DÉFENSE - Le chef d’état-major chez les maires de France : du sang et des larmes

Le général Fabien Mandon nouveau chef d'état-major des armées françaises -  Le Parisien

Le traditionnel congrès des maires se tient actuellement au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. Ce mardi 19 novembre après-midi, juste après le repas, la séance d’ouverture de cette 107e édition a été clôturée en trompettes avec l’intervention du général d’armée Fabien Mandon, nouveau chef d’état-major des armées (CEMA). Et le moins que l’on puise dire, c’est que son discours a sans doute cassé l’ambiance. Sujet ? La guerre qui frappe à nos portes. La guerre que pourrait nous faire la Russie dans les trois, quatre ans. Un discours reprenant ce qu'il a dit devant la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 22 octobre dernier. En plus cinglant, peut-être. Sans doute une première que cette adresse d'un homme de guerre à des élus de terrain.

Demain, la guerre avec la Russie

Un passage de cette allocution a particulièrement frappé l’assistance et fait parler sur les réseaux sociaux. « Nous avons tout pour dissuader Moscou. Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour défendre la Nation. (…) Il faut accepter de perdre nos enfants, de souffrir économiquement. Si nous ne sommes pas prêts à cela, alors nous sommes en risque. Il faut en parler dans vos communes ».

Entretenir le climat anxiogène

Bien sûr, on ne manquera pas de souligner que le général Mandon, ancien chef d’état-major particulier du président de la République, « fait le job » en contribuant, à travers son discours, à entretenir un climat anxiogène dont Macron a su et sait utiliser à son profit. Crise des gilets jaunes avec la menace des « factieux » qui voulaient mettre la République à bas (on se souvient de l’inénarrable et de triste mémoire Christophe Castaner), puis la longue et pénible « guerre » contre le covid qui faillit rendre fols les Français (assis, debout, interdiction de rester statique sur la plage, on en passe et des plus absurdes). Et puis la guerre en Ukraine qui, objectivement, a de quoi inquiéter, de quelque manière que l’on tourne le problème. Inquiétude face à la menace russe qui est une réalité, ne serait-ce que par son potentiel militaire. Du reste, c’est bien la Russie qui a déclenché cette guerre d’un autre âge, pas l’Ukraine, même s’il ne faut pas occulter, dans cet engrenage, les responsabilités occidentales cumulées depuis trois décennies. Inquiétude aussi, car on a le sentiment diffus, à tort ou à raison, que Macron veut nous précipiter dans la guerre.

Appuyer là où ça fait mal

Néanmoins, il faut reconnaître que ces mots du CEMA ont le mérite d’appuyer là où ça fait mal en évoquant le manque de « force d’âme pour accepter de nous faire mal pour défendre la Nation ». À quoi bon, en effet, dépenser des milliards pour notre défense (57,1 milliards prévus en 2026, soit une augmentation de 6,7 milliards par rapport à 2025), d’avoir les matériels les plus modernes, comme le Rafale, l’arme nucléaire, si derrière, il n’y a pas la volonté nationale d’accepter que l’on ait un jour à s’en servir, et donc, par la force des choses, d'accepter de faire tuer ses enfants ? Ces canons ne seraient qu' « un airain qui résonne ou qu’une symbale qui rententit », pour paraphraser saint Paul. Autant tout bazarder et ne garder qu'un régiment à cheval et une fanfare de la Garde pour faire joli et basta !

Donc, évoquer en quelque sorte « du sang et des larmes » devant les maires n’est pas anodin, les communes étant le cœur battant de la Nation. Par ailleurs, la mission du CEMA est de défendre le budget des armées et l'augmentation de ce budget, à travers notamment la loi de programmation militaire (LPM). Le faire devant les maires qui se plaignent, non sans raisons, de la baisse de leurs dotations d'État, est aussi une manière de poser la question des priorités de notre État de moins en moins régalien, dans un contexte budgétaire catastrophique.

Et si l'on parlait d'une autre guerre : chez nous...

Il faut, au minimum, dix ans d’efforts constants (humains, matériels, financiers) pour construire une armée professionnelle solide et cohérente. Il faut beaucoup moins de temps pour casser un outil qui fonctionne : les dissolutions d'unités décidées par Sarkozy en 2008 ont fait très mal. Puis, il faut cinq ans, pas moins, pour reconstruire ce qu’on a démoli. En revanche, construire « la force d’âme d’une nation » relève d’une autre temporalité et nécessite des efforts individuels et collectifs autres que budgétaires ! D'ailleurs, une question toute bête et qui ne se veut nullement provocatrice : combien de ces maires, qui écoutaient sagement le CEMA, ont un fils ou une fille sous l’uniforme ? Une question que l’on peut d’ailleurs poser à nos parlementaires, à nos ministres.

Dernière réflexion autour de cette allocution du CEMA. Le général Mandon a martelé son intervention autour de la potentielle guerre avec la Russie. Très bien. Mais que dire de cette guerre, qu'il a à peine évoquée et qui se déroule à bas bruit (et pas qu’à bas bruit, parfois) dans nos cités - et donc dans nos communes - où la police, les pompiers ne sont pas les bienvenus, où l’on tire à la kalachnikov, où la charia cherche à faire sa loi ? De nos communes au plus haut sommet de l’État, cette « force d’âme » existe-t-elle pour accepter de nous faire mal, mais aussi de faire mal, afin de défendre la Nation là où elle est menacée quotidiennement ? On pose juste la question.

Georges Michel

Date de dernière mise à jour : 19/11/2025

1 vote. Moyenne 4 sur 5.