POLITIQUE - Sébastien Lecornu à Matignon : dernier sursaut du macronisme ?

Macron nomme son homme de confiance Sébastien Lecornu à Matignon, chargé de  négocier avec les partis

La nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre, au lendemain de la démission forcée de François Bayrou, illustre à la fois la fidélité d’Emmanuel Macron à ses proches et la fragilité chronique de l’exécutif depuis 2022.

À 39 ans, l’ancien ministre des Armées hérite d’une mission périlleuse : redonner souffle à un pouvoir épuisé par les crises politiques et sociales, tout en construisant une majorité de compromis à l’Assemblée nationale.

Un fidèle parmi les fidèles

Parcours fulgurant, ascension maîtrisée, loyauté sans faille : Lecornu incarne le profil type du macroniste durable. Ancien jeune espoir de la droite normande, il a franchi sans hésiter le Rubicon en 2017 pour rejoindre Emmanuel Macron. Depuis, il a traversé tous les gouvernements successifs, occupant des postes sensibles (Outre-mer, Armées) sans jamais être éclaboussé par de grands scandales.
Cette constance, rare dans l’univers mouvant de la macronie, en fait une figure de confiance pour l’Élysée. Mais son image reste celle d’un homme de réseaux plus que d’un tribun populaire.

Un septième Premier ministre : symptôme d’instabilité

Avec Lecornu, Emmanuel Macron signe son septième Premier ministre depuis 2017 – un record historique qui souligne la difficulté du chef de l’État à installer durablement un chef de gouvernement.
Depuis le début de son second mandat, les changements de locataires à Matignon (Borne, Attal, Barnier, Bayrou, et désormais Lecornu) révèlent la fragilité d’une majorité relative et la stratégie d’adaptation permanente de l’exécutif.
Le nouveau Premier ministre doit donc d’abord prouver qu’il n’est pas un intérimaire de plus, mais capable d’assurer une stabilité que ses prédécesseurs n’ont pas su incarner.

Budget, réformes et fractures sociales

La première urgence est budgétaire : convaincre les députés d’adopter un plan d’économies de 43,8 milliards d’euros pour 2026, dans un climat social déjà tendu. Lecornu promet un « changement de méthode », fondé sur la consultation et la recherche de compromis, notamment avec Les Républicains, dont il est issu.
Mais cette volonté de consensus se heurte à un double défi : une opposition déterminée à censurer le gouvernement et une société marquée par la défiance. Les mouvements sociaux de l’hiver dernier, encore vifs dans les mémoires, pourraient rapidement s’embraser à nouveau.

Nomination sous le feu des critiques

La réaction des oppositions ne s’est pas fait attendre. Marine Le Pen dénonce une « bunkerisation » du macronisme, Jordan Bardella ironise sur un « bail précaire », et la gauche parle d’une « provocation ».
Au-delà de la scène politique, des polémiques anciennes resurgissent, notamment autour de propos jugés homophobes en 2012 ou de rumeurs de proximité avec l’extrême droite. Si elles ne menacent pas directement sa position, elles fragilisent son image d’homme « solide et fiable » que l’exécutif tente de mettre en avant.

Un pari risqué pour Macron

En choisissant Lecornu, Emmanuel Macron mise sur la fidélité et l’expérience d’un ministre réputé travailleur, mais peu charismatique. Le pari est clair : stabiliser l’appareil d’État, sécuriser le budget et éviter une dissolution hasardeuse.
Mais ce choix révèle aussi les limites d’un pouvoir réduit à puiser toujours dans le même vivier de fidèles. À moins de deux ans de la fin du quinquennat, la nomination de Lecornu apparaît moins comme un nouvel élan que comme un effort pour tenir jusqu’en 2027.

La Rédaction Service Politique

Date de dernière mise à jour : 11/09/2025

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