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MERCOSUR : dérives tous azimuts au nom du libre-commerce

Les plus beaux vignobles de France

Le commerce est roi jusqu’à la perversité et l’ignoble. L’appât du gain en est le mobile : Shein, la société chinoise, n’a aucun scrupule à diffuser massivement des poupées obscènes. Ursula von der Leyen sacrifie l’agriculture européenne sur l’autel du libre-échange, indifférente aux drames à venir : faillites et suicides. Et l’agitation politique et syndicale n’y fera rien. Les accords du Mercosur seront validés et signés. Une majorité d’États-membres y est favorable, à l’invitation discrète, mais pressante de l’Allemagne qui veut compenser les pertes de ses ventes de voitures et de machines-outils en Chine par la conquête de nouveaux débouchés en Amérique du Sud, là où existe encore du pouvoir d’achat et une possibilité d’extension de ses échanges commerciaux par un assouplissement réciproque des protections douanières.

Aucun Commissaire ne s’oppose à l'autoritarisme d'Ursula Von der Leyen

Victime désignée, l’agriculture française s’y oppose mais rien n’y fera : nous sommes dans une Europe allemande avec une présidente de la Commission européenne, allemande ; on l’a parfaitement compris dès sa prise de fonction et tout au long de son dernier mandat. Elle a pourtant été reconduite à la présidence de la Commission européenne, y compris par les députés européens français de la droite molle, adhérant au Parti populaire européen (PPE) qui dénoncent maintenant très hypocritement ses dérives autoritaires .

Et, comme le pouvoir commercial européen est de la seule responsabilité de la Commission - quand bien même une majorité d’Etats membres s’y opposerait -, tout rejet du deal commercial en cause est illusoire. Qui plus est, si par un simulacre de démocratie, von der Leyen décidait d’avoir recours au vote des États-membres (qui n’est pas obligatoire) pour réunir une majorité en faveur de son projet, elle pourrait se montrer généreuse en dotations financières tirées de son budget au profit de quelques États pour s’en faire des obligés. Aucun Commissaire ne s’oppose à son autoritarisme. Le représentant de la France parmi les 27, Stéphane Séjourné, dont la nomination à ce poste tient plus au parrainage élyséen qu’à ses compétences particulières, est hors-jeu ; il ne connait pas le sujet. Il a fait sa priorité de la décarbonation des industries pour les fragiliser elles aussi. Et comme tout Commissaire français considère qu’il n’a pas à défendre à Bruxelles les intérêts de son pays mais ceux de l’Europe, il joue contre son camp, témoignant d’une grande naïveté dont se réjouissent nos concurrents.

Le bal des hypocrites

Dans cette confrontation des intérêts commerciaux, les points de vue sont loin d’être unanimes : le bal des hypocrites s’étoffe de trahisons multiples. Le Medef s’est déclaré favorable à un deal ; la Grande distribution - Leclerc, Carrefour et autres - en rêvent mais jurent, la main sur le cœur, que, sur leurs gondoles, les produits français seront privilégiés. Plus le temps passe, plus s’affichent les défections à la résistance en dépit des objections, sociales et humanitaires que sont, en Amérique du Sud, les bas revenus des paysans sans terre des latifundia gigantesques ou la banalisation de l’usage des produits phytosanitaires interdits en Europe. Qu’importe, tous ces obstacles à la libéralisation des échanges agricoles sont relativisés, levés, oubliés pour que le dieu marché devienne le maître des horloges d’une mondialisation heureuse.

Mais que dit, que fait la France ? Elle est inaudible. Y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? Non ; seulement une hôtesse de l’air qui rassure les passagers avant le crash. C’est la tâche confiée à une Ministre de l’Agriculture peu inspirée. A sa décharge, l’Elysée flotte... nec mergitur, hélas. Emmanuel Macron défend les paysans le lundi et l’orthodoxie communautaire le mardi qu’il finit par privilégier.

Courant octobre, les choses se sont précisées. Après avoir rencontré le Président brésilien Lula, Emmanuel Macron a changé de cap en annonçant la probabilité d’un accord pour des contingents de dizaines de milliers de tonnes de viande bovine, porcine, de volailles, de poudre de lait, d’éthanol et autres produits brésiliens qui seront exportés exonérés de taxes, en contrepartie de voitures et de machines-outils allemandes. Le préjudice ne portera pas seulement sur les quantités livrées concurrentes de la production européenne mais aussi sur le niveau des prix que cette concurrence tirera vers le bas sur nos marchés.

Triste bilan sur fond de mépris

De concert, von der Leyen et Macron promettent des aides compensatrices… avec un budget pluriannuel annoncé en réduction de 20% grâce à un coup de rabot, sur les dépenses agricoles notamment. C’est plus que de la provocation, c’est du mépris. Tel est le triste bilan, telles sont les funestes perspectives. Dans ce schéma tragique, que fait la profession agricole ? Si on sait quel est son combat, on ne voit pas comment ses organisations syndicales et coopératives vont conduire leur bataille. Le temps n’est plus où le syndicalisme unitaire rassemblait à Paris 120.000 manifestants défilant dans le calme ; où l’un des leurs, nommé Ministre, tenait en échec les Américains à l’Uruguay round (1986) qui mettait fin en 6 mois à un avantage douanier allemand d’origine monétaire pénalisant les éleveurs français durant 18 ans. Aujourd’hui, l’enjeu est le même, le contexte ne l’est pas (Austerlitz n’est pas Bouvines) ; l’important, c’est la volonté et la méthode.

Paysans, prenez garde : le Gouvernement se donne du temps pour user les résistances et vous isoler dans votre contestation. Demain, vous serez mis devant le fait accompli. C’est pourquoi l’heure est à la mobilisation de tous les paysans d’Europe et à la prise de conscience des citoyens que leur sécurité alimentaire, quantitative, qualitative et sanitaire a un prix, et qu’elle ne peut être abandonnée à l’étranger.

François Guillaume - Ancien ministre de l'Agriculture

Date de dernière mise à jour : 20/11/2025

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