
Entre ambitions politiques et réalités économiques, le passage à la voiture électrique révèle des tensions inédites en Europe et dans le monde. État des lieux d’une révolution automobile qui avance à deux vitesses.
Paradoxalement, le marché mondial de la voiture électrique a enregistré des performances remarquables en 2024, avec une progression des ventes de 25 % atteignant 17,1 millions d’unités. Pourtant, derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus nuancée, notamment en Europe.
Le continent européen a connu un recul de ses ventes de véhicules électriques de 3 % en 2024, avec environ 3 millions d’unités vendues. L’Allemagne a particulièrement souffert avec une chute de 27,4 % après la suppression des aides à l’achat, tandis que la France a enregistré une baisse de 2,6 %.
En France, novembre 2025 a cependant marqué un tournant avec 43 788 véhicules électriques vendus, soit 26 % des nouvelles immatriculations, en hausse de 25 % par rapport à novembre 2024, notamment grâce au leasing social.
Le prix : un obstacle persistant
Selon le baromètre DRIVECO 2025, 57 % des Français citent le prix d’achat comme principal frein à l’acquisition d’un véhicule électrique, soit une augmentation de 9 points par rapport à 2024. L’intention d’achat des Français a chuté drastiquement : seuls 22 % envisagent d’acheter une voiture électrique dans un avenir proche, contre 33 % en 2021.
Une voiture électrique neuve coûte en moyenne entre 30 000 et 50 000 euros, soit au minimum 10 000 euros de plus qu’un équivalent thermique à puissance comparable. Ce surcoût initial demeure rédhibitoire pour de nombreux ménages, malgré les aides gouvernementales.
L’infrastructure de recharge : insuffisant
D’après une enquête OpinionWay, 67 % des Français estiment que l’infrastructure de recharge est insuffisante, 60 % jugent les bornes rapides trop rares, et 51 % dénoncent une inégalité entre régions.
Néanmoins, des progrès substantiels sont réalisés. Le territoire français compte désormais 118 000 points de charge publics, avec un objectif de 150 000 fin 2025. Les temps de recharge ont considérablement diminué : sur une station de recharge rapide, 20 minutes suffisent pour récupérer 80 % de batterie sur les versions récentes.
2035 : l’Europe maintient le cap
À partir de 2035, toutes les voitures neuves vendues en Union européenne ne pourront plus émettre de CO2, marquant la fin des ventes de véhicules thermiques neufs. Cette mesure phare du Pacte vert européen fait l’objet de vives tensions.
Sous la pression des États membres et de l’industrie automobile, la Commission européenne doit réexaminer cet objectif dans le cadre d’un vaste plan de soutien au secteur, face à des exigences nationales souvent contradictoires. Le chancelier allemand Friedrich Merz réclame le maintien après 2035 des ventes de voitures neuves à propulsion hybride rechargeable, tandis que la France défend fermement l’objectif du tout-électrique.
La satisfaction des conducteurs électriques : un élément positif
Malgré les réticences à l’achat, ceux qui ont franchi le pas ne regrettent pas leur choix. 98 % des conducteurs de voiture électrique sont satisfaits de leur véhicule, un chiffre en progression de 3 points par rapport à l’année précédente, et 50 % se disent très attachés à leur véhicule.
Des modèles abordables pour relancer la dynamique
L’arrivée de nouveaux modèles plus accessibles, comme la Renault 5 électrique ou la Citroën ë-C3, pourrait redonner un coup d’accélérateur à l’électrique en 2025. La Renault 5 E-Tech connaît un succès fulgurant avec son design néo-rétro, son prix attractif à partir de 27 990 euros et une autonomie réelle de plus de 400 km.
Les prévisions pour 2025 anticipent une part de marché des véhicules électriques entre 20 et 30 % chez les particuliers français, contre 22 % en 2024.
La Chine : un acteur dominant
La Chine représente près des deux tiers des véhicules électriques vendus dans le monde avec 11 millions d’unités écoulées en 2024, soit une progression de 40 %. Cette domination asiatique inquiète les constructeurs européens, qui redoutent une invasion de modèles chinois compétitifs sur leur propre marché.
La transition semée d’embûches
La transition vers la mobilité électrique se poursuit, portée par des avancées technologiques et une volonté politique affichée. Toutefois, les obstacles demeurent nombreux : prix d’achat élevé, infrastructure de recharge à compléter, autonomie perçue comme limitée, et incertitudes réglementaires.
L’année 2025 apparaît comme une année charnière. Entre les nouvelles citadines abordables, le retour du leasing social et l’amélioration continue du réseau de recharge, les conditions d’une accélération semblent réunies. Mais la réussite dépendra de la capacité des pouvoirs publics et des constructeurs à convaincre des automobilistes encore majoritairement sceptiques.
Emilien Lacombe