
Ahmed al Ahmed, musulman chiite, 43 ans, est arrivé en Australie en 2006, fuyant la guerre civile en Syrie. Il est père de deux filles de 5 et 6 ans. Pour certains, il tiendrait un bureau de tabac. Pour d’autres, il serait plutôt marchand de fruits et légumes, l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre. Il a obtenu la nationalité australienne en 2022 après moult difficultés, son casier judiciaire n’étant pas forcément blanc-bleu (on y reviendra).
Dès qu’il a entendu des coups de feu et vu les premiers cadavres joncher le sol, Ahmed s’est planqué derrière une voiture. Le réflexe de survie normal. Il était à quelques mètres de l’un des tireurs qui lui tournait le dos. Il aurait pu rester là en espérant que le terroriste ne le remarque pas. Mais voilà que le terroriste s’arrête de tirer. Et Ahmed de penser qu’il avait vidé son premier chargeur, et que le temps qu’il recharge la bécane, il avait le temps de fondre sur l’homme et le neutraliser.
Certains médias ont affirmé qu’Ahmed n’avait jamais vu une arme à feu de sa vie. D’après sa mère, il a servi dans la police. Perso, je serai plutôt de l’avis de la maman. Quand on voit comment Ahmed a maîtrisé le mec et lui a arraché l’arme des mains, on peut supposer qu’il a fait autre chose dans son existence que vendre des fruits et légumes.
L’assaillant est parti tranquillement rejoindre son complice avant d’être abattu par la police. L’attentat n’a pas été officiellement revendiqué par Daech ou l’État islamique. Cependant, les deux assaillants étaient soupçonnés d’avoir des liens avec l’État islamique : des drapeaux de Daech ont été retrouvés dans leur véhicule, et le plus jeune des deux avait fait l’objet d’une enquête des services de renseignement australiens pour ses liens avec des membres de l’organisation terroriste. Ils forment le prototype des cellules dormantes de l’islamo-terrorisme, prêts à frapper des synagogues, des églises, des marchés de Noël… « Après le samedi vient le dimanche » dit un adage musulman bien connu…
Quoi qu’il en soit, l’acte est d’un courage inouï. Chapeau, Ahmed
Une fois les deux assaillants neutralisés par la police, le « héros de Bondi Beach » a été hospitalisé puis opéré. Il se trouve désormais dans un état stable mais doit subir de nouvelles opérations.
Sa bravoure, immortalisée dans une vidéo – il s’est trouvé un témoin pour filmer la scène de bout en bout – a été saluée par des milliers d’internautes.
Ahmed est depuis considéré comme un « héros » par la presse internationale et sur les réseaux sociaux. Il se trouvait avec son cousin près de Bondi Beach quand deux hommes – un père de 50 ans et son fils de 24 – ont ouvert le feu sur des membres de la communauté juive en pleine fête de Hanoukka. « On avait besoin d’un café », a raconté à la presse son cousin, Jozay Alkanj, avant d’ajouter : « C’était complètement dingue. On s’est mis derrière les voitures et on voyait des gens tirer tout près de nous. »
Impressionnés par son acte de bravoure, des milliers d’internautes ont souhaité le remercier et lui venir en aide en participant à une cagnotte en ligne qui comptabilisait, en moins de 24 heures, plus de 1 million de dollars.
Donald Trump a salué l’héroïsme d’Ahmed : « C’est une personne extrêmement courageuse qui a affronté l’un des tireurs et sauvé de nombreuses vies. J’ai un grand respect (pour lui). » Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a lui aussi félicité le héros tandis que le Premier ministre de l’État de la Nouvelle-Galles du Sud (dont Sydney est la capitale), Chris Minns, s’est rendu à son chevet à l’hôpital pour lui « transmettre les remerciements des habitants de toute la Nouvelle-Galles du Sud », a-t-il écrit sur X. Et d’ajouter : « Au milieu de toute cette horreur, au milieu de toute cette tristesse, il y a encore des Australiens merveilleux et courageux, prêts à risquer leur vie pour aider un parfait inconnu. »
Ahmed a pour sa part déclaré qu’il « n’avait fait que son devoir ». « Je suis infiniment redevable envers la nation australienne qui m’a admis en son sein »
Un immigré comme on les aime. L’antithèse de l’immigré parfait selon LFI : vindicatif, revanchard, hargneux envers sa communauté d’accueil.
