
Une « petite honte ». Au détour d’un entretien avec la maison d'édition Verso Books, mis en ligne sur YouTube le 26 juin, Jean-Luc Mélenchon a avoué ressentir un semblant de culpabilité. Coupable d’alimenter le racisme et l’antisémitisme ? Coupable d’appeler au Grand Remplacement ? Coupable d’avoir, dans les rangs de son parti, des délinquants notoires ? Non. La « petite gêne » du tribun d’extrême gauche est ailleurs : il a honte de ne pas savoir parler arabe. « Mon père parlait l’arabe, ma grand-mère parlait l'arabe, tout le monde parlait l'arabe, à la maison !, a-t-il affirmé, se remémorant avec émotion ses jeunes années vécues au Maroc. Maintenant, ma sœur aînée et moi ne le parlons pas, ce qui nous fait une petite honte à tous les deux parce qu’on aimerait bien le parler... Mais je me dis que peut-être j'aurai encore le temps de l'apprendre. » Ouf ! l’honneur est sauf.
Quelques jours avant la publication de cette interview – dans laquelle il affirme aussi être « un agent de submersion migratoire » – Jean-Luc Mélenchon avait tenu d’autres propos de la même farine lors d’une conférence sur la situation géopolitique au Proche-Orient. Il avait raillé l’Histoire médiévale française et fait au contraire l’apologie des pays arabes qui auraient « inventé les maths » et tout appris aux Européens en matière d’architecture. Le septuagénaire aurait-il préféré appartenir à une autre civilisation ? Est-il honteux d’être un homme blanc et d’avoir le français pour langue maternelle ? On peut se le demander.
L’arabe, une « chance pour la France » ?
Ce jeudi 26 juin était aussi le jour de sortie du nouveau livre de Jack Lang, intitulé La Langue arabe, une chance pour la France (Gallimard). « Il est temps de replacer l’arabe là où il n’aurait jamais dû disparaître : dans les salles de classe, dans les bibliothèques, dans les conversations », nous exhorte ainsi celui qui préside l'Institut du monde arabe, à Paris, depuis 2013.
Il est intéressant de noter que le même Jack Lang avait publié, en 2020, un premier livre sur le sujet, La Langue arabe, trésor de France (Le Cherche-Midi). Il y plaidait pour un meilleur enseignement à l’école de ce dialecte qui « appartient aujourd'hui à notre patrimoine culturel » mais qui continuerait, hélas, de souffrir d’« idées reçues » et d’une « résonance sulfureuse »…
L’obsession de la langue arabe et la pression exercée pour imposer son enseignement à l’école sont désormais monnaie courante dans le débat public. En 2019, la Cimade avait organisé dans les établissements de l’académie de Rouen un magnifique concours « orienté vers tous les élèves du secondaire et tourné sur le nombre considérable de mots arabes dans notre langue parce que ces mots : près de 500 ! Oui, 500 mots, plus que de mots gaulois ! » Ben voyons ! Et l’association pro-migrants d’ajouter : « L’objectif du concours était de rendre à la langue arabe ce qui lui appartient et […] de rendre à nos élèves arabes cette fierté de savoir combien leur langue est riche et créative ».
Un objectif partagé par l’ex-humoriste de France Inter Guillaume Meurice qui, en octobre 2020, avait profité d’une de ses chroniques pour s’extasier des « 400 mots d’origine arabe » qu’on utilise dans notre langue française tous les jours. « On peut parler d’un Grand Remplacement des voyelles et des consonnes », lançait-il.
L’apprentissage de l’arabe comme technique de survie ?
Ces derniers temps, la langue arabe ne nous est plus seulement présentée comme une composante de l’identité française ; elle serait désormais une nécessité quasi vitale. Une des recommandations farfelues du rapport sur les Frères musulmans, dévoilé en mai 2025, était ainsi de faciliter l’apprentissage de l’arabe à l’école française. Dans la foulée, le sulfureux essayiste Hakim El Karoui en a profité pour s’engouffrer dans la brèche et affirmer que « ceux qui s’opposent à l’arabe au nom de la lutte contre l’intégrisme finissent par renforcer celui-ci ». « En n'ouvrant pas des classes d’arabe, on ouvre des places dans les mosquées », a-t-il encore prétendu.
Renforcer le multiculturalisme afin de mieux lutter contre l’islamisation de notre pays… cherchez l’erreur.
Mais cette rhétorique perverse fait malheureusement des émules. En janvier dernier, l’ancien ministre de la Santé tunisien, Mohamed Salah Ben Ammar, a signé dans les colonnes du Monde un article déplorant la « marginalisation de la langue arabe en France » et assurant que l’enseignement de l’arabe pourrait être un efficace « vecteur d’intégration » pour les populations du Maghreb. Emmanuel Macron lui-même n’avait pas dit autre chose lorsque, en 2020, il avait fait de cet enseignement l’un des axes de sa lutte contre « le séparatisme ».
Et si le meilleur moyen de lutter contre les fractures de notre pays était plutôt de renforcer l’enseignement de la langue, de la culture et de l’identité françaises ?
Jean Kast