
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Montevideo lors de la signature de l’accord UE-Mercosur, le 6 décembre 2024
L’accord UE-Mercosur signé par la présidente de la Commission européenne aura au moins ceci de positif : il démontera aux Français, pour ceux qui ne savaient pas ou en doutaient encore, que la France n’est plus souveraine, que la politique de la France se fait non à Paris, mais à Bruxelles et Berlin. L’Allemagne s’est félicitée d’un « coup de pouce nécessaire» pour son économie ». À Montevideo, la Teutonne von der Leyen était en mission pour l’industrie allemande, pas pour les agriculteurs français dont elle n’a que faire. Rappelons que, le 27 novembre dernier, les eurodéputés français issus des rangs des Républicains et la macronie élargie ont voté comme un seul homme pour la reconduction de der Leyen à la tête de la Commission :
Cela dit, pas de panique : les institutions européennes prévoient une minorité de blocage pour tout traité international, constituée d’au moins quatre pays regroupant au moins 35 % de la population des Vingt-Sept. La France, la Pologne, l’Italie, qui ont déclaré leur opposition « en l’état » au traité, regroupent 37 % des 448 millions d’habitants de l’Union. « Reste » à trouver un quatrième partenaire. On peut compter sur la diplomatie berlinoise pour s’assurer qu’aucun des 24 autres pays ne rejoindra le groupe du non. Mais, même si elle est encore loin d’être gagnée, la partie est à priori jouable. On mesurera ce qu’il reste d’influence à la France en Europe à sa capacité à « débaucher » un quatrième larron.
En Allemagne, c’est l’euphorie. L’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur après 25 ans de tractations va ouvrir la voie à près de 300 millions de nouveaux consommateurs à une industrie en berne depuis les calamiteuses sanctions que Washington a imposées à ses vassaux européens dans l’affaire ukrainienne – sans parler de la destruction du gazoduc NordStream par les services étasuniens et ses sous-traitants, une catastrophe pour l’Allemagne dont l’industrie biberonnait au gaz russe.
Il n’y avait plus que les Français – heureusement de moins en moins – pour croire encore au « couple » franco-allemand. « La Grande-Bretagne n’a pas d’alliés, elle n’a que des intérêts » aurait déclaré en son temps Winston Churchill. Un principe que, depuis Bismarck, l’Allemagne s’est toujours scrupuleusement appliquée à elle-même.
Près de 12 500 PME allemandes exportent vers les pays du Mercosur rappelle la Chambre de Commerce et d’industrie allemande, se félicitant de l’accord signé pour les 244 000 emplois qui dépendent en Allemagne des marchés sud-américains.
« C’est un signal important en direction de Trump. Il renforce l’Europe face à la concurrence de la Chine », ajoute la chaîne publique ARD. À part les fédérations agricoles et les défenseurs de l’environnement, rares sont les commentaires négatifs Outre-Rhin.
Cet accord « donne un coup de pouce de croissance absolument nécessaire pour l’économie allemande et européenne », selon le président de la Fédération des industries allemandes (BDI), Siegfried Russwurm, qui a salué « une très bonne nouvelle pour nos entreprises ».
L’Allemagne, avec l’Espagne, a poussé côté européen pour finaliser les discussions sur cet accord commercial avant l’arrivée en janvier de Donald Trump à la Maison Blanche et ses menaces d’augmentation des droits de douane tous azimuts.
L’accord avec le Mercosur fait en particulier que les entreprises européennes « économiseront environ quatre milliards d’euros par an en droits de douane », a souligné Siegfried Russwurm.
« Ursula von der Leyen prend un grand risque politique », souligne toutefois le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, pour qui la présidente de la Commission a « profité de la faiblesse actuelle du président Macron » pour faire passer l’accord en force. Le président français avait redit lors d’un appel téléphonique jeudi matin à Ursula von der Leyen que le projet d’accord commercial était « inacceptable en l’état », a affirmé l’Élysée. « Nous continuerons de défendre sans relâche notre souveraineté agricole », a ajouté la présidence française sur X.
Der Leyen a payé son passage en force de l’annulation d’un week-end touristique à Paris : Macon l’a en effet retirée en dernière minute de la liste des invités pour la réouverture de Notre-Dame ce samedi. La Teutonne s’en remettra : « le Mercosur vaut bien une messe »…
Henri Dubost