Certes, tout n’est pas impeccable dans le parcours d’Ahmed. Son avocat, interrogé par la presse locale, a ainsi relaté les difficultés rencontrées par son client pour obtenir la citoyenneté australienne. Ahmed avait vu sa demande refusée en 2019 en raison de son inculpation pour possession de biens soupçonnés d’être volés. Les poursuites avaient cependant été abandonnées permettant à Ahmed d’obtenir la nationalité en 2022. « Nous avons fait appel jusqu’à la cour d’appel fédérale. C’est un homme très bien. Tous les migrants ne sont pas mauvais », a déclaré son conseil, Sam Issa.
Ahmed a plaidé coupable en 2022 de « plusieurs infractions mineures liées au tabac, notamment l’exhibition d’une pipe à méthamphétamine dans un magasin. Il a été condamné à une période de mise en liberté conditionnelle de 12 mois », précise la presse australienne. « Ahmed a également été reconnu coupable de possession d’une arme prohibée – un couteau – un an plus tard, mais aucune condamnation n’a été inscrite à son casier judiciaire », poursuit cette même source.
Son avocat, spécialiste du droit de l’immigration, estime qu’il reste « un excellent citoyen et qu’il a travaillé très dur ». Il a ajouté que les parents d’Ahmed se trouvaient en Australie depuis quelques mois et qu’il ferait tout son possible pour qu’ils obtiennent eux aussi la citoyenneté « en récompense des services rendus par leur fils en sauvant de nombreuses vies ».
Le couple, encore sous le choc, a été interrogé par les médias sur place. « Mon fils est un héros, il a servi dans la police et il a le réflexe de protéger les gens (…) Je suis tellement fière de mon fils », a déclaré son père. « Il a vu que des gens perdaient la vie, et quand ce type (le tireur, NDLR) n’a plus eu de munitions, il les lui a prises [il s’est emparé de l’arme, NDLR], mais il a été touché », s’émeut la mère d’Ahmed auprès de la chaîne australienne ABC. Très âgés, les parents ont expliqué ne pas pouvoir aider leur fils lors de sa convalescence. Ils ont donc lancé un appel au Premier ministre australien pour faire venir les deux frères d’Ahmed, de nationalités allemande et russe.
Lors d’attentats, ont surgi, venant de nulle part, des « héros du quotidien ». Tous ont jugé qu’ils « n’avaient fait que leur devoir »
Outre Ahmed, on se souvient d’Henri (Annecy, 2023), surnommé le « héros au sac à dos », ce jeune homme de 24 ans s’est interposé lors de l’attaque au couteau à Annecy, où un homme a poignardé plusieurs personnes, dont quatre enfants. Henri d’Anselme a réussi à éloigner l’assaillant avant son arrestation par les forces de l’ordre.
Ou encore de ces trois Américains en 2015 (Spencer Stone, Alek Skarlatos, Anthony Sadler) et un Britannique (Chris Norman) qui ont neutralisé un terroriste armé dans un train Thalys reliant Amsterdam à Paris, évitant un bain de sang.
Lassana Bathily, un employé de l’Hyper Cacher, a caché plusieurs clients dans la chambre froide pendant l’attaque terroriste (2015), sauvant ainsi des vies.
Le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame s’est substitué à une otage lors de la prise d’otages de Trèbes en 2018, perdant la vie pour sauver celle d’autrui.
Henri Dubost