Créer un site internet

Un navire de SOS Méditerranée financé par le budget de la Culture ?

Le Navire Avenir pourrait être qualifié d’Ocean Viking du futur. Pour le moment, ce catamaran de 69 mètres de long et de 22,3 mètres de large n’est qu’à l’état de projet, mais ses concepteurs espèrent une mise à l’eau courant 2025. Le Navire Avenir, affrété par SOS Méditerranée, deviendrait alors le « premier navire européen spécifiquement conçu pour le sauvetage en haute mer », plus spécifiquement pour le secours aux migrants.

Oui, mais ce bateau pouvant accueillir jusqu’à 450 personnes à son bord a un coût : 27 millions d’euros. Une paille ! À ce jour, l'association PEROU (Pôle d'exploration des ressources urbaines), qui travaille sur le projet depuis plus de trois ans, a récolté 1.098.120 euros. Il lui manque encore près de 5 millions d’euros pour lancer le chantier et près de 26 millions pour livrer le navire. Autant dire que ce n’est pas gagné, alors même que le Navire Avenir exploite un filon inattendu.

Le monde de la culture au secours de SOS Méditerranée

Il compte sur le soutien du monde culturel. Pourquoi ? Parce que le Navire Avenir n’est pas seulement un bateau, c’est une « œuvre d'art contemporain ». La précision n’est pas superflue. Sur le site du projet, ses concepteurs décrivent leur « œuvre » comme une « composition d'aciers et de droits, de langues et d'ingénierie, d'images, de toiles, de voiles : cette pluridisciplinarité radicale est le fait du cinéma et du théâtre, de la danse comme de l'opéra, de bien des installations et performances. » Vous m’en direz tant !

Ils « vendent » le Navire Avenir comme un tableau, une sculpture, un film et, de ce fait, peuvent bénéficier d’aides venant d’institutions culturelles sans que cela ne semble inopportun. Pas moins de soixante ont déjà mis la main au portefeuille : le Festival de cinéma de Douarnenez, le Festival d’Avignon, la Criée à Marseille, le Théâtre national de Strasbourg, l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, la Gaîté Lyrique à Paris, le palais de Tokyo à Paris, le Centre national de danse contemporaine d’Angers, le Centre Pompidou de Paris…

Grâce à l’argent du contribuable

Toutes ces institutions sont abreuvées d’aides de l’État, de subventions municipales, régionales, métropolitaines, d’argent public. Comme indiqué sur le site du ministère de Culture « l'État participe au financement de la culture au moyen d'aides, d'investissements et de subventions en ce que la culture est une richesse pour le pays. Une richesse tant économique que patrimoniale. Chaque année, un budget (cumulé entre plusieurs ministères) de 17 milliards d'euros est consacré à la culture. »

L’État est généreux mais, semble-t-il, peu regardant. Ces acteurs de la culture subventionnés et donc payés par le contribuable n’ont-ils aucun compte à rendre ? Peuvent-ils faire autant de dons qu'ils veulent et à qui ils veulent ? Ne sont-ils pas, d'une certaine manière, en train de détourner des fonds publics au profit d'une association, PEROU dans un premier temps et SOS Méditerranée dans un second ? Le ministère de la Culture a-t-il connaissance de ces financements, les cautionne-t-il ? Ces questions lui ont été posées par BV, les réponses se font attendre.

Pour autant, vu le nombre d’institutions impliquées, il y a fort à parier que la manœuvre est des plus légales, même si elle laisse à désirer. Elle est une preuve supplémentaire qu’en matière de finances publiques, ce pays ne tourne pas rond.

Sarah-Louise Guille

Date de dernière mise à jour : 07/04/2024

  • 3 votes. Moyenne 4.7 sur 5.