
Contrainte par l’Europe de s’ouvrir à la concurrence, la SNCF vend des billets de la compagnie Transdev mais se refuse à en assurer le service et le suivi correctement auprès de ses passagers.
Cocorico ! Le 20 octobre, la SNCF annonce triomphalement prendre « sa revanche » (sic) sur Transdev, le premier opérateur privé français à transporter des voyageurs sur le réseau. L’usager, comme on dit à la SNCF (qui se refuse toujours à parler de clients), pense naïvement qu’on est en famille. Erreur : bien que Transdev soit codétenu à 34 % par la Caisse des dépôts, les personnels pensent sans doute que c’est la concurrence allemande, puisque l’actionnaire majoritaire est le groupe allemand Rethmann, qui détient 66 % des parts.
Quelle revanche ? Pour qui, sur quoi ?
Cocorico, donc, puisque la SNCF vient de remporter l’appel d’offre sur 5 lignes régionales dans le sud de la France, cela, pour une durée de dix ans à compter de décembre 2029. Il s’agit de : Marseille – Aubagne – Toulon – Hyères ; Marseille – Toulon – Les Arcs Draguignan ; Marseille Aix en Provence – Pertuis ; Marseille-Gap-Briançon, et Briançon – Gap-Valence - Romans.
Dans son communiqué, la SNCF chiffre le contrat à 1,8 milliard d’euros et assure qu’il permettra une augmentation de l’offre de 30 % afin de répondre « aux besoins croissants de mobilité sur le territoire ». Quiconque prend ces lignes vous le confirmera : voyager en train dans le Sud est une véritable galère, y compris d’ailleurs sur les lignes TGV qui affichent régulièrement des retards importants. On notera que, bizarrement, le retard est toujours contenu, à quelques minutes près, dans la limite horaire permettant le remboursement : soit 25 % du prix du billet pour un retard d'une à deux heures à l'arrivée et 50 % pour un retard supérieur à deux heures. Hélas, tenter de se faire rembourser est un tel parcours du combattant que la plupart des clients mal servis y renoncent.
Bref, savoir que la SNCF prend « sa revanche » laisse pour le moins perplexe quant au résultat. Perplexe, également, quant au motif puisque SNCF Voyageurs annonce que tout cela se fait « dans la perspective des JO d’hiver 2030 » et de l’avancement des travaux de la nouvelle ligne Provence-Côte d’Azur.
On vous a fait rater votre train ? Débrouillez vous !
Tout cela est grand et beau sur le papier, mais le voyageur, lui, aimerait juste qu’on lui fournisse le service pour lequel il a payé, et c’est là où ça coince.
Le jour où la SNCF se réjouissait de prendre sa revanche, des voyageurs ayant acheté leur billet Transdev auprès de la même SNCF se retrouvaient, une fois de plus, plantés sur un quai de la gare Saint-Charles à Marseille. En cause, un énième retard sur la ligne Marseille-Nice.
Le train quitte donc Toulon avec 20 minutes de retard. Il y aura très peu de temps pour changer de train et les annonces en gare pour Transdev ne sont pas faites. Lorsque, du fait du retard, les contrôleurs de la SNCF se renseignent auprès des voyageurs pour connaître leurs correspondances à Marseille, ils ignorent délibérément ceux qui voyagent sur Transdev et qui, bien sûr, vont rater leur train. La solution qui leur est proposée à la gare Saint-Charles est de racheter un billet – SNCF, bien sûr, tarif plein ! C’est un week-end de départ en vacances, tous les trains sont complets. Pas grave, dit le contrôleur : vous remontez à Paris et vous reprenez un train pour Bordeaux, quelqu’un peut bien venir vous chercher. Ben, oui, pardi : Bordeaux-Bayonne : 3 heures de route !
Le ton a monté si fort que la SNCF a finalement « offert » aux voyageurs Transdev une nuit à l’hôtel Ibis Saint-Charles, aux frais de Transdev, bien sûr. Voilà comment un trajet Toulon-Bayonne aura pris, au final… 25 heures !
On se gargarise de ce que Marseille serait « une ville stratégique pour le développement du rail européen ». On a salué l’arrivée, cet été, de l’Italien Trenitalia sur le trajet Paris-Marseille et, depuis deux ans, l’Espagnol Renfe relie Marseille à Madrid via Barcelone. Hélas, il n’y a pas que le matériel roulant à changer et le réseau à entretenir, il faudrait aussi réformer les personnels de la SNCF si prompts à dénoncer la concurrence, prétendument responsable du saccage de notre service public... si enviable !
Marie Delarue