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Paris : ce pavillon caché rue de Charonne est tout ce qu'il reste du lieu le plus insolite de la Révolution

Souvenir de la Révolution française

Dans la rue de Charonne à Paris, se cache un vestige de la pension Belhomme, une prison unique en son genre pendant la Révolution française.

C’est un petit parc comme il en existe des dizaines dissimulés dans Paris. Dans le square Colbert, situé derrière la rue de Charonne au milieu des tours d’immeubles, se dresse un petit pavillon qui ne semble pas de la première jeunesse. Si son apparence ne paie pas de mine, ce tas de briques au milieu des herbes folles est le dernier vestige d’un lieu oublié, qui a joué un rôle rocambolesque sous la Révolution française : la pension Belhomme. 

Ce pavillon est tout ce qu'il reste de la pension Belhomme, célèbre refuge pendant la Révolution française.

Ce pavillon est tout ce qu’il reste de la pension Belhomme, célèbre refuge pendant la Révolution française

De l’asile de fous à la prison politique 

L’origine de cette pension remonte un peu avant la prise de la Bastille. Jacques Belhomme, dont la biographie demeure toujours mystérieuse, serait un menuisier finalement reconverti dans la médecine. En 1787, il ouvre une maison de santé au niveau de la rue de Charonne. Entre ses murs sont accueillis des membres de la haute société atteints de folie. Par exemple, un abbé persuadé d’être un acteur célèbre y déclamait des vers sans jamais s’arrêter ! 

L’activité, très lucrative, va prendre un nouvel essor durant la Révolution. Le menuisier devenu médecin propose aux sans-culottes d’ouvrir sa pension aux prisonniers les plus fortunés, afin de leur éviter les rudesses et maladies des incarcérations. 

Une protection contre la guillotine 

L’idée est bonne. Très vite, l’hôtel-prison se peuple des noms les plus illustres. Une raison explique cet engouement : les soldats du tribunal révolutionnaire ne viennent jamais chercher les pensionnaires pour les juger et les envoyer à l’échafaud. Un quasi-miracle en pleine Terreur, où à quelques rues, place de la Nation, la guillotine fonctionne à plein régime ! 

Les raisons de cette inaction judiciaire vis-à-vis de la maison de santé restent encore floues. Une hypothèse, amenée par plusieurs historiens, serait que Jacques Belhomme ait conclu un marché avec Antoine Fouquier-Tinville, le terrible accusateur public, surnommé le « Pourvoyeur de la guillotine ». Ce dernier détournerait son regard scrutateur de la rue de Charonne, en échange d’un pourcentage sur les pensions versées par les occupants. 

Une activité très lucrative 

Car pouvoir être transféré à la pension Belhomme coûte cher. L’îlot préservé de la fureur révolutionnaire est très couru des prisonniers cherchant à rester en vie. De nombreux anciens membres de la noblesse sont prêts à payer le prix fort pour s’entasser dans la maison, puis dans l’hôtel voisin acquis par Jacques Belhomme, fort de son succès. Ce dernier n’hésite pas à demander des prix mirobolants, faisant payer des sommes astronomiques pour le moindre bout de charbon, et à renvoyer les mauvais payeurs auprès du bourreau

Malgré l’inconfort et le peu de nourriture, la pension Belhomme devient un nouveau salon aristocratique. On y croise d’anciens députés, des duchesses, des actrices, et même la mère du futur roi Louis-Philippe. Au sein de cette oasis du grand monde, les marivaudages sont monnaie courante. Si beaucoup veulent garder leur tête, certains l’ont déjà perdu. Les anciens pensionnaires du médecin sont en effet toujours présents au milieu des prisonniers ! 

Le bâtiment détruit en 1972

La curieuse situation ne va cependant pas durer. À la fin de l’année 1794, les intrigues financières de Belhomme sont éventées et celui qui travaillait le bois est mis aux fers.. avant d’être transféré dans une autre maison de santé de la capitale. Avec la chute de Robespierre, le médecin retourne à son hôtel rue de Charonne. Il finira ses jours en 1824 à l’âge de 87 ans. Le bâtiment, qui redeviendra une maison de Santé « traditionnelle », sera détruit en 1972. 

Antoine Blanchet

Date de dernière mise à jour : 15/04/2024

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