
La chanteuse américaine a été ciblée par des comptes, dont beaucoup de « bots », prétendant qu’elle soutenait le suprémacisme blanc ou le mouvement MAGA.
Les vrais « Swifties » le savent, la découverte d’un album de Taylor Swift passe par la quête d’« easter eggs », ces indices disséminés par l’artiste dans ses chansons, mais aussi sur ses pochettes d’album ou dans certains produits dérivés. Qu’il s’agisse de références à la chanteuse elle-même ou à la pop culture, elles font le miel de ses fans (et de ses détracteurs) qui les discutent à l’envi à la machine à café ou sur les réseaux sociaux.
Le dernier album de Taylor Swift sorti début octobre, The Life of a Showgirl, n’a pas échappé à cette règle, mais les choses sont allées bien trop loin. Dans une enquête publiée le mardi 9 décembre, le magazine Rolling Stone souligne que de nombreuses publications en ligne ont accusé la chanteuse de soutenir implicitement le mouvement MAGA (« Make America Great Again »), le suprémacisme blanc et même l’idéologie nazie.
Des allégations qui ne collent pas aux prises de position officielles de Taylor Swift. La chanteuse a appelé à voter pour les candidats démocrates lors des deux dernières élections – s’attirant au passage les foudres de Donald Trump – et le féminisme est un élément important de l’image de marque qu’elle consruit.
Des publications volontairement grotesques et énervantes
Aussi absurdes soient-elles, ces théories ont cartonné sur les réseaux sociaux selon la start-up GUDEA, sur laquelle s’appuie Rolling Stone. En scannant 18 000 comptes et 24 000 publications sur 14 plateformes en ligne, son étude révèle que sur les deux semaines suivant la sortie de l’album, moins de 4 % des comptes ont généré plus d’un quart de la conversation autour de Taylor Swift et l’ont saturée de contenus complotistes.
Pire, une part significative de ces publications ont été partagées par des « bots », des faux comptes « robots » paramétrés parfois à l’aide de l’intelligence artificielle pour générer du contenu en ligne. À la sortie de l’album, environ 35 % des publications épinglées par GUDEA venaient de « comptes se comportant davantage comme des bots que comme des utilisateurs humains ».
La viralité de ses publications est facilement explicable : leur ton outrancier et leurs analyses absurdes suscitent la surprise, voire la colère des internautes et en premier lieu des fans de Taylor Swift. Ces derniers s’empressent alors de commenter pour tourner en ridicule ou battre en brèche les théories complotistes, l’engagement suscité par ces dernières est alors repéré par l’algorithme des plateformes qui booste leur visibilité.
Cette technique appelée « rage bait », ou « appât à rage », n’est pas l’apanage des « bots » et elle est beaucoup utilisée par certains créateurs de contenus. Sur les réseaux sociaux, la provocation a le vent en poupe et « rage bait » a même été élu mot de l’année 2025 par l’université d’Oxford.
Le collier « nazi » de Taylor Swift a déchaîné les passions
Dans le cas de la campagne contre Taylor Swift, l’exemple le plus parlant est celui du collier supposément nazi vendu sur le site officiel de la chanteuse. Commercialisé pour célébrer sa chanson « Opalite », il est composé d’une chaîne avec plusieurs petits éclairs, que certaines publications en ligne ont comparés aux éclairs sur l’insigne des SS, comme vous pouvez le voir dans le message ci-dessous.

Ce parallèle, évidemment tiré par les cheveux, a suscité l’indignation d’autres personnes qui lui ont donné – sans doute sans le vouloir – encore plus de visibilité. « Je vois que ça traite Taylor Swift de nazie car elle porte un collier avec des éclairs c’est quoi ce bordel », a écrit un internaute, tandis qu’un autre a accusé les personnes croyant à cette théorie d’être « complètement attardées ».
Sollicité par Rolling Stone, l’entourage de Taylor Swift n’a pas répondu. Le flou subsiste sur le point de savoir qui est à l’origine de cette campagne calomnieuse massive et coordonnée. Les représentants de GUDEA interrogés par le magazine relèvent un « chevauchement significatif » entre les comptes alimentant le « récit “nazi” de Swift » et ceux qui ont publié par le passé des commentaires négatifs sur l’actrice Blake Lively, dont le conflit avec Justin Baldoni fait toujours couler beaucoup d’encre.
Les robots représentent plus de la moitié du trafic Internet
Ce changement de cible pourrait montrer que « leur(s) propriétaire(s) teste(nt) le terrain » sur différentes célébrités ou différents sujets « avant de poursuivre d’autres objectifs avec ce réseau [de bots] à l’avenir », résume Rolling Stone. D’après Georgia Paul, qui travaille pour GUDEA et est citée par le média américain, des « acteurs malveillants » derrière ces comptes pourraient être tentés d’aller plus loin : « Si je peux influencer les fans de Taylor Swift, une icône qui est en quelque sorte une figure politique, cela signifie-t-il que je peux le faire ailleurs ? ».
Si le mystère plane sur la ou les personnes derrière cette campagne calomnieuse, leur méthode visant à susciter des réactions avec des publications farfelues ou volontairement énervantes est parfaitement identifiée… et pourrait devenir de plus en plus utilisée. Le rapport 2025 de la société de cybersécurité Imperva publié en avril dernier constatait que 51 % du trafic internet était généré par des robots. Un chiffre impressionnant et dont la hausse est inquiétante : les automates ne représentaient que 27 % du trafic il y a dix ans.
Il y a bien une leçon à tirer de cet emballement absurde autour du nazisme de Taylor Swift. La prochaine fois qu’un contenu grotesque vous énerve sur les réseaux sociaux, tournez sept fois votre pouce au-dessus du clavier avant de répondre, rien ne sert de débattre avec un robot dont la mission est de vous provoquer.
Maxime Dhuin