
Le récent désaveu de RSF par l’Arcom conduit à s’interroger sur la nature de cette ONG. Fondée en 1985, Reporters Sans Frontières (RSF) est une organisation non gouvernementale internationale qui prétend lutter en faveur de la liberté de la presse. Pourtant, depuis plusieurs années, son indépendance et sa neutralité sont régulièrement mises en doute. Entre financements controversés, accusations de partialité géopolitique et controverses méthodologiques, RSF se trouve au cœur d’un débat qui dépasse largement la simple défense des journalistes. Qui finance vraiment RSF ? Ses prises de position sont-elles objectives, ou reflètent-elles des intérêts extérieurs, notamment ceux des États-Unis ? Et que révèlent les récentes polémiques avec l’Arcom et CNews sur sa crédibilité ?
1. Qui finance RSF ? Des subventions publiques aux dons de grandes entreprises en passant par l’influence américaine
a. Une dépendance marquée aux subventions publiques
En 2025, les subventions publiques représentent 53 % des ressources de RSF, soit plus de 4,3 millions d’euros. Parmi les principaux contributeurs :
L’Union européenne (1,39 million d’euros),
L’Agence suédoise de développement (SIDA) (1,07 million d’euros),
L’Agence française de développement (AFD) (960 000 euros),
L’État français, dont la part a augmenté ces dernières années.
Cette forte dépendance aux financements publics, notamment européens, pose la question de l’autonomie réelle de l’ONG face aux gouvernements qui la soutiennent.
b. Le mécénat d’entreprise : entre générosité et conflits d’intérêts
Les dons d’entreprises privées comptent pour plus de 20 % des recettes de RSF. Parmi les principaux mécènes :
Sanofi, qui verse environ 400 000 euros par an,
Benetton, l’Open Society Foundations (créée par George Soros),
Le Sigrid Rausing Trust.
Ces contributions soulèvent aussi des interrogations sur d’éventuels conflits d’intérêts, notamment lorsque ces entreprises ou fondations ont des agendas politiques ou économiques marqués.
c. Les financements états-uniens : NED, USAID et le Center for a Free Cuba
C’est sans doute le point le plus controversé. Depuis 2005, RSF reçoit une subvention annuelle de 35 000 euros de la National Endowment for Democracy (NED), une organisation américaine créée pour promouvoir la démocratie dans le monde, mais souvent perçue comme un outil d’influence de la politique étrangère des États-Unis. La NED est financée par le Congrès américain et a été critiquée pour son rôle dans des opérations de « soft power » à l’étranger.
RSF a également reconnu avoir reçu des fonds de l’USAID (l’agence américaine de développement international) et du Center for a Free Cuba, une organisation anti-castriste également financée par la NED.
Ces contributions, bien que mineures en volume, sont symboliquement fortes. La NED et l’USAID sont directement liées au gouvernement américain, ce qui alimente les soupçons d’un alignement de RSF sur les intérêts géopolitiques de Washington.
2. RSF et les États-Unis : des accusations de partialité géopolitique
a. Une sélectivité dans les dénonciations
RSF est régulièrement accusée de minimiser les atteintes à la liberté de la presse commises par les États-Unis ou leurs alliés, tout en ciblant systématiquement leurs adversaires (Russie, Chine, Cuba, Venezuela, Iran).
Exemple 1 : L’Irak et l’Afghanistan Pendant les guerres en Irak et en Afghanistan, RSF a été critiquée pour ne pas avoir suffisamment dénoncé les morts de journalistes causées par l’armée américaine. Par exemple, en 2003, deux journalistes (de Reuters et d’Al-Jazeera) ont été tués par des tirs américains à l’hôtel Palestine, à Bagdad. RSF a appelé à une enquête, mais sans insister sur la responsabilité directe des États-Unis, contrairement à sa fermeté sur d’autres conflits.
Exemple 2 : Cuba et l’embargo américain RSF dénonce régulièrement les restrictions à la liberté de la presse à Cuba, mais minimise l’impact de l’embargo américain, reconnu par l’ONU comme une violation des droits humains. Pire, RSF a reçu des fonds du Center for a Free Cuba, une organisation anti-castriste financée par la NED, ce qui renforce les soupçons de partialité.
Exemple 3 : Le Venezuela et le coup d’État de 2002 RSF a condamné les pressions du gouvernement vénézuélien sur les médias, mais a passé sous silence le rôle des États-Unis dans la déstabilisation du pays, notamment via le financement de médias et d’ONG d’opposition.
b. Des cibles prioritaires : Russie, Chine, Iran
Les rapports de RSF mettent en avant des pays en conflit avec les États-Unis, comme la Russie, la Chine ou l’Iran, avec une couverture médiatique intense. Des observateurs, comme le journaliste Ignacio Ramonet, estiment que cette attention disproportionnée sert les intérêts géopolitiques américains, en diabolisant leurs principaux rivaux.
Exemple : La guerre en Ukraine. RSF a fortement condamné la Russie pour ses restrictions aux médias en Crimée et dans le Donbass, mais n’a pas couvert les pressions sur les journalistes pro-russes en Ukraine ou les financements américains de médias ukrainiens. L’organisation est restée silencieuse en ce qui concerne l’interdiction des médias russes en Europe.
