
Douche froide sur la Maison ronde. Après des années d’audiences rayonnantes, France Inter fait grise mine. Les chiffres Médiamétrie sont tombés et la sentence est sans appel : la radio publique a perdu près d’un demi-million d’auditeurs en une petite année. Une première baisse depuis quatre ans. Grâce au nombre de ses émetteurs à travers le territoire et à son absence de publicité, France Inter reste en tête des audiences, mais son statut de leader parait de plus en plus contesté.
Dans un communiqué publié le 13 novembre, Radio France tente de sauver la face. « Avec 6.738.000 auditeurs quotidiens, France Inter reste première radio de France et de loin, veut ainsi croire le groupe public, passant sous silence sa perte d’audience. Avec 4.967.000 auditeurs chaque matin,
La Grande Matinale de Nicolas Demorand et Sonia Devillers avec Benjamin Duhamel reste, de loin, la matinale la plus écoutée de France ».
En réalité, la fameuse matinale de France Inter est dans le rouge. Le grand rendez-vous - élargi de 7h à 11h - a égaré sur un an 220.000 paires d'oreilles. Quand on regarde dans le détail, toutes les tranches sont en baisse : -300.000 pour le 7/9, -360.000 pour le journal de 8 heures, -380.000 pour l'interview de Benjamin Duhamel, etc. On est loin du bilan enthousiaste présenté par Radio France.
Une radio critiquée de toutes parts
En interne, les langues commencent à se délier. Dans une lettre adressée mercredi à la directrice de France Inter Adèle Van Reeth et à la directrice générale de Radio France Sibyle Veil, les instances représentant les différents métiers de France Inter - journalistes, producteurs, techniciens - estiment que leur radio est en train de « perdre son âme ». « Nous ne reconnaissons plus la maison que nous aimons », écrivent-ils, très inquiets.
Les signataires de cette lettre consultée par l'AFP pointent « des choix opaques » de la direction, un « manque de clarté » de son projet, ainsi qu'une « brutalité managériale », qui ont abouti selon eux à des « événements graves ». Ils évoquent notamment l’affaire Legrand-Cohen, deux journalistes maison pris en flagrant délit de collusion avec des cadres du PS. L'affaire a écorné encore un peu plus l’image déjà abîmée de France Inter.
Europe 1 en pleine croissance
Le coup est d'autant plus rude que, si France Inter, NRJ et Nostalgie sont en baisse, Europe 1 tire au contraire son épingle du jeu. La radio bleue apparaît comme la grande gagnante du moment, attirant pas moins de 300.000 nouveaux fidèles. Une véritable « remontada » permise par les efforts conjugués de Pascal Praud, Christine Kelly, ou encore Dimitri Pavlenko, dont les émissions attirent un public grandissant.
Europe 1 connait une ascension régulière, à la CNews. La chaîne télé avait, elle aussi, dû batailler et prendre le temps de fédérer un public fidèle avant de voir ses audiences s’envoler. En octobre dernier, elle a ainsi battu une nouvelle fois son record d'audience mensuel, franchissant la barre des 4 %, selon les chiffres de Médiamétrie. CNews s'est classée cinquième chaîne nationale, à quatre petits points derrière la généraliste M6. Au sein des chaînes info, elle domine pour le dixième mois de suite, loin devant BFMTV (3,2 %), LCI (2,3 %) et Franceinfo (1,1 %).
Comment expliquer cet éclatant succès ? Le ton et la différence des médias du groupe Bolloré séduisent. Les figures attachantes qui se partagent entre les plateaux de CNews et ceux d’Europe 1 contribuent au charme de ces antennes. Mais avant tout, c’est la ligne éditoriale choisie qui détonne et séduit. CNews comme Europe 1 n’ont pas peur d’évoquer les sujets qui fâchent lorsque l’actualité l’exige. Une liberté qui fait l’effet d’un grand bol d’air à des Français qui ont longtemps dû se contenter de médias refusant obstinément de représenter le réel tel qu’il est.
Jean Kast