
« Évidemment, lorsque la Monarchie ou l’Empire réunissait à la France l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté, le Roussillon, la Savoie ou le comté de Nice, on restait entre Blancs, entre Européens, entre Chrétiens ! Mais si vous allez dans un douar, vous rencontrerez tout juste un ancien sergent de tirailleurs parlant mal le français. » (De Gaulle, au général Koenig)
Notre époque est pleine d’incohérences. Les gens – de gauche comme de droite – qui vomissaient De Gaulle de son vivant, défilent sur les plateaux télé, ou se rependent en articles, pour évoquer avec des trémolos l’époque gaullienne qu’ils associent aux « Trente Glorieuses ».
Les Français, en majorité, semblent regretter le grand homme, et l’antigaulliste que je suis peut aisément les comprendre. Depuis Georges Pompidou, la France a été gouvernée par des pitres, des incapables, des voyous. Pas un seul ne s’intéressait réellement à la France. Ils avaient tous des ambitions européistes. Le pire étant, à mes yeux, Emmanuel Macron qui ne cache même plus sa détestation du peuple français et qui critique son pays chaque fois qu’il est à l’étranger.
Ceci étant dit, je constate que l’anniversaire de la mort du « Grand Charles » (le 9 novembre 1970) ne mobilise plus grand monde : les pleurnichailleries et les salamalecs incantatoires autour de sa tombe ne font plus recette. Je suppose que, cette année encore, ils seront une petite poignée, presque tous venus là par opportunisme (ou clientélisme électoral) car se déclarer gaulliste, de nos jours, c’est tendance, surtout quand on n’a rien d’autre à dire : ça n’engage à rien, c’est du vent ! Un vent qui a souvent eu, dans notre histoire, des odeurs fétides de flatulence : un pet. Du vivant de De Gaulle, on pouvait être gaulliste de la première heure, gaulliste de gauche, gaulliste social, gaulliste de progrès, gaulliste du centre, etc. Ces différents courants étaient qualifiés par leurs opposants de Godillots. Le gaullisme n’a jamais été un programme politique, un courant de pensée ou une idéologie, c’était une idolâtrie : un peuple de veaux (selon De Gaulle lui-même) vénérait son veau d’or, Charles De Gaulle, bradeur de notre Empire colonial qui, en abandonnant le Sahara, bradait aussi notre autosuffisance énergétique.
La citation en tête de cet article démontre qu’il m’arrive – relativement souvent d’ailleurs – d’être d’accord avec De Gaulle. Mais en fait, chez lui, les propos et les écrits sont presque toujours contredits par les actes, or c’est par ses actes qu’on juge les qualités d’un chef d’État.
Après chaque attentat, nos hommes politiques donnent de la voix. Leurs rodomontades et leur colère feinte sont généralement beaucoup plus fortes s’ils sont dans l’opposition, sans doute pour faire oublier que, depuis un demi-siècle, ils ont laissé l’islam intégriste tisser sa toile dans le pays, sans rien faire, sans rien dire, sinon le sempiternel « pas d’amalgame » pour ne pas faire le lit du Rassemblement National (ex-Front National). On aimerait que ces gens-là fassent profil bas !
Et, comme si la classe politique et les médias à sa botte ne suffisaient pas, quelques grandes gueules, matamores et autres stratèges de Café du Commerce en appellent à un régime fort, une dictature avec, à sa tête, un général. Ce souhait me remémore l’envolée d’une vague relation :
« Il nous faudrait un homme de droite, ferme et à poigne ; il nous manque un De Gaulle. »
Par courtoisie, je n’ai pas dit à ce brave homme ce que je pense vraiment de celui qui a fait la guerre embusqué derrière les micros de la BBC, et qui s’est réfugié comme un pétochard chez Massu, à Baden-Baden en mai 1968. Mais pour beaucoup de mes amis, De Gaulle était un homme de droite.
