de cocaïne met l’Europe du Nord-Est sous tension : Exécutions, menaces, mise en coupe réglée des institutions préfigurent ce qui commence à arriver en France.
Aux Pays-Bas et en Belgique la « Mocro Maffia » n’est pas une organisation criminelle unique et hiérarchisée à l’image de la Cosa Nostra, mais un ensemble de réseaux criminels, majoritairement d’origine marocaine, spécialisés dans le trafic de cocaïne, le blanchiment d’argent et une violence spectaculaire. Apparu dans les médias au début des années 2010, le terme « Mocro » (argot néerlandais pour « Marocain ») est devenu synonyme de fusillades en pleine rue, d’assassinats ciblés et d’intimidation tous azimuts des institutions.
Une violence qui s’oppose à l’État de droit
Depuis 2019, les Pays-Bas et la Belgique enregistrent une série d’attaques visant directement les acteurs de la justice et de l’information :
2019 : Derk Wiersum, avocat du témoin-clé du mégaprocès Marengo, est abattu devant son domicile à Amsterdam
2021 : Peter R. de Vries, célèbre journaliste d’investigation et conseiller du même témoin, est assassiné en pleine rue dans le centre d’Amsterdam.
2022 : En Belgique, un projet d’enlèvement du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne est déjoué ; quatre suspects liés au trafic du port d’Anvers sont arrêtés.
À ces crimes s’ajoutent des menaces répétées contre juges, procureurs, le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever et plusieurs journalistes spécialisés. Les deux pays ont dû renforcer massivement la protection rapprochée de centaines de magistrats, policiers et reporters.
La mafia des ports
Les ports d’Anvers et de Rotterdam sont au cœur du système. Le business-model est simple : récupérer la cocaïne sud-américaine qui transite par les deux plus grands ports à conteneurs d’Europe. Des équipes de « uithalers » (jeunes extracteurs) récupèrent nuitamment les sacs dans les conteneurs, tandis que des réseaux plus structurés organisent le transport et la revente vers le reste du continent.
La concurrence est féroce. Une cargaison perdue ou détournée suffit à déclencher des guerres qui se soldent par des exécutions, des explosions et des fusillades dans les quartiers populaires d’Anvers, Rotterdam ou Amsterdam.
Chronologie d’une décennie de violence
2012-2014 : Premiers règlements de comptes à Amsterdam autour de cargaisons disparues ; naissance médiatique du terme « Mocro War ».
2015-2017 : Escalade avec voitures piégées et attentats à la kalachnikov en pleine rue
2018 : Ouverture du procès Marengo, l’un des plus grands procès criminels de l’histoire néerlandaise.
2019-2021 : Assassinats de Derk Wiersum et Peter R. de Vries ; choc national aux Pays-Bas.
2020-2022 : Explosion de la violence à Anvers (grenades, fusillades) et tentative d’enlèvement du ministre belge Van Quickenborne.
2023-2025 : Coopération policière renforcée, saisies record et arrestations majeures des deux côtés de la frontière.
Des réseaux fluides, pas de mafia monolithique
Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de « Mocro Maffia » centralisée. Les enquêteurs parlent plutôt du réseau historically associé à Ridouan Taghi (aujourd’hui incarcéré à vie), au centre du procès Marengo.
Il existe de multiples clans belgo-marocains et néerlando-marocains actifs à Anvers et Rotterdam. Mais aussi des groupes hybrides transfrontaliers appuyés par des équipes de très jeunes exécutants ultra-mobiles, souvent recrutés via les réseaux sociaux.
Ces structures sont mouvantes, elles se font et se défont au gré des alliances et des trahisons, mais partagent une même culture de la violence spectaculaire destinée à impressionner concurrents et autorités.
La menace dépasse les frontières
Le livre Mocro Maffia (2014) puis la série télévisée du même nom ont popularisé l’expression bien au-delà des Pays-Bas. Aujourd’hui, la réalité dépasse largement la fiction : les ports d’Anvers et Rotterdam restent les portes d’entrée privilégiées de la cocaïne en Europe, et les réseaux qui les contrôlent n’hésitent plus à s’attaquer directement à l’État de droit.
Face à cette criminalité nouvelle génération, Belgique et Pays-Bas ont multiplié les unités spécialisées, les moyens de protection et les opérations conjointes. Mais tant que des dizaines de tonnes de cocaïne continueront d’arriver chaque semaine dans les ports, la guerre pour leur contrôle risque de durer longtemps.
La Moco Maffia un peu à l’étroit aux Pays-Bas et en Belgique s’étend peu à peu vers le sud et s’installe aujourd’hui dans le nord et l’est de la France.
La Rédaction