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La Révolution de 1830, une révolution du peuple récupérée par la bourgeoisie

Trois Glorieuses : résumé d'une révolution sur trois jours

À Paris, pendant trois journées, les 27, 28, 29 juillet 1830, les Trois Glorieuses, une émeute populaire prend possession de la rue. Le 29 au soir, elle est victorieuse.
La population parisienne se soulève en faveur des libertés politiques menacées. Paris est une ville aux rues exiguës. Le peuple est favorisé par les rues pavées, étroites, tortueuses, qui se prêtent à l’édification de barricades. Il va au feu avec un élan joyeux. Le bourgeois et l’ouvrier s’unissent dans un fraternel coude à coude, sans esprit de violence ou de pillage.

Le 27 juillet commencent les manifestations. Le gouvernement reste encore maître de la situation. Dans l’après-midi, les quartiers du centre s’emplissent des ouvriers et des habitants des faubourgs. Les attroupements se font autour des imprimeries de journaux. La nomination du maréchal Marmont, comme commandant des troupes de l’armée de Paris, porte l’irritation au comble. La gendarmerie disperse brutalement les rassemblements, la foule riposte par des pierres. Le soir, les troupes sortent des casernes, rétablissent peu à peu le calme, mais les premiers coups de feu ont été tirés, la première barricade s’est élevée dans la rue Saint-Honoré.
Dans la nuit, l’insurrection commence et s’organise. Elle a pour chef le général Godefroy Cavaignac.
Le peuple, conduit par de jeunes républicains, pille les boutiques d’armuriers, brise les réverbères, dépave les rues.

Le 28 juillet, Marmont veut prendre l’offensive et échoue, perdant les quartiers de l’Est. Les gardes nationaux se joignent au mouvement de révolte. L’armée populaire est prête. Le peuple descend en masse vers le centre de la ville.
Dans la matinée, l’Arsenal, la poudrerie de la Salpêtrière, la manutention, l’Hôtel de Ville, Notre-Dame sont occupés. Les Républicains trouvent l’emblème et la marque de ralliement que le peuple salue avec transport : le drapeau tricolore. Vers midi, Marmont donne l’ordre d’offensive.
Les troupes atteignent leurs objectifs après de durs combats. L’Hôtel de Ville est repris. Mais les barricades enlevées après une lutte meurtrière sont aussitôt relevées et reformées. Les soldats sont accablés par une pluie de tuiles, de moellons, de meubles, de projectiles divers.
Le soir, Marmont donne l’ordre de repli et rassemble toutes ses troupes dans une position centrale formée du Louvre, des Tuileries, de la place Vendôme. Les insurgés sont maîtres des quartiers du Nord et de l’Est.
La journée du 28 juillet a coûté aux troupes 2 500 hommes, tués, blessés, ou passés dans les rangs des émeutiers.

Le 29 juillet, le peuple, d’un élan irrésistible, chasse les troupes de Paris. Dans la nuit, les chefs républicains prennent les dernières dispositions pour l’offensive finale. Ils sont rejoints par des élèves de l’école Polytechnique.
Le matin, les insurgés s’arment dans les casernes, confectionnent des cartouches. Ils s’avancent sur la caserne de la rue de Babylone, et l’occupent après un assaut furieux. Puis le peuple prend le Palais Bourbon. La défaite de Marmont s’accuse.
L’après-midi, le Louvre et les Tuileries sont assiégés et envahis. Les soldats n’ont rien mangé depuis le 28 au matin. Alors se produit l’incident décisif : place Vendôme, deux régiments font défection et passent à l’ennemi.
Marmont procède à des mouvements de troupes, mais mal réglés. Il doit évacuer la capitale par les Champs-Élysées. La retraite s’opère artère par artère. Le duc d’Angoulême donne l’ordre de repli jusqu’à Saint-Cloud.
Les combats sont terminés. Ils ont coûté 800 tués, 4 500 blessés du côté du peuple,
200 tués, 800 blessés du côté des troupes.
Le peuple est maître de Paris. Il n’y a plus d’autorité légale. Les députés seuls représentent une force légale. Ils sont à la fois rassurés, effrayés et enhardis par la victoire du peuple.

Trois séries de causes expliquent la Révolution de 1830. Première série de causes. La réaction royaliste est inacceptable, sous le régime de la Restauration.
Cette réaction s’exerce surtout après 1820, après l’assassinat du duc de Berry le 13 février 1820.
Mais les vengeances royalistes s’exercent sous deux formes de juillet 1815 à septembre 1816 : la Terreur blanche, surtout dans le Midi, et les mesures prises par le gouvernement contre les complices de Napoléon, « l’usurpateur ».
La lutte de deux France irréconciliables fait toute l’histoire de la Restauration.
Trois grands partis se forment : les ultra-royalistes, le parti constitutionnel, et un parti de gauche avec des nobles gagnés aux idées nouvelles et des grands bourgeois.
Deux courants politiques s’affrontent : un courant libéral et un courant contre-révolutionnaire. Les modérés ne sont qu’une minorité.
Deux France se haïssent : la France de la monarchie de droit divin, de l’émigration, et la France de la souveraineté de la nation, de la Révolution.