3. RSF, CNews et l’Arcom : une polémique révélatrice
a. L’enquête de RSF sur CNews (2025)
En novembre 2025, RSF a publié une enquête accusant CNews de contourner les règles de pluralisme politique en reléguant les interventions de la gauche aux horaires nocturnes, tout en sur représentant l’extrême droite en prime time. Cette étude, basée sur l’analyse de 700 000 bandeaux d’information, a révélé une stratégie de « rattrapage nocturne » pour donner l’illusion du respect des règles.
b. La contre-attaque de l’Arcom
Le régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom, a publiquement contredit RSF, affirmant ne pas avoir constaté de manquement au pluralisme sur CNews pour le mois de mars 2025. Selon l’Arcom, les données de RSF ne reflètent pas la réalité des temps de parole, et la gauche serait même surreprésentée de nuit comme de jour.
Une polémique méthodologique et politique Cette divergence a mis en lumière :
Des tensions méthodologiques : RSF a utilisé des outils de capture d’écran, tandis que l’Arcom s’appuie sur des données internes.
Des accusations de partialité : plusieurs médias ont souligné que cette affaire remettait en cause la crédibilité de RSF, dont la neutralité et la rigueur ont été questionnées.
c. Les implications pour RSF
Cette polémique a révélé que RSF, malgré son expertise, n’est pas à l’abri de biais méthodologiques ou de suspicions d’instrumentalisation politique. Elle a aussi montré que son rôle de « gendarme des médias » peut entrer en conflit avec les institutions qu’elle cherche à influencer.
4. Les instances actuelles de direction de RSF sont marquées à gauche
a. Pierre Haski, président de RSF depuis 2017
Haski est au cœur de la polémique autour de l’enquête de RSF sur CNews, accusée par l’Arcom de manquer de rigueur méthodologique. Certains médias ont pointé un biais idéologique dans cette enquête, visant à délégitimer une chaîne perçue comme trop à droite.
Parcours :
Ancien journaliste à l’AFP, puis à Libération, Pierre Haski a cofondé le site d’information Rue89, connu pour son positionnement à gauche et son engagement en faveur des causes sociétales.
Depuis 2017, il est président de RSF. Il est également chroniqueur géopolitique à France Inter et au Nouvel Obs, deux médias souvent perçus comme très à gauche de l’échiquier politique.
Orientation politique :
Pierre Haski est régulièrement associé à des positions de gauche, voire d’extrême gauche. Il est notamment critiqué pour ses liens avec George Soros, dont la fondation Open Society a financé des projets auxquels Haski a participé. En 2018, il a reconnu avoir bénéficié d’un programme soutenu par Open Society, une organisation souvent accusée de promouvoir un agenda progressiste et mondialiste.
Ses prises de position publiques, notamment sur les questions migratoires, la défense des médias publics, ou encore la critique des chaînes d’information comme CNews, renforcent l’image d’un dirigeant engagé à gauche.
b. Thibaut Bruttin, directeur général depuis 2024
Dès sa prise de fonction, Bruttin a été associé à la polémique sur CNews, où RSF a accusé la chaîne de contourner les règles de pluralisme. L’Arcom a contredit ces accusations, ce qui a jeté un doute sur la neutralité de l’ONG sous sa direction.
Parcours :
Diplômé de Sciences Po Paris
Orientation politique :
Bruttin est moins médiatisé que ses prédécesseurs, mais ses premières déclarations et actions suggèrent une continuité. Il a notamment appelé à un « sursaut européen » face aux menaces pesant sur les médias publics, critiquant explicitement les gouvernements de droite en Hongrie et en Italie.
Son engagement pour la défense des médias publics et contre les « offensives politiques » de droite le place clairement dans une mouvance de gauche.
c. Le Conseil d’administration de RSF : une gouvernance engagée ?
Le Conseil d’administration de RSF est composé de journalistes, d’universitaires et de personnalités des médias, souvent issues de rédactions ou d’institutions perçues comme de gauche. Aucun membre du Conseil n’est issu de médias ou d’institutions identifiés à droite. Parmi les membres notables en 2025 :
Cécile Mégie, France Médias Monde, groupe public proche de la gauche et du gouvernement,
Éric Chol, a été directeur de la rédaction de Courrier International,
Rima Abdul Malak, ancienne ministre de la Culture (2022-2024) sous Emmanuel Macron, ex-conseillère culturelle de François Hollande,
Nicolas Demoran, journalise à Libération et à Radio-France
Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde.
La majorité des membres du Conseil sont issus de médias traditionnellement ancrés à gauche ou au centre-gauche (France Inter, Courrier International, Radio France). Cette composition renforce l’image d’une ONG dont la gouvernance est marquée par une sensibilité de gauche voire militante.
Malgré son caractère orienté, RSF bénéficie du soutien du régime Macron qui a récemment repris une idée de l’ONG de gauche d’établir un label permettant de distinguer les médias considérés comme fiable de ceux hostiles à son idéologie. C’est la voie d’une véritable système de censure et de vérité officielle que le JDD qualifiait de « Pravda à la française », d’autant que ce dispositif serait confié à l’ARCOM et RSF.
Jean Lamolie