Conseil constitutionnel : quand l’interprétation du droit menace la démocratie

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Le Conseil constitutionnel vient de censurer « la proposition de loi visant à renforcer l’autorité de la Justice à l’égard des mineurs délinquants » qui avait été adoptée par le Parlement et l’a quasiment vidée de sa substance. Le recours constitutionnel avait été introduit, comme de juste, par les différents partis de gauche, de LFI au Parti socialiste en passant par les communistes et les Verts. Ce dont les électeurs, qui n’en peuvent plus du déferlement de violence qui afflige la France, devraient se souvenir lorsqu’ils glisseront un bulletin dans les urnes.

Le Conseil constitutionnel ne se borne pas à juger de la constitutionnalité des lois par rapport à la Constitution mais également à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution de 1946, à la charte de l’environnement de 2004 (intégrée au bloc de constitutionnalité), aux traités internationaux, au droit européen et à sa propre jurisprudence qui a défini des principes généraux du droit de la République, parmi lesquels, par exemple, le principes de fraternité, qui consacre « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour » (décision 2018-717/718 QPC 6 juillet 2018).

À l'appui de la décision, un arsenal législatif dépassé

Dans le cas de la proposition de loi déposée par Gabriel Attal, les requérants attaquaient les mesures atténuant l’excuse de minorité, alourdissant les peines et simplifiant les procédures à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents. Celles-ci ont été largement censurées au nom « du principe fondamental reconnu par les lois de la République, dégagé par le Conseil constitutionnel le 29 août 2002 (décision 2002 461 DC) et appliqué de façon constante depuis, d’adaptation de la réponse pénale à la situation particulière des mineurs. Il découle de ce principe que des mesures prises à l’encontre des enfants délinquants doivent rechercher en priorité leur relèvement éducatif et moral et être adaptées à leur âge et à leur personnalité, et être prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des mesures appropriées. »

Le Conseil précise que ces principes ont été reconnus par les lois de la République depuis le début du XXe siècle et cite les lois du 12 avril 1906, du 22 juillet 1912 ainsi que la fameuse ordonnance du 2 février 1945. Il semblerait que les juristes du Conseil constitutionnel et ses membres n’aient pas perçu que la société française contemporaine n’est plus vraiment celle du début du XXe siècle ni celle du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. De même qu’ils méconnaissent le fait qu’une sanction ferme et immédiate peut avoir un caractère éducatif. Il est vrai que le propre de l’idéologie est de méconnaître la réalité. Certes, il nous faudrait des établissements d’enfermement spécialisés que la gabegie généralisée de l’État français n’a pas permis de mettre réellement en place, ou insuffisamment.

Un glissement sémantique inquiétant pour une démocratie

Mais au-delà du cas d’espèce, nous sommes de nouveau confrontés à la limitation de la démocratie au nom de l’État du droit. La démocratie, c’est en fin de compte assez simple. Le système pose en principe que le peuple est souverain et qu’il exerce sa souveraineté soit directement, soit au travers de représentants qu’il a élus. Le peuple est ainsi supposé être à l’origine de la législation et capable de choisir ses représentants et ses gouvernants librement. Mais le système se grippe lorsque l’oligarchie en place et les juristes décident de fossiliser l’État de droit au nom de principes autant juridiques qu’idéologiques afin d’empêcher toute évolution légale qui ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent afin de préserver leur pouvoir et, éventuellement, leurs avantages.

Depuis quelques années, il a été possible de noter un glissement sémantique inquiétant dans de nombreux textes européens ou internationaux qui ont substitué les termes « principes démocratiques et État de droit » à la simple démocratie qui, semble-t-il, inquiète. En marge d’une séance plénière du Comité économique et social européen du 15 février 2018, Nathalie Loiseau, alors secrétaire d’État aux Affaires européennes, avait déclaré ne pas vouloir d’une Europe à la Orbán. Je lui avais alors fait remarquer que ce dernier avait été élu à la suite d’élections pluralistes. Sa réponse avait été la suivante : « Monsieur, le vote n’est pas forcément la meilleure expression démocratique. Souvenez-vous de la Constitution européenne. » Le nœud de la question est là. Une partie de l’oligarchie est prête à contester la légitimité démocratique des scrutins dont le résultat ne leur convient pas, au nom d’un État de droit dévoyé. Nous l’avons constaté, récemment, en Roumanie ou en lisant les commentaires de la presse du système lors de l’élection de Karol Nawrocki en Pologne.

En fin de compte, pour l’oligarchie européo-mondialiste, la proposition de Bertolt Brecht, qui avait approuvé la répression communiste de juin 1953 à Berlin, est toujours d’actualité : « Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ! »

Stéphane Buffetaut

Date de dernière mise à jour : 23/06/2025

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