SOCIÉTÉ - Retour de Boualem Sansal : beaucoup de soulagement et peu de révélations…

Diplomatie. « Je vais bien » : Boualem Sansal s'exprime pour la première  fois depuis sa libération

Ça y est, Boualem Sansal est libre. Il est en France, et il a même été reçu par l’audiovisuel public (France 2 et France Inter), qui trouve ici une occasion inespérée d’acquérir un peu d’impartialité et de légitimité. L’écrivain franco-algérien a renoncé à son célèbre catogan mais pas à ce qui fait son originalité et son prix sur la scène littéraire française : toujours aussi facétieux, cultivé, apaisé et honnête qu’il l’était, il y a un an, lorsque le régime d’Alger l’a arbitrairement arrêté, il semble n’avoir pas été brisé par la prison. Toute comparaison avec Nicolas Sarkozy, notre Edmond Dantès à nous, qui a tiré 200 pages de ses trois semaines à la Santé, devrait nous inspirer – mais ce n’est qu’une parenthèse.

Face à Laurent Delahousse à la télévision, comme face à Benjamin Duhamel et Florence Paracuellos à la radio, Boualem Sansal a été impeccable. Courtois, serein, expliquant clairement les raisons pour lesquelles il a été capturé puis détenu, l’écrivain a pourtant, de son propre aveu, retenu ses coups. Pour ne pas faire de tort aux relations franco-algériennes (qui sont, il est vrai, déjà bien assez mal en point comme ça), mais aussi pour notre compatriote, Christophe Gleizes, toujours retenu arbitrairement par le régime d’Abdelmajid Tebboune. Il en a tout de même profité pour clarifier certains points : d’abord, il n’a sans doute pas été arrêté pour ses livres, lesquels sont en vente libre en Algérie. C’est plutôt le fait que, dans un régime en « ultranationalisme », c’est-à-dire prospérant sur la haine de la France, il soit un cas emblématique de binational patriote. Il pointe aussi le fait qu’il se serait rendu en Israël, confirmant au passage, sans le dire ouvertement, que l’antisémitisme d’Alger, comme de nombreux pays du monde arabe, prend des proportions démentielles. Enfin, interrogé sur le fait que Bruno Retailleau aurait pu constituer un obstacle à sa libération, comme l’a laissé entendre l’Élysée, Boualem Sansal dit que l’ancien ministre de l’Intérieur est son « ami » et qu’« avec ou sans Bruno Retailleau, ils auraient réagi de la même manière avec n’importe qui ».

Mensonge de l'éditeur ?

Et puis, on apprendra, au cours de cet entretien, une vérité intéressante sur l’attribution du prix Sakharov. Ce prix européen, qui porte le nom d’un dissident soviétique et récompense un partisan de la liberté opposé à un régime totalitaire, aurait pu être attribué à Boualem Sansal, sur proposition des députés RN. À l’époque, son éditeur, Antoine Gallimard, avait dit que Sansal refusait ce prix parce qu’il était proposé par l’extrême droite. Tous les médias français avaient relayé l’information. En fait, l’écrivain franco-algérien n’était même pas au courant de cette proposition. Il n’a appris la nouvelle que trois ou quatre semaines plus tard : l’éditeur français avait donc menti et la cohorte médiatique a relayé ce mensonge sans sourciller.

Enfin, au sujet des députés de La France insoumise qui ont voté contre une résolution demandant sa libération, Sansal est sans rancune. Certes, il croit encore que « la gauche est le parti de l’humanisme » (et puis quoi, encore…), mais il n’en veut pas aux gauchistes : « Ils cherchent un électorat, ils pensent l’avoir trouvé chez les islamistes. Tant mieux pour eux. »

On est heureux de retrouver Boualem Sansal sain et sauf, et en pleine forme. On est également heureux qu’il en profite pour rétablir certaines vérités. Il n’y a plus qu’à attendre la libération de notre autre compatriote, Christophe Gleizes… ainsi que des excuses de tous ceux qui ont instrumentalisé cet écrivain si courageux, et de ceux qui ont refusé de plaider pour sa libération. On peut rêver…

Arnaud Florac

Date de dernière mise à jour : 24/11/2025

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