
L’Algérie accepte de libérer Boualem Sansal pour satisfaire une demande de grâce formulée... par l’Allemagne !
Boualem Sansal libéré ! Alors que ses supporters, en particulier son comité de soutien, voyaient arriver avec tristesse le premier anniversaire de son emprisonnement (il avait été arrêté le 16 novembre 2024), la présidence algérienne a annoncé, ce 12 novembre, qu’elle gracie l’écrivain et le libère. Il est vrai qu’à 80 ans et malade, Sansal était un prisonnier que l’Algérie n’avait pas intérêt à garder trop longtemps sous les verrous.
Boualem Sansal avait été condamné à cinq ans de prison ferme pour « atteinte à l'unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques de nature à nuire à l'économie nationale » et « détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». Étant gracié par le magnanime Tebboune, il reste coupable de ces crimes auxquels personne n’a jamais cru. Mais qu’importe : l’écrivain est libre, il va retrouver sa famille et être en mesure de se soigner comme il le faut. L’heure est à la joie - hormis, peut-être, pour la gauche en général et les députés LFI en particulier, qui avaient refusé, au Parlement européen comme à l’Assemblée, de voter des résolutions de soutien en sa faveur.
Humiliation systémique de la France
Depuis un an, la honte aurait dû revenir à la « République démocratique et populaire d’Algérie » qui retenait captif un écrivain. En réalité, la captivité était un caillou dans la botte du gouvernement français. Notre diplomatie semblait singulièrement - en tout cas, apparemment - inefficace, muette ou inécoutée. On pouvait toujours prétendre agir dans le secret des cabinets et des réseaux : au grand jour, aucune avancée ne se constatait. Les rodomontades de Bruno Retailleau ne changeaient rien à ce curieux rapport de force : la France, sixième puissance mondiale, en position de faiblesse face à la soixante-dix-huitième.
Que s’est-il passé ? Histoire d’enfoncer le clou, l’Algérie accepte de libérer Boualem Sansal… pour satisfaire une demande de grâce formulée par l’Allemagne il y a deux jours ! Et c’est un avion allemand qui va ramener l’écrivain en Europe, ce mercredi soir. C’est, explique la présidence algérienne, en raison de la nature et des « motifs humanitaires » de la demande allemande qu’elle a accepté d’y donner suite.
Emmanuel Macron, formulant une demande semblable lors d’un appel téléphonique à Tebboune le 31 mars 2025, avait été moins heureux en quémandant « un acte de clémence et d’humanité ». La France, son Président et ses ministres auront été humiliés par l’Algérie à chaque étape de cette histoire. Une humiliation systémique… « Qu’aurait fait Trump ? », s’interrogeait Marc Baudriller. Trump n’a même pas eu à intervenir. Il a suffi d’un Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale d'Allemagne, pour obtenir plus que Macron n’aura jamais reçu. Et peut-être - ce que l’Algérie ne reconnaîtra jamais, ni le gouvernement français - le vent du boulet de la remise en cause des accords de 1968, grâce au Rassemblement national il n’y a pas quinze jours…
« Le Soljenitsyne du XXIe siècle »
Mais on connaît la suffisance de notre Président et, d’une façon générale, celle de notre personnel politique. Attendons-nous à ce qu’ils s’attribuent tous les mérites de l’opération, une fois passé un délai décent. Peut-être joueront-ils la carte européenne : s’il n’y avait pas l’Union européenne, Sansal n’aurait jamais été libéré, etc. Pour le moment ni Gérald Darmanin, ni Jean-Noël Barrot, ni Emmanuel Macron n’ont réagi à l’annonce, alors qu’à droite, les publications enthousiastes se multiplient. Bruno Retailleau ayant tweeté le 10 novembre à propos de la libération de Nicolas Sarkozy, on attend impatiemment sa réaction à cette autre libération qui ne saurait lui être comparée.
« Boualem Sansal, c’est le Soljenitsyne du XXIe siècle et du Maghreb », expliquait Gabrielle Cluzel. Comme Soljenitsyne, le voilà libre. Et quand on se souvient de la force du message du dissident russe sorti du goulag, l’on se dit qu’il faudra écouter attentivement ce que Boualem Sansal aura à dire à l’Occident.
Samuel Martin