
Quelques jours après l’adoption fracassante, à l’Assemblée nationale, d’une résolution du Rassemblement national visant à « dénoncer » l’accord franco-algérien de 1968, avec l'appui de voix LR et Horizons, on aurait pu s'attendre à ce que le nouveau ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, marche sur les pas de Bruno Retailleau. C'était oublier qu'il n'est que le fidèle serviteur de celui qui l'a fait préfet de police et ministre : Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui voulait se débarrasser de Retailleau et qui n'a absolument pas l'intention de dénoncer l'accord de 1968, comme le constate Patrick Stefanini, ancien conseiller de Retailleau, dans le JDD.
M. Nuñez veut renouer « le dialogue » avec Alger : ben voyons !
Le nouveau ministre de l'Intérieur a mis en garde, samedi 1er novembre, contre la méthode du « bras de fer » avec l’Algérie dans une interview au Parisien. Une interview publiée le jour anniversaire du début de la guerre d'Algérie et de la Toussaint rouge : chacun appréciera le symbole... Une interview que l'on qualifierait de surréaliste, si elle n'était pas tout bonnement scandaleuse. En grande partie consacrée au dossier algérien, jamais le nom de Boualem Sansal n'y est évoqué ! En revanche, toutes les cases de la soumission à l'Algérie sont cochées. Il prend ses distances par rapport au vote de l'Assemblée et prône une « coopération apaisée », aux antipodes de la « méthode brutale ». Selon lui, « Ça ne marche pas, dans aucun domaine. La preuve, puisque le canal est totalement coupé, aujourd’hui, avec Alger. Et ceux qui pensent qu’on peut se passer de relation sécuritaire avec ce pays nous mettent en danger. » L'argument est bien rodé : pour notre sécurité, nous aurions besoin de la coopération bienveillante d'Alger. Certes. Mais qu'est-ce à dire ? On aurait aimé qu'il développe. Si la coopération bienveillante avait porté des fruits, nous n'en serions pas là. Et, d'ailleurs, le vote historique de l'Assemblée traduit une prise de conscience, dans le pays et chez bien des parlementaires, que le problème algérien et la question de l'immigration algérienne en France ne se réduisent pas à cette coopération antiterroriste. Parmi les problèmes qu'il faudra bien traiter un jour : le cas, entre autres, des députés binationaux, plus enclins à défendre Alger que Paris...
Nuñez fait porter le chapeau à Retailleau !
Nuñez en profite pour faire porter le chapeau de la situation actuelle au seul Bruno Retailleau. Facile. N'y a-t-il pas un Président dans l'avion, depuis huit ans, et un Président qui s'est couché devant l'Algérie à de multiples reprises ? Toujours est-il que le ministre fait un état des lieux alarmant : « Que ce soit avec la DGPN (Direction générale de la police nationale), la DGGN (Direction générale de la gendarmerie nationale) et avec les services de renseignement, il n’y a plus d’échanges d’informations opérationnels. Et, par ailleurs, la conséquence est que l’Algérie n’accepte plus ses ressortissants en situation irrégulière depuis le printemps dernier. Nous n’avons plus, non plus, de laissez-passer. » Et pour les OQTF ? « Ça s’est dégradé très significativement à partir de mars-avril dernier. On a 500 éloignements forcés, fin octobre, vers l’Algérie, là où l’on comptait plus de 1.400 éloignements forcés, l’an dernier, sur la même période. »
Les délinquants algériens engorgent les centres de rétention !
Conséquence : les centres de rétention administrative sont engorgés. Et le ministre avoue placidement la triste réalité de la délinquance algérienne en France, bien connue par ailleurs, mais régulièrement mise sous le tapis : ces centres « sont occupés à plein avec des profils qui sont problématiques en matière de délinquance. 40 % des places sont occupées par des ressortissants algériens qu’on ne peut pas reconduire, faute de coopération avec leur pays. Résultat : on n’a pas assez de places pour accueillir l’ensemble des étrangers qu’on voudrait reconduire dans leur pays. » Il ne vient pas à l'idée du ministre qu'il faudrait peut-être, déjà, diminuer les entrées pour faire baisser son stock. Et pour les chiffres, autre scandale : selon un rapport de la Cimade paru en 2024, un tiers des retenus en centres de rétention administrative étaient algériens. Avec Macron, on est à 40 % ! Mais bien sûr, c'est la faute à Retailleau ! Pourtant, Laurent Nuñez est optimiste : « Le ministre de l’Intérieur algérien m’a récemment écrit pour m’inviter. » Nous voilà rassurés.
Frédéric Sirgant