« Cesaria Evora », portrait d’une vieille femme qui s’éteint

Le documentaire de Ana Sofia Fonseca raconte le destin de « la diva aux pieds nus ». La chanteuse capverdienne, qui connut une gloire tardive, était avant tout une femme libre.

« Je suis toujours la même », assurait Cesaria Evora, « la diva aux pieds nus » à laquelle Ana Sofia Fonseca consacre un documentaire (sortie le 29 novembre). La réalisatrice y raconte notamment comment une chanteuse de bars, femme noire, pauvre, alcoolique, dépressive, est devenue une star internationale, applaudie dans le monde entier. Mais aussi comment cette gamine, née dans une famille miséreuse du Cap-Vert, fut « une femme libre » qui n’a toujours fait que ce qu’elle voulait.

Ce film attendrissant est composé essentiellement d’images d’archives, de vidéos personnelles, de témoignages… et de quelques séquences cocasses, tel l’enregistrement plutôt compliqué d’un duo avec le musicien cubain Compay Segundo. La « reine de la Morna » fut longtemps une reine fauchée, qui vivait dans une maison délabrée, et a longtemps rêvé d’avoir une demeure pour y accueillir toute sa famille. Quand la gloire fut venue, à 50 ans passés, et qu’elle eut enfin « sa » maison, ce fut pour l’ouvrir à tous, amis, voisins, paumés, quémandeurs…

« Des chansons tristes, sur l’amour, la pauvreté, la mer »

De Los Angeles à Paris, où Cesaria Evora s’affichait en lettres rouges sur la façade de l’Olympia, elle a fait connaître « le blues du Cap-Vert », fut l’ambassadrice d’un archipel que personne ne savait situer sur une carte, une ancienne colonie portugaise, à l’Ouest de l’Afrique, au large du Sénégal. L’aéroport de l’île de Sao Vicente porte désormais son nom, tout comme d’ailleurs un collège de Montreuil. Si l’alcool l’aidait à monter sur scène, c’était pour y interpréter d’une voix magnifique à faire pleurer « des chansons tristes, sur l’amour, la pauvreté, la mer ».

L’industrie musicale a fait de la chanteuse capverdienne « une icône africaine ». Ses disques vendus dans le monde entier, ses tournées internationales, ont répandu partout ces chansons en créole, langoureuses et chaleureuses, la saudade portugaise devenue « Sodade » capverdienne, une musique mélancolique, langueurs et vague à l’âme. Portrait d’une légende musicale, « Cesaria Evora, la diva aux pieds nus » est aussi le portrait d’une vieille femme qui s’éteint, usée, fatiguée par une vie de tournée. « Mama Soul » est morte en décembre 2011, à 70 ans.

Patrick TARDIT

Date de dernière mise à jour : 29/11/2023

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