HISTOIRE - 4 septembre 1870, naissance de la « République des francs-maçons »

« Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République. » (Georges Clemenceau)

Proclamation de la République française par Gambetta devant le Palais du Corps législatif à Paris le 4 septembre 1870.

Dans le contexte actuel, la citation de Clemenceau ci-dessus me semble de circonstance. « Le Tigre », bien que laïcard et républicain forcené, reste un grand Français. De plus, il avait de l’humour et le sens de la formule, ce qui est assez rare chez les gens de gauche. Sa critique de la présidence de la République peut cependant faire sourire si l’on veut bien se souvenir qu’il se présenta à l’élection présidentielle de janvier 1920. Mais ses ennemis, à gauche comme à droite, le feront battre. On lui reprochait les négociations autour du Traité de Versailles. Pour ses opposants, il avait gagné la guerre mais pas la paix. Ils le surnommaient « Perd-la-Victoire ». Certains craignaient qu’il n’utilise sa popularité pour renforcer considérablement les pouvoirs présidentiels. La droite ne pardonnait pas l’anticléricalisme de celui que Léon Daudet, l’une des meilleures plumes de « L’Action Française », appelait le « Vendéen rouge ». Quant aux socialistes, ils le percevaient encore comme le « premier flic de France » et le briseur de grèves qu’il avait été avant guerre. Le 16 janvier 1920, Paul Deschanel arrivait en tête du vote préparatoire des républicains, avec 408 voix contre 389 pour Clemenceau. Le lendemain l’Assemblée nationale élisait Deschanel, seul candidat déclaré, par 734 voix (84,6 % des suffrages exprimés). Mauvais perdant, Clemenceau refusera de féliciter le nouveau président élu. Paul Deschanel, c’est ce président qui grimpait aux arbres. Le 23 mai 1920, il chutait d’un train et un cheminot le retrouvait, hagard et légèrement blessé, le long de la voie ferrée. Paul Deschanel sera président de la République durant à peine quelques mois, du 18 février au 21 septembre 1920, ce qui ne l’empêchera pas de faire ensuite une belle carrière de sénateur.

Mais venons-en à mon sujet du jour : l’anniversaire de l’instauration de la IIIe République.
Quand j’étais gosse, nous habitions « rue du 4 septembre », à Tarbes où mon père était militaire. J’ai donc su assez tôt à quoi correspondait cette date dont les livres d’histoire parlent peu : l’instauration de la IIIe République – celle qu’on appellera, à juste titre, « la République des francs-maçons » – après la chute du second Empire, le 4 septembre 1870. On considère cette date comme la quatrième révolution française, après celle de 1789, de 1830 et de 1848. Une révolution qui n’en est pas une même si, comme celle de 1789, elle est née dans les Loges maçonniques. Un putsch sans victime, un peu comme celui de Bonaparte le 18 brumaire, comme le 13 mai 1958, date du retour au pouvoir de « L’ermite de Colombey », ou encore l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 (1). Dans les trois cas, il s’agissait d’une manipulation, d’un enfumage, d’une duperie.
Situons le contexte car il démontre la versatilité du peuple et, par certains aspects, il n’est pas sans rappeler notre époque décadente. Encore qu’en cette moitié du XIXe siècle, la France était encore une grande puissance, mais déjà sous la coupe des dynasties bourgeoises.

En mai 1870, le Second Empire apparaît très fort. Les Français approuvent largement, par le plébiscite du 8 mai, les réformes libérales entreprises par Napoléon III (avec 7 millions de « oui »). Le 30 juin, Émile Ollivier, chef de cabinet de l’Empereur déclare : « À aucune autre époque le maintien de la paix en Europe n’a été plus assuré… ». Mais les tensions avec la Prusse sont ravivées quand le Prince Léopold de Hohenzollern se porte candidat, le 21 juin 1870, au trône d’Espagne, vacant depuis deux ans. Connue à Paris le 5 juillet, sa candidature provoque un choc : il est le cousin du Roi de Prusse, Guillaume 1er. La France, qui entend défendre ses frontières, ne peut accepter une situation d’encerclement proche de celle de l’époque de Charles Quint. Le 6 juillet, le ministre des affaires étrangères, Agénor de Gramont, lance un ultimatum à la Prusse. Les députés, la presse et l’opinion publique approuvent sa position. Bel exemple de consensus et d’unité nationale !
Le retrait de la candidature du Prince Léopold, le 12 juillet 1870, n’apaise pas les tensions.
Avec le soutien de l’Impératrice Eugénie, les députés bonapartistes ultras font pression pour que la France exige une renonciation définitive de la part du Roi de Prusse. Ce dernier confirme la renonciation de son cousin mais refuse de se soumettre à l’exigence française. Pour le chancelier Bismarck, une guerre contre la France serait le moyen de parachever l’unification allemande.