La réaction prend plusieurs formes. Elle est politique, avec plusieurs lois : la loi du double vote le 30 juin 1820, la loi sur la presse d’août 1822, la loi du milliard des émigrés le 28 avril 1825.
La réaction est religieuse. Au début de la Restauration, la situation de l’Église catholique est précaire. On peut parler de    « la détresse de l’Église ». Les Ultras font alliance avec l’Église catholique, soutiennent les revendications des catholiques. L’Université est placée sous la surveillance du clergé. La loi sur les congrégations du 24 mai 1825 précise la place du clergé séculier. L’intervention de l’Église dans l’État s’affirme de façon éclatante. L’alliance du « trône et de l’autel » se manifeste par le sacre de Charles X, par l’éclat des fêtes du jubilé de 1826, par le rôle politique des ecclésiastiques, par la loi sur le sacrilège du 20 avril 1825. L’ampleur de la réaction catholique inquiète les libéraux.
La réaction s’appuie sur trois bases : une majorité solide, une bonne administration, une entente étroite avec le roi.

Deuxième série de causes. Les progrès de l’opposition sont parallèles à cette réaction. Cette opposition se manifeste par les sociétés secrètes, comme la Charbonnerie, fondée au début de 1821, originaire d’Italie, ainsi appelée peut-être parce que ses adhérents se réunissent d’abord dans les bois, en des huttes de charbonniers.
Une triple opposition conteste l’action du gouvernement. Une opposition groupe tous ceux qu’inquiète la réaction religieuse : des libéraux, des catholiques. Une opposition politique de droite est formée par le groupe de la « Défection » et les Ultra extrêmes, parmi eux Chateaubriand qui mène campagne en faveur des libertés. L’opposition de gauche est confortée par l’arrivée à l’âge d’homme d’une génération qui n’a pas connu l’Ancien Régime.
L’évolution des esprits fait évoluer le romantisme, de l’attachement nostalgique à la tradition, au libéralisme. Le premier romantisme, de 1820 à 1830 est aristocratique. Lamennais, Victor Hugo, Chateaubriand, qui ont adhéré à la Restauration, l’abandonnent.

Trois partis orchestrent l’opposition. Le parti libéral veut sauvegarder les principes de 1789. Benjamin Constant est le chef de file de ce courant. Le parti républicain est formé des débris des sociétés secrètes, de jeunes gens que leur tradition familiale rattache à la Révolution, comme Cavaignac, Garnier-Pagès, Hippolyte Carnot, des étudiants, des ouvriers. Le parti orléaniste souhaite remplacer la branche aînée des Bourbons par la branche cadette. Le revenant Talleyrand, le journaliste Adolphe Thiers, le banquier Laffitte, se rallient au duc d’Orléans.
Après la chute et la démission de Villèle, le ministère Martignac est condamné à une vie languissante, 5 janvier 1828-8 août 1829. Puis le ministère Polignac est un défi : aucune garantie, aucune expérience, aucun programme, 8 août 1829-3 août 1830.
Les années 1828-1830 mènent à l’impasse. Les partis d’opposition sont décidés à aller jusqu’au renversement de la dynastie.

Troisième série de causes. Des causes conjoncturelles accentuent la marche à la Révolution. D’abord, une crise économique affaiblit le régime en 1827, crise bancaire, crise industrielle, crise frumentaire.
Ensuite, le chômage et la baisse des salaires sont à peu près continus depuis 1816. Enfin, le motif immédiat est la défense des libertés devant les quatre ordonnances.
L’effervescence entretenue par les journaux s’aggrave définitivement en mars 1830, quand un conflit éclate entre le ministère et la Chambre. Le Discours du trône, à l’ouverture de la session, contient une menace de coup d’État. L’opposition répond par l’Adresse des 221, le 16 mars 1830.

La première partie de ce texte affirme la loyauté monarchique. La deuxième partie analyse la crise de confiance ouverte par le choix des ministres par le roi et revendique un régime parlementaire. Les derniers mots sonnent comme une mise en garde à l’intention du roi plus qu’à celle ses ministres. Les 221 placent Charles X devant ses responsabilités.
Le roi n’a qu’une alternative : la dissolution de la Chambre ou la monarchie constitutionnelle.
De mars à juillet 1830, la Révolution se prépare.
Charles X est décidé à ne pas renvoyer les ministres. Alors, le ministère se résout à un coup de force. Le 25 juillet 1830, il fait signer au souverain quatre ordonnances qui remettent en question le régime constitutionnel. C’est la préface directe de la Révolution. Le 26 juillet paraissent les ordonnances. Charles X est à la chasse. Beaucoup de députés sont à la campagne. Dans cette atmosphère ouatée, les premières résistances viennent des journalistes, en particulier Thiers.
Les événements militaires terminés, la situation politique reste à régler. La révolution est avant tout le fait du peuple. Sa victoire doit normalement aboutir à l’établissement d’un régime démocratique, républicain ou bonapartiste, qui réponde aux aspirations des masses.
Mais l’intervention des députés de gauche, nouvellement élus, ceux qui se trouvent à Paris, va totalement modifier le cours des événements. Hésitants jusqu’à ce moment, ou préconisant une résistance légale, ils ont déploré l’émeute populaire et se sont tenus à l’écart.

