
Jacqueline Jacob serait celle qui a écrit la lettre de revendication de l'assassinat de Grégory.
La grand-tante du petit garçon assassiné en 1984 serait l'auteure de la lettre de revendication du crime. Elle doit être entendue par la justice vendredi, à Dijon.
Elle serait l’un des corbeaux qui a menacé la famille du petit Grégory : plus de 40 ans après l’assassinat de l’enfant, sa grand-tante est entendue vendredi à Dijon en vue d’une possible mise en examen.
Jacqueline Jacob, 81 ans, grand-tante par alliance de Grégory, est interrogée à partir de 10 h à la cour d’appel de Dijon, chargée de cette enquête chaotique qui a laissé entier le mystère de la mort de Grégory Villemin, retrouvé noyé, pieds et poings liés à l’âge de quatre ans, le 16 octobre 1984, dans une rivière des Vosges.
Madame Jacob est entendue en vue de sa possible mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle ». Déjà en 2017, elle avait été poursuivie, cette fois pour « enlèvement et séquestration suivie de mort », et même emprisonnée durant quatre jours. Cette mise en examen avait été annulée en mai 2018, mais pour un simple vice de forme, dans un énième couac de cette laborieuse enquête qui fait de l’affaire Grégory l’une des plus grandes énigmes criminelles en France.
Les juges d’instruction reprennent aujourd’hui une partie des soupçons qui pesaient déjà en 2017 sur Madame Jacob, en y ajoutant de nouvelles expertises qui les confirmeraient, selon eux.
Dès le début des investigations, les enquêteurs avaient pointé du doigt la haine farouche entre les Jacob et les Villemin, faite de rancœurs et de jalousies ancestrales qui peuplent parfois les campagnes.
La famille Villemin avait reçu des dizaines de lettres et appels anonymes dans les années précédant la mort de Grégory. La réussite insolente du jeune père, Jean-Marie Villemin, vite monté contremaître dans son usine et vivant dans une belle maison, suscitaient les jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée CGT, l’aurait traité de « chef de mes couilles » en 1982, selon des témoins. Les époux Marcel et Jacqueline Jacob ont nié toute haine.
Selon l’arrêt du 18 juin dernier ordonnant l’interrogatoire de Madame Jacob, et que l’AFP a pu consulter, les juges d’instruction estiment que l’octogénaire est incriminée par les déclarations de son beau-frère, René Jacob. Devant les gendarmes le 2 août 2022, il avait dit, après avoir écouté un enregistrement du corbeau : « Je pense avoir reconnu » sa voix.
Des arguments « lunaires »
De plus, les expertises graphologiques, de 2017, puis stylométriques (qui s’attachent à l’orthographe et les tournures de phrases) de 2021 et 2023, attribuent à Madame Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars qui menace directement les Villemin. « Je vous ferez votre peau » (sic), y était-il écrit.
La stylométrie estime que « cinq » corbeaux ont menacé les Villemin mais soutient « très fortement l’hypothèse » que c’est Madame Jacob qui a écrit la lettre du 16 octobre 1984 revendiquant le crime. « J'espère que tu mourras de chagrin le chef (...) Voilà ma vengeance. Pauvre con », disait le courrier.
Ces éléments sont suffisants pour « envisager » une mise en examen, avait estimé la chambre de l’instruction de Dijon dans son arrêt du 18 juin dernier qui a ordonné l’interrogatoire de Madame Jacob.
Le procureur général, Philippe Astruc, avait pourtant estimé, lui, que les arguments étaient trop faibles pour une mise en examen de Madame Jacob.
Il avait notamment rappelé qu’une expertise de 1991 avait attribué la lettre de revendication du crime, non pas à Madame Jacob, mais à Bernard Laroche, cousin du père de Grégory qui avait été inculpé puis tué par Jean-Marie Villemin.
Les études de stylométrie sont une méthode nouvelle dont la fiabilité doit encore être prouvée, ajoute la défense de Madame Jacob.
Les arguments de l’instruction sont « surréalistes, lunaires », résume pour l’AFP Frédéric Berna, un des avocats de Madame Jacob. « Rien ne justifie une mise en examen », estime le conseil, promettant de la contester, le cas échéant.
Lors de sa première mise en examen, en 2017, Madame Jacob avait juré de sa « totale innocence » et usé de son droit au silence face au juge, ce qu’elle pourrait une nouvelle fois faire. Son avocat ne se prononce pas à ce sujet.
« Acceptera-t-elle de dire ce qu’elle sait sur la mort de Grégory ? », se demande auprès de l’AFP Me François Saint-Pierre, un des avocats des parents de Grégory. « Ce serait, à notre sens, la seule attitude digne de sa part. »
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