Laissez-moi rire ! Certes, comme François Mitterrand, il a été élevé dans une famille proche de L’Action Française de Charles Maurras. Le professeur Henri De Gaulle, son père, se définissait comme monarchiste de regret : il ne croyait pas possible un retour de la royauté en France mais il regrettait le Trône et l’Autel. Étant moi-même monarchiste de regret, je peux comprendre.
Mais j’ai souvent eu l’occasion de rappeler quelques épisodes de la geste gaullienne, comme, par exemple, le Conseil National de la Résistance (CNR), créé par De Gaulle en 1943. Le premier président du CNR sera Jean Moulin, homme de gauche et franc-maçon.
De Gaulle disait vouloir rassembler au sein du CNR des patriotes venus de tous les partis politiques, or quels seront les hommes d’influence du CNR ? Pierre Villon, du FNR (communiste), Louis Saillant (CGT), Gaston Tessier (CFTC), André Mercier (PCF), André Le Troquer (SFIO), Marc Rucart (Radicaux), Georges Bidault (Démocrates-Chrétiens : centre gauche), Joseph Laniel (Alliance Démocratique : droite modérée et laïque) et Jacques Debû-Bridel (Fédération Républicaine : droite conservatrice et catholique). Debû-Bridel, député, puis sénateur, finira chez les gaullistes de gauche.
Parlons aussi du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF), présidé par De Gaulle à la Libération ; en théorie un gouvernement de coalition. Mais il suffit de voir à qui furent confiés les ministères importants : cinq ministres communistes dont le déserteur Maurice Thorez, dont De Gaulle fera un ministre d’État… Et cinq autres maroquins confiés à des ministres SFIO (1).
Les gens qui ne manquent pas de reprocher à Jean-Marie Le Pen d’avoir fondé son parti avec d’anciens collabos ne nous parlent jamais de ces quelques vérités, pas plus que de la Francisque de François Mitterrand (N°2202). Leur indignation est, comme leur mémoire, à géométrie variable.
Puis, quand la IVe République s’enlisait dans le conflit algérien, un coup d’État ramenait aux affaires l’ermite de Colombey qui n’en pouvait plus de sa longue traversée du désert. Le putsch – car il s’agit bien de ça ! – du 13 mai 1958 est monté par les gaullistes et la droite nationale s’y associe, persuadée que De Gaulle est le garant de l’Algérie française. On connaît la suite… La semaine des barricades de janvier 1960, le putsch des généraux d’avril 1961 n’auront servi à rien sinon à remplir les prisons de patriotes – majoritairement de droite – trahis par les promesses gaulliennes.
Alors, De Gaulle homme de droite ? Que nenni ! Ses défenseurs vous diront que c’était un pragmatique ; c’était surtout un opportuniste. J’ai démystifié le personnage dans l’un de mes livres (2). D’autres l’ont fait avant moi, sans doute mieux que moi. Je pense à Henri de Foucaucourt (3), Roger Holeindre (4), Dominique Venner (5) et quelques autres qui ont compris que le culte de la personnalité n’est pas un programme. Mais mon antigaullisme ne m’interdit pas une certaine honnêteté intellectuelle. Je reconnais bien volontiers que le fondateur de la Vème République avait une envergure, une posture et une prestance qui font défaut à l’avorton prétentieux qui occupe actuellement la fonction présidentielle. De Gaulle se comportait encore en chef d’État, pas en larbin de Bruxelles ou pire, en marionnette du Nouvel Ordre Mondial. Il avait une certaine idée de la France et de sa grandeur, France qu’il a hélas réduite à un hexagone, c’est bien dommage !
Sous De Gaulle, il eût été impensable de voir des invertis allogènes éructer des insanités ordurières sur le perron de l’Élysée lors de la Fête de la musique, comme en 2018. Et franchement, je vois mal tante Yvonne se trémoussant au son du tam-tam ! Sur ce plan-là, je peux comprendre qu’on puisse, de nos jours, être gaulliste de regret, d’autant plus que les regrets, fussent-ils éternels, n’ont jamais servi à rien (sinon à pleurnicher).
Éric de Verdelhan