Quand le succès de la révolution ne fait plus de doute, ces députés de gauche sortent de leur réserve. Hostiles à la fois à Charles X et à la République, ils préparent habilement le terrain, dans la soirée du 29 et la journée du 30, pour la solution orléaniste, solution que les salons bourgeois et les journalistes du National suggèrent depuis plusieurs mois et qui va triompher. Par une déviation inattendue, la victoire du peuple se mue en une victoire des députés, une victoire de la bourgeoisie. Les députés sont contre le roi, contre la République. Ils choisissent la solution orléaniste.
Du 31 juillet au 9 août 1830, les amis du duc d’Orléans liquident la révolution. La journée du 31 juillet débarrasse les orléanistes du peuple. Le duc d’Orléans triomphe de l’obstacle républicain.
Les journées des 2 et 3 août 1830 débarrassent les orléanistes du roi et des Bourbons. Le duc d’Orléans triomphe de l’obstacle royaliste. Les journées des 7, 8, 9 août 1830 officialisent le changement de régime. Ceux qui ont soufflé sur le feu et se tenaient en réserve offrent la couronne au duc d’Orléans, Louis-Philippe.

Le nouveau régime, la monarchie de Juillet, marque l’avènement ou plutôt le retour de la bourgeoisie, de la « classe moyenne », comme disent les bourgeois. En fait, il s’agit de la haute bourgeoisie.
La monarchie de Juillet est un régime bourgeois. Le nouveau roi, Louis-Philippe, est la personnification même de cette monarchie bourgeoise. Les textes, les institutions politiques, sont bourgeois. À l’image du personnel politique et des textes, les partis, peu organisés encore, sont bourgeois. Les orléanistes, des libéraux partisans du roi et du régime, comprennent deux tendances. La tendance du mouvement considère la révolution de 1830 comme un point de départ vers des réformes démocratiques, avec le banquier Laffitte, La Fayette, Odilon Barrot, Dupont de l’Eure, des boutiquiers et des petits fonctionnaires. La tendance de la résistance considère la révolution comme achevée, s’oppose à toute nouvelle concession et à tout soutien aux peuples insurgés, avec de grands bourgeois et de hauts fonctionnaires.
Trois partis sont hostiles au régime : les légitimistes, les républicains, les bonapartistes.

La monarchie de Juillet apparaît comme l’époque où s’épanouit le mieux la domination des notables, grands bourgeois et aristocrates. Les aristocrates, par leur richesse foncière, sont encore une force avec laquelle il faut compter. Néanmoins, la bourgeoisie est la classe conquérante. Maîtresse de l’économie, elle voit croître son influence dans la vie politique. Ses journaux fabriquent l’opinion et précisent son programme : protectionnisme à l’extérieur et libéralisme à l’intérieur.
Cependant le libéralisme de la bourgeoisie a évolué. Après avoir combattu le despotisme hier, il est aujourd’hui, par peur de la poussée sociale, hostile à la démocratie, au suffrage universel et à toute législation sociale. Casimir Perier déclare :
« Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remède pour eux que la patience et la résignation ».

La révolution de juillet 1830 est un exemple type de reclassement et de réappropriation. Le peuple victorieux est grugé, dépouillé, spolié de sa réussite. La bourgeoisie se sert du peuple, puis récupère la victoire. Il en fut de même entre 1789 et 1794, où le peuple se fit massacrer pour et par la bourgeoisie révolutionnaire. Il en sera de même jusqu’à notre époque, révolution de 1848 récupérée par Louis-Napoléon, puis par le Second Empire bourgeois, défaite de 1870 et établissement d’une IIIe République bourgeoise, victoire de 1945 et établissement d’une IVe République bourgeoise, Mai 1968 et poursuite de la Ve République avec les Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron, tous de grands bourgeois aux ordres de la Haute Finance apatride et contre le peuple, particulièrement les trois derniers. Et cette bourgeoisie anti-peuple et anti-France est essentiellement incarnée par la gauche au sens large du terme.
Seule exception, la période gaulliste où le peuple et les ouvriers étaient un peu mieux considérés.

La lutte de deux France irréconciliables fait toute l’histoire de la Restauration, on pourrait même élargir à l’histoire de France. Cette lutte entre deux France irréconciliables n’a jamais été aussi actuelle, avec des enjeux différents : mondialistes cosmopolites, immigrationnistes et progressistes contre souverainistes patriotes et traditionalistes.

Jean Saunier

Date de dernière mise à jour : 27/07/2025

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