
Bérénice date de 1670. Il s’agit d’une tragédie en cinq actes et en vers - plus précisément en alexandrins. Le tout écrit en langue française par Jean Racine. Elle a été jouée à maintes reprises, sur toutes les scènes de France et de Navarre. Du 5 au 26 juillet, elle est programmée au théâtre du Balcon dans le cadre du festival off d’Avignon.
Surtout, elle est présentée dans « une version inédite mêlant alexandrins et arabe littéraire surtitré ».
En d’autres termes, la pièce a été réécrite par une certaine Marie Benati pour en faire non plus une histoire d’amour complexe, mais une œuvre militante et politique. Pour rappel, la pièce raconte l’histoire d’amour de Titus, empereur de Rome, et de Bérénice, princesse de Judée. Un amour impossible, car désapprouvé par le peuple de Rome. Par obligation, donc, Titus renonce à Bérénice. Pour Marie Benati, il ne s’agit rien d’autre que d’une « histoire où la xénophobie joue le premier rôle ». Dans une interview accordée à Destimed, elle explique : « Je voulais que la xénophobie qui a frappé Bérénice, une reine palestinienne qui est rejetée par le peuple de Rome, se voie et s’entende sur le plateau. »
Une réécriture historique…
La metteur en scène s’arrange avec l’Histoire. Bérénice de Cilicie était la fille du roi Hérode Agrippa Ier, le dernier roi des Juifs. Elle n’a jamais été reine, et encore moins reine palestinienne, puisque la Palestine n'existait pas à son époque, au premier siècle.
Ce n’est pas tout. Pour que l’interprétation soit totale, la jeune femme à la baguette de la pièce a décidé de supprimer des passages en français pour les remplacer par du texte en arabe littéraire. Nos confrères de La Provence y voient « un classique revisité et embelli par la langue arabe ». Le commentaire suggère que cette nouvelle version est meilleure que l’originale et que l’arabe est plus beau que le français, sans jamais souligner le fait que ce choix est inopportun, les langues parlées par Bérénice étant le grec et l’araméen, et non l’arabe.
Les critiques du quotidien régional ajoutent : « L'alternance du français et de l'arabe, surtitrée sur un fond musical particulièrement envoûtant, confère aux scènes une atmosphère orientale tout à fait en rapport avec le contexte. » De quel contexte parlent-ils ? Celui de l’époque ou celui d’aujourd’hui ? Cela n’est pas précisé, mais au regard des précédentes approximations de lieu et de langue soulignées, tout porte à croire que La Provence est entrée dans le jeu de la metteuse en scène qui entend transposer l’histoire de Bérénice en 2025.
…politique, religieuse, etc.
Cette pièce majeure, monument du théâtre français, a été retravaillée pour lui donner une connotation autre que la sienne, une autre coloration. Le monde de la culture est coutumier du fait. Faute de savoir créer, ses acteurs revisitent à la sauce woke ou à la sauce racisée.
Dans ce cas précis, Marie Benati tente d’effacer les origines juives de l’héroïne pour la faire passer pour une reine palestinienne opprimée en détournant l'œuvre de Jean Racine et en réécrivant l'Histoire. La bien-pensance ne s’en offusquera pas, car c’est pour la bonne cause, la cause palestinienne. Dans ce sens, tout est permis...
Sarah-Louise Guille