
Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, grand défenseur de la « solution à deux États »
La France et 14 nations occidentales ont lancé un « appel collectif » aux autres pays du monde à exprimer leur volonté de reconnaître un État de Palestine, a indiqué, mercredi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Un appel lancé à l’issue d’une conférence ministérielle à l’ONU pour une « solution à deux États » afin, prétendument, de « sortir du conflit israélo-palestinien ».
Outre la France, deux membres du G20, le Canada et l’Australie, font partie de l’appel. Les autres pays signataires sont Andorre, Finlande, Islande, Irlande, Luxembourg, Malte, Nouvelle-Zélande, Norvège, Portugal, Saint-Marin, Slovénie et Espagne.
Neuf d’entre eux qui n’ont pas pour l’instant reconnu l’État palestinien « expriment la volonté ou la considération positive de leur pays » à le faire : Andorre, Australie, Canada, Finlande, Luxembourg, Malte, Nouvelle-Zélande, Portugal et Saint-Marin.
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a de son côté annoncé, mardi, que le Royaume-Uni reconnaîtrait la Palestine « sauf prend des mesures substantielles pour mettre fin à la situation épouvantable à Gaza ». Keir Starmer appelle Israël à « conclure un cessez-le-feu, s’engager à ne pas annexer la Cisjordanie et à accepter un processus de paix à long terme visant à une solution à deux États« .
La semaine dernière, Emmanuel Macron avait annoncé que la France reconnaîtrait officiellement un État de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.
Cet appel des 15 pays a été lancé publiquement à la fin d’une conférence ministérielle qui s’est tenue lundi et mardi à New York, à l’initiative de la France et de l’Arabie saoudite qui tentent de maintenir en vie la « solution à deux États » pour sortir du conflit israélo-palestinien.
Or cette « solution à deux États » se heurte à une dure réalité : celle de la démographie.
L’Israël actuel (qui exclut à priori les territoires théoriquement sous administration de l’autorité palestinienne (AP) : bande de Gaza et Cisjordanie), c’est une superficie de 20 770 km² pour une population de 9,2 millions d’habitants en 2023. Quant aux territoires administrés par l’AP, leur superficie est de 6 020 km² (Cisjordanie : 5 655 km² ; Bande de Gaza : 365 km²) pour une population de 5,4 millions d’habitants.
Les projections dans un quart de siècle (une génération) donnent 9 millions d’habitants pour les territoires palestiniens contre 13 millions pour Israël. À échéance de la fin du siècle (trois générations), on obtient respectivement 12,8 millions pour la Palestine et 18,5 millions pour Israël.
Les bonnes âmes qui prêchent la « solution à deux États » ne se sont manifestement jamais demandées comment faire coexister deux communautés de quelque 22 millions de personnes – voire 30 – qui se vouent une haine inexpiable, sur un territoire grand comme quatre départements français. Les raids musclés de Tsahal dans la bande de Gaza ne font que multiplier le nombre de terroristes palestiniens. Quant aux actions des colons israéliens en Cisjordanie, elles ne sont pas vraiment de nature à réconcilier les deux communautés.
La création du « Grand Israël » (« plan Oded-Yinon ») repose sur une double hypothèse : d’abord que les États-Unis sont disposés à prêter main-forte à leur « allié inconditionnel » et ensuite qu’ils seraient maîtres du jeu au Proche-Orient. Or selon une enquête du Pew Research Center menée en 2025, plus de la moitié des adultes américains (53 %) expriment une opinion défavorable d’Israël – une opinion très marquée chez les sympathisants démocrates, mais aussi républicains – ce qui représente une augmentation sensible par rapport aux 42 % enregistrés en mars 2022. Cette évolution reflète une tendance croissante à la critique envers Israël, influencée par divers facteurs, y compris les événements récents dans le conflit israélo-palestinien et les actions militaires israéliennes à Gaza.
Par ailleurs, les Brics+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Éthiopie, Iran, Émirats arabes unis et Indonésie), n’ont aucunement l’intention de laisser le champ libre aux États-Unis pour agir aux mieux des intérêts israéliens. Démographiquement et économiquement, les Brics+ dépassent le G7. Militairement, il est clair que les États-Unis hésiteraient à deux fois avant de se frotter au bloc Russie-Chine-Inde dans une guerre de haute intensité, compte-tenu des potentiels nucléaires en jeu. Le « plan Oded-Yinon » est donc définitivement passé dans les poubelles de l’histoire.
Une autre solution pour l’État hébreu serait l’annexion de la bande de Gaza et de la Cisjordanie et le transfert des populations palestiniennes vers les États arabes qui voudront bien les accueillir. À moins que l’Europe ne se dévoue pour prendre sur son sol, à ses risques et périls, une population de 5,4 millions d’individus. On se souviendra que le Liban, qui avant d’ouvrir généreusement ses bras à plusieurs centaines de milliers de Palestiniens, était un havre de paix et de prospérité (on l’appelait la « petite Suisse du Proche-Orient »), a sombré dans une terrible guerre civile dont il n’est jamais sorti.
La Jordanie a eu une politique expéditive vis-à-vis des Palestiniens qui s’étaient réfugiés sur son sol : l’expulsion manu militari, entre autres vers l’infortuné Liban…
L’écrivain franco-algérien Boulem Sansal rappelle que l’Arabe de la rue soutient sans conviction la cause palestinienne :
Les pays arabes se sont rapidement détournés des Palestiniens, les considérant comme des fauteurs de troubles, « des menteurs, des lâches. On va vous donner de l’argent et foutez-nous la paix ! » (sic). Il est un fait que les pays arabes ne souhaitent en aucune façon accueillir les Palestiniens, pour se retrouver dans la situation de la Jordanie et du Liban…
L’Europe de Bruxelles servira-t-elle de dégorgeoir à l’État hébreu ? Avec von der Leyen, Macron, Starmer, Merz et consorts, tout est possible.
Henri Dubost