
Patriote, eurosceptique, Karol Nawrocki, est atlantiste, méfiant à l'égard de Moscou et prudent vis-à-vis de l'Ukraine.
Karol Nawrocki, candidat souverainiste soutenu par le parti Droit et Justice (PiS), est devenu président de la Pologne en l’emportant, dimanche 1er juin, avec 50,89 % des voix, contre contre 49,11 % à son adversaire libéral, le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski.
Sa candidature était pourtant handicapée par plusieurs « révélations » de ses opposants sur son passé, abondamment relayées par les grands médias conformistes. Opération immobilière « douteuse », participation à des trafics de prostituées, bagarres, liens avec des milieux nazis… Rien ne lui a été épargné, mais les Polonais n’ont visiblement pas donné beaucoup de crédit à ce tir de barrage le plus souvent nourri d’exagérations avérées ou d’accusations sans preuves.
Inconnu des Polonais
Mais Karol Nawrocki est surtout peu connu des Polonais. Né à Gdańsk en 1983, amateur de football et de boxe, il y a suivi des études d’histoire avant de soutenir, en 2013, une thèse sur « La résistance sociale aux autorités communistes dans la voïvodie d'Elbląg de 1976 à 1989 ». Il a enfin obtenu un doctorat en sciences humaines, puis un MBA international en stratégie, gestion de programmes et de projets, finalisé à l’École polytechnique de Gdańsk en 2023. Après avoir travaillé une première fois pour l’Institut de la mémoire nationale de 2009 à 2017, il y est revenu en en devenant le président Parlement en juillet 2021, après un intermède comme directeur au musée de la Seconde Guerre mondiale de Gdańsk.
Patriote, proche du syndicat Solidarnosć, Karol Nawrocki, comme une majorité de Polonais, ne porte pas spécialement Moscou et Vladimir Poutine dans son cœur. Plutôt enclin, pour cette raison, à soutenir l’Ukraine, il s’est par contre opposé, lors de sa campagne présidentielle, à l’adhésion de celle-ci à l’OTAN, critiquant à plusieurs reprises Volodymyr Zelensky.
Aligné sur la position atlantiste et pro-américaine traditionnelle de la Pologne, Karol Nawrocki est un fervent admirateur de Donald Trump, qui l’a fortement soutenu pendant sa campagne. Souverainiste revendiqué, il n’a jamais caché sa méfiance envers l’Union européenne et sa franche hostilité à l’encontre du fédéralisme de l’oligarchie en place au sein de la Commission de Bruxelles. La perspective de sa victoire changeait donc radicalement la donne entre Varsovie et Bruxelles, la Commission européenne se montrant bien moins atlantiste, depuis la récente déroute des démocrates américains.
Bête noire d’Ursula von der Leyen
Karol Nawrocki a donc logiquement été la bête noire d’Ursula von der Leyen durant cette campagne présidentielle. Avant même le premier tour, cette dernière s’était, reconnaissait Le Monde, « montrée particulièrement accommodante à l’égard de la Pologne sur plusieurs dossiers clés, notamment l’immigration ou le Pacte vert pour l’Europe ».
Malgré les campagnes dont il a été la cible, Karol Nawrocki a tout de même réussi à se qualifier pour le second tour en talonnant son rival (29,54 %, contre 31,36 %). Donné perdant par les sondages, il a cependant bénéficié d’un excellent report de voix (87 %) des électeurs de Sławomir Mentzen, du parti Konfederacja (Confédération), arrivé troisième avec 14,81 % des voix, mais aussi de ceux de Grzegorz Braun, candidat royaliste, qui avait rallié 6,34 % des suffrages au premier tour. Si Karol Nawrocki ne l’a finalement emporté que de justesse, sa victoire est renforcée par une forte participation de plus de 71 %.
Félicité par Meloni, Orbań et Le Pen
La présidente de la Commission européenne s’est sans surprise contentée d’un communiqué très sobre, se déclarant « confiante dans la poursuite d’une très bonne coopération avec Varsovie ». Celui de Jean-Noël Barrot n’est guère plus enthousiaste, et celui d'Emmanuel Macron hésite entre félicitations et avertissement : « Continuons de bâtir une Europe forte, indépendante, compétitive et respectueuse de l’État de droit. » L’Italienne Georgia Meloni s’est de son côté fendue d’un message autrement plus sympathique : « Meilleurs vœux pour son mandat à la tête d’une nation avec laquelle nous partageons des valeurs communes, des liens de coopération solides ainsi qu’une amitié historique. Bonne chance. » Ton amical, aussi, de la part de Viktor Orbań et de Marine Le Pen, pour qui cette élection est une « bonne nouvelle » et « un désaveu pour l’oligarchie de Bruxelles ». Devenu président, Karol Nawrocki dispose désormais d'un droit de veto face au gouvernement polonais, libéral et pro-bruxellois. Le gouvernement ne pourra contourner ce veto qu'en réunissant une bien improbable majorité qualifiée de trois cinquièmes des députés. Une défaite cuisante (encore !) pour les européistes et les mondialistes.
Etienne Lombard