Il fait publier dans la « Dépêche d’Ems » une version très dédaigneuse de la réponse polie qu’avait faite le Roi Guillaume 1er. Celle-ci est perçue comme une insulte par l’opinion publique française qui aussitôt s’enflamme. Napoléon III, bien que favorable à la paix (2), se laisse entraîner vers la guerre. En dehors d’Alphonse Thiers et Léon Gambetta, rares sont les voix discordantes. Les crédits militaires sont votés et la déclaration de guerre est remise à la Prusse le 19 juillet. Moins bien préparée que l’Armée prussienne (et inférieure en nombre), l’Armée française va connaître une véritable déroute. Le 3 août, le général prussien Helmuth von Moltke donne l’ordre à ses troupes de franchir la frontière. Les Français, battus six jours plus tard à Frœschwiller-Wœrth, doivent se replier. La nouvelle de cette défaite est reçue à Paris avec stupeur et colère. Bazaine, commandant en chef de l’Armée du Rhin, est encerclé dans Metz le 19 août avec la moitié des troupes françaises.

L’Empereur songe à se replier sur Paris mais, sous la pression de l’Impératrice, il marche au secours de Bazaine avec l’Armée de Châlons commandée par Mac-Mahon. Ses troupes sont encerclées dans Sedan et l’Empereur capitule le 2 septembre. Dans l’après-midi du 3, par une dépêche, Napoléon III annonce à sa femme sa capture et la cuisante défaite de Sedan. L’impératrice, résignée, fuira son domicile deux jours plus tard. Son exfiltration sera organisée à la hâte, le 5 septembre au matin.
Passons sur les grenouillages de toute la classe politique durant la nuit du 3 au 4 septembre ; ce serait difficile à résumer en quelques lignes, et même en quelques pages.

À la nuit tombante, des rassemblements se forment dans les boulevards parisiens. La colère des Parisiens s’exprime surtout à l’encontre de Napoléon III, accusé de lâcheté et de traîtrise. La foule se presse sur la place de la Concorde, dans l’espoir que le Corps Législatif prononce la déchéance de l’Empereur. Ce sont les mêmes qui ovationnaient Napoléon III quelques mois plus tôt. Les Parisiens ne changent pas ; leurs aînés, le 4 août 1789, acclamaient le bon Roi Louis XVI nommé « Restaurateur de la Liberté française » puis le guillotinaient le 21 janvier 1793 ; leurs descendants applaudissaient le maréchal Pétain en mai 1944 et trois mois plus tard, ils faisaient un triomphe à De Gaulle devant Notre-Dame de Paris. Comme disait Edgar Faure : « Ce n’est pas la girouette qui change de sens, c’est le vent ! ». Peuple naïf, immature, influençable, manipulable et versatile !

Au matin du 4 septembre, les Parisiens découvrent la déclaration du Conseil des ministres placardée sur des bâtiments publics. « Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie sont déclarés déchus du pouvoir. Il sera nommé par le Corps Législatif une commission… investie de tous les pouvoirs… et qui aura pour mission de résister à outrance à l’invasion et de chasser l’ennemi du territoire… ».
Les journaux – qui, déjà à l’époque, étaient des outils de manipulation et non d’information – avaient exhorté la foule à venir nombreuse devant le Palais Bourbon pour exiger la déchéance de l’Empereur. Les manifestants se scindent en deux cortèges ; l’un conduit par Jules Ferry et Jules Favre, à pied, sur la rive droite, l’autre dans le sillage de Léon Gambetta, qui se déplace en calèche, sur la rive gauche. Tous se rejoignent devant l’hôtel de ville vers 16 heures. Les députés républicains prennent une série de décisions dans l’urgence. Étienne Arago, très populaire, est nommé maire de Paris. Le député Ernest Picard rédige une proclamation qui est imprimée et placardée au plus vite :
« Français ! Le Peuple a devancé la Chambre, qui hésitait. Pour sauver la Patrie en danger, il a demandé la République… La République a vaincu l’invasion en 1792, la République est proclamée. La Révolution est faite au nom du droit, du salut public. Citoyens, veillez sur la Cité qui vous est confiée ; demain vous serez, avec l’Armée, les vengeurs de la Patrie !… ». Le texte est signé par toutes les grandes figures républicaines : Jules Favre, Jules Ferry, Léon Gambetta, etc. Peuple manipulé ! C’est l’image d’une journée de liesse qui ressort des témoignages des contemporains du 4 septembre 1870. « Une révolution joyeuse sans barricades ni sang versé ». Au lendemain de l’annonce de la défaite humiliante de Sedan, le peuple salue la chute d’un Empire dont les insignes sont arrachés et détruits sur les bâtiments publics. Vae victis ! L’écrivain Jules Barbey d’Aurevilly en fait le récit :
« Je n’ai quitté le boulevard qu’à une heure du matin. Quel spectacle ! Quelle légèreté de la tête française ! On aurait dû y pleurer de rage en pensant à nos pauvres soldats égorgés et dont les fleuves roulent, en ce moment, les cadavres. Eh bien, on ne pleurait pas, on n’avait pas de colère, on était dans le délire de la joie ! Ce n’étaient que cris de vive la République ! On ne disait plus même, vive la France !… ». Sous Emmanuel Macron, on ne dit plus « Vive la France ! » ; bis repetita !

