Créer un site internet

Le château de Chantilly, monument préféré des Français en 2025

© photo E. Lombard / BV

Ce 17 septembre 2025, succédant au circuit des 24 Heures du Mans, le château de Chantilly a été couronné à son tour « monument préféré des Français », une distinction qui consacre à la fois la beauté intemporelle d’un site d’exception et la mémoire des illustres personnages qui l’ont façonné. Situé au cœur d’un vaste domaine forestier, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, le château incarne cinq siècles d’Histoire, de politique et d’art. Derrière ses façades élégantes, ses galeries et sa bibliothèque se lisent les ambitions princières des Condé, notamment celles de Louis II de Bourbon, surnommé le Grand Condé. L’édifice est aussi l’expression éclatante de la passion érudite du duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, dont la générosité et la vision ont préservé Chantilly pour la nation. Cette reconnaissance populaire rappelle que ce château demeure un lieu où s’est inventée, et où se perpétue encore, une certaine idée de la France.

Naissance d’un domaine enchanteur

L’histoire de Chantilly plonge ses racines dans le Moyen Âge. Au XIVe siècle, un premier château fortifié domine la vallée de la Nonette, entouré de forêts marécageuses et giboyeuses propices à la chasse. Mais la Renaissance et les guerres de Religion transforment profondément le site. Au XVIe siècle, les Montmorency, l’une des familles les plus puissantes du royaume, l’embellissent et en font à la fois un lieu de plaisance et un bastion défensif. Toutefois, c’est au XVIIe siècle, avec l’arrivée des princes de Condé, branche cadette des Bourbons, que Chantilly s’impose comme une demeure associant raffinement, pouvoir et culture.

Le Grand Condé

Parmi les maîtres de Chantilly, Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé, reste l’une des figures les plus marquantes. Vainqueur de Rocroi, puis frondeur contre Mazarin avant de se réconcilier avec Louis XIV, il fait de Chantilly, dès 1659, un théâtre de sa magnificence et de son prestige retrouvé.

Sous son impulsion, le château rayonne de fêtes somptueuses, de banquets et de spectacles qui attirent la fine fleur des écrivains et des artistes. La Fontaine, La Bruyère et Madame de Sévigné fréquentent ses salons, immortalisant dans leurs écrits l’effervescence intellectuelle qui y régnait. C’est aussi ici que s’écrit la tragédie légendaire de François Vatel, maître d’hôtel du prince, qui se donna la mort en 1671 plutôt que de faire face à un banquet imparfait.

Les jardins, confiés à André Le Nôtre, prennent également leur forme définitive : le grand canal s’étire dans l’axe du château, les parterres géométriques s’ouvrent sur des perspectives majestueuses. Par cette alliance de la pierre, de l’eau et de la nature, Chantilly devient un symbole éclatant du classicisme français, une sorte de Versailles, non royal mais princier.

Révolution et renaissance

La Révolution française met fin à cet âge d’or. En 1792, le domaine, considéré comme bien d’émigré, est confisqué ; ses collections dispersées, ses jardins abandonnés, et le Grand Château largement détruit.

Il faut attendre le XIXe siècle pour assister à sa résurrection. Le dernier des Condé, privé d’héritier après l’exécution de son fils, le duc d’Enghien, dans les fossés de Vincennes en 1804, lègue alors ses biens à son petit-neveu et filleul, Henri d’Orléans, duc d’Aumale, second fils du roi Louis-Philippe.

Le duc d’Aumale

Exilé en Angleterre après 1848, le duc d’Aumale se consacre à l’étude et à ses collections. Il rassemble des trésors inestimables comme des manuscrits médiévaux, dont les Très Riches Heures du duc de Berry ou encore des peintures de Raphaël, de Poussin ou d’Ingres.

De retour en 1871, il entreprend de construire un réceptacle digne des trésors qu’il a amassés. Pour cela, il se lance une immense campagne de reconstruction à Chantilly, redonnant au domaine son éclat d’antan et faisant de sa propriété à la fois une demeure et un musée.

Cependant, veuf et sans héritier direct, le duc d’Aumale rédige un testament décisif : à sa mort, Chantilly serait légué à l’Institut de France, à la condition que rien ne soit dispersé, rien ne soit altéré. Par ce geste, il offre à la nation un trésor patrimonial unique. Malheureusement, en 1886, une loi d’exil contraint les princes d’Orléans à quitter la France. Après avoir servi son pays, enrichi son patrimoine et préparé un legs somptueux, le duc d’Aumale doit quitter sa demeure sous la contrainte d'une République ingrate qui l’envoie mourir en Sicile en 1887, loin de la terre qui l’avait vu naître.

Chantilly aujourd’hui

Intégré au patrimoine de l’Institut de France, le domaine de Chantilly a poursuivi la mission voulue par le duc : transmettre et préserver. Ses galeries conservent toujours ses collections, sa bibliothèque demeure l’une des plus riches d’Europe et ses Grandes Écuries abritent un musée vivant du cheval. Restauré avec soin, le site attire aujourd’hui plus de 500.000 visiteurs, chaque année. Le choix des Français, faisant de Chantilly leur monument préféré en 2025, traduit l’attachement populaire envers notre patrimoine. Ce château, loin d’être figé dans le passé, illustre la grandeur de notre Histoire.

Eric de Mascureau

Date de dernière mise à jour : 19/09/2025

1 vote. Moyenne 4 sur 5.