POLITIQUE - Vincent Jeanbrun : derrière le masque LR, l’archétype des poncifs de gauche

Le nouveau ministre du Logement est aussi visé par une enquête pour prise illégale d'intérêts.

Vincent Jeanbrun et Mathieu Lefèvre : deux députés du Val-de-Marne nommés  ministres | Citoyens.com

Le député LR du Val-de-Marne, Vincent Jeanbrun, a intégré le gouvernement de Sébastien Lecornu en devenant, dimanche soir, ministre du Logement. En défiant Bruno Retailleau et le Bureau politique LR qui avait voté, le 10 octobre, contre la participation des Républicains au gouvernement. L’élu du Val-de-Marne a aussitôt été exclu de son parti avec les cinq autres ministres issus des Républicains à détenir un maroquin. « Les membres LR qui ont accepté d’entrer au gouvernement ne peuvent plus se réclamer de LR. Ils cessent immédiatement leurs fonctions dans nos instances dirigeantes que nous réunirons dans les tout prochains jours pour statuer de manière définitive », expliquait un communiqué des Républicains paru quelques heures après l’annonce de la composition du gouvernement.

Ces derniers jours, Vincent Jeanbrun n’avait pas hésité à faire des pieds et des mains pour s’attirer les bonnes faveurs d’Emmanuel Macron et de son nouveau Premier ministre. « En renommant Sébastien Lecornu, le président de la République donne une chance à la stabilité réagissait-il, sur X. Le Premier ministre doit maintenant bâtir un compromis pour doter la France d'un budget. C'est notre première urgence. Elle est vitale. Tous les parlementaires doivent être à la hauteur. »

Le lendemain de sa nomination, c’est à L’Haÿ-les-Roses que le chef du gouvernement effectuait son premier déplacement dans un commissariat. Une ville dont Vincent Jeanbrun fut maire pendant dix ans, avant de devenir parlementaire en 2024.

Une enquête pour prise illégale d'intérêts

Après ce transfert avec armes et bagages vers le dernier carré macroniste, Vincent Jeanbrun ne semble pas étouffé par le scrupule. Un trait de personnalité. Le désormais ministre du Logement est visé par une enquête ouverte en 2024 pour prise illégale d’intérêts. Le maire qu’il était est soupçonné d'avoir attribué des logements appartenant à un syndicat intercommunal à deux de ses collaborateurs. En l’occurrence, deux maisons de 150 m2 permettant de loger ses directeur et chef de cabinet avec un loyer de 750 euros par mois, soit un tarif « cinq fois en deçà du prix du marché », explique Anticor, l'association de lutte contre la corruption à l’origine du signalement.

L’homme appartient à cette frange des Républicains pour qui le mot « droite » recouvre un sens tout relatif. Tout en se réclamant à cor et à cri du gaullisme, Jeanbrun multiplie les propos qui en font l’archétype du macroniste adepte du sans-frontiérisme et de l’asservissement au politiquement correct. L’homme de 41 ans s’était fait connaître par l’agression dont lui et sa famille furent victimes, lors des émeutes de juillet 2023, après la mort de Nahel. Le domicile de l’édile avait été attaqué par les émeutiers à la voiture-bélier, alors que sa femme et ses deux enfants y dormaient, mais Vincent Jeanbrun avait bien pris soin de ne surtout pas faire d’amalgame et de ne pas céder aux tentations du repli sur soi et de la xénophobie. « On ne peut pas dire que je n’ai pas de colère, mais je n’ai pas de haine, réagissait-il. Ma colère ne mènera pas à la violence, au contraire. Ce que je veux, c’est la paix. »

En revanche, il n’avait pas de mots assez durs vis-à-vis d’Éric Ciotti lorsque, un an plus tard, celui-ci, alors président des Républicains, décidait de faire alliance avec le Rassemblement national pour les législatives. Vincent Jeanbrun écumait alors les plateaux de télévision pour exprimer, avec une « boule dans la gorge », sa « rage » et son « dégoût » du député des Alpes-Maritimes dont il exigeait la démission : les seuls mots que lui inspirait Éric Ciotti étaient « trahison, capitulation et soumission ».

Contre la préférence nationale

Le député à l’Assemblée nationale use d’un verbiage qu’on pensait réservé à la gauche multiculturaliste. À un député RN qui défendait le principe de la préférence nationale, chère au parti de Marine Le Pen, dans le domaine des logements sociaux, Vincent Jeanbrun répliquait qu'il était naturel de permettre aux étrangers d’en bénéficier : « La question est de savoir si [les étrangers] travaillent, sont utiles à notre pays, et non pas de savoir quel est leur arbre généalogique », affirmait-il, avant de sortir les violons : « Attention à ne pas fermer ce qui fait la beauté de notre République, à savoir qu’elle est universaliste et qu’elle regarde comment vous agissez et non pas d’où vous venez. »

Alors que Bruno Retailleau lui reprochait d’accueillir Sébastien Lecornu dans sa ville de L’Haÿ-les-Roses, le député du Val-de-Marne répliquait : « J'ai été choqué [...] ce qui s'est passé ce matin, c'est digne de l'URSS. On va devoir dire les choses à Bruno Retailleau, c'est honteux. » En matière soviétique, le parlementaire en connaît effectivement un rayon. En juin, il déposait une proposition de loi visant à « interdire et sanctionner les contenus et discours à caractère anti-républicain ». Si, de prime abord, c’est la lutte contre le frérisme qui motive le parlementaire, on imagine aisément les dérives possibles d'une telle loi dans le domaine de la liberté d’expression et face à tous ceux qui s’opposent à la doxa officielle. Équilibre difficile à tenir. Dénoncer l’islamisme et ses méfaits et ménager un électorat communautarisé. L’homme devait être président de la commission d’enquête parlementaire sur les liens entre les partis politiques et l’islamisme. Une place qu’il laisse vacante. Peut-être un homme de droite au sein des Républicains le remplacera-t-il.

Yves-Marie Sévillia

Date de dernière mise à jour : 14/10/2025

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