Le 4 septembre au soir, la farce est jouée, l’Empire n’est plus ! Ces messieurs vont pouvoir se répartir les postes. Toutes les nuances politiques, du centre à la gauche, seront représentées dans ce nouveau gouvernement qui prend le titre de « Défense Nationale » (3). Le Conseil des ministres rassemble des hommes allant de l’extrême-gauche (Rochefort) à l’orléanisme (Trochu) en passant par les républicains modérés (Picard et Simon) et les républicains intransigeants (Gambetta, Ferry, Crémieux), Jules Favre conciliant ces deux dernières tendances.

Dès ses premiers jours d’exercice, le gouvernement se consacre à la mobilisation de tous les hommes en âge de se battre, dans la mesure où les troupes françaises, décimées par la défaite de Sedan, doivent contenir l’avancée des troupes prussiennes qui menacent Paris. Sa population, qui doit affronter le chômage, la hausse des prix des denrées alimentaires, puis le froid et la famine au cœur de l’hiver, résiste mais elle s’épuise, d’autant plus que les Prussiens bombardent la capitale à partir du 5 janvier 1871. Jules Favre entame les pourparlers d’un armistice signé le 26 janvier. Gambetta s’y oppose et démissionne le 6 février… À Paris, la situation va dégénérer en une guerre civile. La « semaine sanglante », du dimanche 21 au dimanche 28 mai 1871, sera l’épisode final de la « Commune de Paris » au cours de laquelle l’insurrection sera réprimée dans le sang. Mais ceci est une autre histoire, qui serait bien trop longue à raconter ici.

La IIIe République va durer 70 ans, de 1870 à 1940. On lui doit, entre autres, le scandale de Panama, l’affaire des fiches du général André, le trafic de décorations de Jules Grévy, la loi scélérate de 1905 (et le climat de guerre civile des inventaires), les échecs sanglants du début de la grande saignée de 14-18, la faillite de la banquière Marthe Hanau et celle de l’escroc Alexandre Stavisky – qui provoquera les émeutes du 6 février 1934 – et les mesures sociales du « Front Populaire » qui sont en partie responsables de notre mémorable « raclée » de juin 1940.

Cette liste n’est pas exhaustive – loin s’en faut ! – mais je m’autorise à faire un parallèle avec notre époque, juste pour faire remarquer que, dans notre histoire, depuis la Révolution, les Loges maçonniques ont toujours eu l’art de tirer les ficelles, grenouiller, manipuler le peuple, et déstabiliser le pays pour favoriser leurs visées mondialistes. Cependant, je ne saurais vous dire s’il y a autant de « frères la gratouille »(4) que d’invertis autour d’Emmanuel Macron car les frères-maçons se veulent discrets ; chez eux il n’existe pas de « coming-out ».

Eric de Verdelhan

1)- Trois coups d’État réussis grâce à la finance apatride et aux « forces occultes ».
2)- Et qui souhaite l’organisation d’un congrès pour régler le différend franco-prussien.
3)- Toutes, à l’exception des bonapartistes libéraux.
4)- On doit cette formule amusante à François Mitterrand.

Date de dernière mise à jour : 05/09/2025

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