
Après dix semaines de procès à Paris dans une affaire de soupçons de financement libyen, le parquet financier a qualifié Nicolas Sarkozy de “véritable commanditaire” d’un pacte de corruption “indécent” noué avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour qu’il finance sa campagne présidentielle 2007, en débutant mardi ses réquisitions contre l’ancien président français et ses 11 co-prévenus.
Le procureur financier Quentin Dandoy venait de se lancer dans une longue démonstration, frise chronologique projetée à l’écran à l’appui, pour expliquer comment un pacte de corruption avait selon lui été mis en place par les deux plus proches collaborateurs de l’ex-président, Claude Guéant et Brice Hortefeux, à Tripoli.
“Tout y est !”, scande-t-il, plusieurs fois, sous le regard tendu de l’ancien chef de l’État. “On vous dit qu’il n’y a aucun élément matériel démontrant que Nicolas Sarkozy aurait donné quelconque instruction à ses collaborateurs ou même qu’il aurait été en contact avec les dignitaires libyens. Bien évidemment !”, lance le procureur. “Tout est précisément organisé, pensé pour que jamais il n’apparaisse”.
“Implication totale”
Envoyer “ses deux plus intimes collaborateurs” pour “négocier ce pacte de corruption”, est “la démonstration de son implication totale en tant que commanditaire”, soutient le magistrat, demandant la condamnation des trois hommes pour corruption et association de malfaiteurs.
“Comment imaginer que ses plus proches collaborateurs aient pu agir pour son compte, dans son propre intérêt mais à son insu? C’est insensé, inconcevable !”, dit-il.
Claude Guéant et Brice Hortefeux - absents à l’audience du jour - se sont vu confier le rôle “d’hommes de mains”, “jusque dans cette salle d’audience, où ils se sont retrouvés en première ligne, éprouvant les pires difficultés pour tenter d’expliquer l’inexplicable, tout en prenant bien soin de maintenir Nicolas Sarkozy à distance”, ajoute-t-il, alors que l’ancien chef de l’État bouillonne sur sa chaise.
Avant lui, le deuxième procureur financier, Philippe Jaeglé, avait dans un propos introductif qualifié le pacte d’”inconcevable, inouï, indécent”. Parce qu’il a été “conclu avec (un) régime sanguinaire”, avec “pour objectif de soutenir financièrement la campagne” de celui qui deviendra président français, a-t-il déclaré. Mais aussi car ce pacte “aurait pu vicier le résultat” de l’élection présidentielle de 2007 et qu’il “risquait de porter atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la France”, a-t-il poursuivi, face à l’ancien chef de l’État, 70 ans, qui prend des notes, les genoux agités.
Le procureur a balayé l’un après l’autre les principaux arguments de la défense, au premier chef la thèse d’une “vengeance” des dignitaires libyens après l’intervention internationale - notamment dirigée par Nicolas Sarkozy - et qui fera tomber le régime fin 2011.
Jusqu’à dix ans de prison
Les réquisitions doivent durer jusqu’à jeudi soir. Le montant des peines requises doit être formulé, comme il est d’usage, à la toute fin.
Nicolas Sarkozy a toujours clamé son innocence. “J’ai eu l’impression qu’on était parti du postulat ‘Sarkozy coupable’”, que “l’enjeu” n’était plus la “recherche de la vérité” mais pour le parquet financier de “ne pas perdre la face”, avait encore affirmé l’ex-président à la barre la semaine dernière.
Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, il encourt 10 ans de prison et 375.000 euros d’amende, ainsi qu’une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu’à 5 ans.
La Rédaction service Politique (avec AFP)