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Colère des agriculteurs : « C’est la première fois que la Coordination rurale peut entrer dans Paris »

SALON DE L’AGRICULTURE - Une vingtaine de tracteurs de la Coordination rurale a défilé dans Paris ce vendredi matin avant de s’arrêter devant les Invalides.

Crise agricole. Des agriculteurs aux Invalides : « Ce qui a été annoncé, ce  sont des mesurettes »

La couleur jaune des agriculteurs syndiqués se marie bien avec les dorures de la coupe des Invalides qui les surplombent. Ce vendredi, une vingtaine de tracteurs de la Coordination rurale a défilé dans Paris avant de s’arrêter sur la place Vauban dans le 7e arrondissement.

Dans le calme, ces agriculteurs, pour la plupart venus de l’Yonne, sont venus à la rencontre des Parisiens à la veille du Salon international de l’agriculture. « C’est la première fois que la Coordination rurale peut entrer dans Paris. D’habitude, c’est un honneur réservé à la FNSEA qui est plutôt de cheville avec le gouvernement, explique Jean-Yves, céréalier et éleveur de brebis dans le Chablis. On vient expliquer aux Parisiens qu’on est en train de laisser mourir notre agriculture et que les mesurettes qu’on nous a annoncées ne servent à rien. »

Agriculteur bio, Jean-Yves n’a que faire des promesses de souplesse sur les produits phytosanitaires. Ce qu’il veut, ce sont des mesures concrètes : « les prix ont doublé depuis un an, on ne vit plus que de primes. Mais nous, on ne veut pas faire l’aumône, on veut vivre de notre métier. »

Sacrifiés sur l’autel du libre-échange

Pendant qu’un de ses collègues déplace un tracteur, éclatant au passage un petit bout de bitume de la place, l’agriculteur rappelle combien la concurrence des importations est devenue intenable : « par exemple, les prix de vente ont été divisés par deux depuis que le blé ukrainien a débarqué en France. Je ne gagne plus d’argent sur mes céréales. »

Objectif du salon de l’agriculture pour lui et ses collègues de l’Yonne ? Sortir l’agriculture des traités de libre-échange : « Pendant qu’ils nous passent de la crème dans le dos, ils continuent de négocier avec le Mercosur. Et comme toujours, l’agriculture sert de monnaie d’échange. On nous sacrifie comme on a sacrifié l’industrie avant. »

A côté de Jean-Yves, Jérôme jette un œil à un confère qui allume un barbecue sous le regard amusé de quelques CRS. Mais son oreille a traîné, et il abonde les propos de Jean-Yves : « moi je fais du conventionnel. Mais je n’ai jamais demandé à assouplir les normes écologiques, ou à utiliser plus de ''phytos''. Ce qu’on veut, c’est que les autres, qui importent en France, aient les mêmes normes ou alors ils n’entrent pas. On ne peut pas lutter contre la merde qu’on nous envoie d’Amérique du Sud. » Alors les agriculteurs s’accordent sur l’importance du salon de l’agriculture : « c’est une année d’élections européennes, explique Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale. Tous les candidats vont passer au salon, donc c’est le moment de leur demander de taper du poing sur la table. »

Dix demandes très claires, plus de négociations

Après avoir rencontré deux fois Gabriel Attal, le Premier ministre, et une fois le président de la République, le temps « n’est plus aux négociations. Nous avons fait des dix demandes très claires ». Parmi elles : une année blanche sur le remboursement des prêts avec les intérêts payés par l’Etat, un statut spécial pour les taxes sur le gaz et l’électricité, comme pour le GNR ou encore des simplifications administratives. « D’habitude, ils nous rencontrent deux heures avant d’aller sur le salon, pour nous promettre des choses, nous calmer et être tranquilles pour faire des photos », explique Christian Convers, mais cette année pas question de prendre la pose : « on a dix questions avec ''oui'' ou ''non''. S’ils ne répondent que par des ''non'', ça veut dire qu’ils ne veulent plus d’agriculture en France. Ce qu’on croit. Mais alors qu’ils soient clairs. »

Christian Convers est ferme : ce sera ''oui'' aux demandes ou la révolution. Le secrétaire général de la CR devrait en savoir plus cet après-midi lors d’une dernière rencontre au ministère de l’Agriculture pendant que les tracteurs doivent, normalement, retourner à la porte de Versailles pour camper devant le Salon. « Mais on n’est plus sûr d’avoir le droit, lâche alors Jean-Yves. Pour l’instant, on est parqué là et on attend encore une fois qu’ils tiennent leurs promesses. Ce n’est pas souvent le cas. »

Romarik Le Dourneuf

Date de dernière mise à jour : 23/02/2024

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