
Le procès de Dabbhia Benkired s’est ouvert hier aux assises de Paris. C’est la première fois que la famille détruite par le viol et le meurtre de Lola, une enfant de 12 ans, est confrontée à son bourreau. Tout au long de l’audience, l’accusée, aujourd’hui âgée de 27 ans, est restée totalement impassible.
Quand elle entre dans le box des accusés, c’est une femme étrange, inquiétante, qu’encadrent les deux gendarmes. Elle est habillée sobrement, gilet noir sur T-shirt blanc, les cheveux tirés offrent un visage un peu bouffi. En l’espace de trois ans, Dahbbia Benkired a pris du poids, beaucoup de poids. Conséquence d’un traitement médical en psychiatrie, imagine-t-on ? Pas le moins du monde reconnait-elle. Son visage est mangé par l’acné, elle a le teint pâle. Elle, qui n’a que 27 ans, n’a plus rien à voir avec cette jeune femme mince, jolie et pétillante, qui s’offrait, 3 ans plus tôt, sur les réseaux sociaux et les applis de rencontre. « Ce n’est pas la même femme » reconnait, choqué, José N. un des enquêteurs de la brigade criminelle venu témoigner à la barre. C’est lui qui a su obtenir sa confiance ainsi que ses aveux. A plusieurs reprises, lors de son témoignage, le policier a essayé de capter le regard de Dahbia. En vain. Le regard de l’accusée est vide. Il l’avouera : l’audition de la criminelle présumée après son geste inqualifiable du 14 octobre 2022. l’a beaucoup marqué. Seul trait commun pour lui : le regard de Dahbia Benkired. « Un regard pénétrant » dira-t-il.
Aujourd’hui, ce regard très particulier demeure à la fois inquiétant, un peu effrayant, mais vide.
Après la diffusion de quelques vidéos de sa garde à vue à l’époque des faits Dahbia Benkired l’admettra elle aussi : « je ne me reconnais pas. Je ne suis plus la même. »
Sans mobile apparent
« Je demande pardon à toute la famille. C’est horrible ce que j’ai fait. Je le regrette » Ce seront les premiers mots de l’accusée. Séquence poignante quelques instants plus tard : Delphine la maman de la petite Lola et Thibaut le frère de la victime se présentent à la barre et demandent une faveur au président de la Cour. La permission de s’adresser à la meurtrière présumée. Accordée bien évidemment. « On voudrait que vous disiez la vérité, toute la vérité à toute la France et à nous. »
Cette première journée n’a pas apporté la réponse attendue. Pire : pour la famille de Lola, ce fut une rude épreuve. Le Président Julien Queré, photos et images de vidéosurveillance à l’appui, a rappelé l’enchainement de cette journée du 14 octobre 2022. La rencontre entre Lola et Dahbia près de la résidence du 119 de la rue Manin à Paris, l’arrivée dans le studio de la sœur de l’accusée. Et puis Dahbia qui oblige la petite fille à prendre une douche « car elle a ses règles ». Une première scène de violence dans la salle de bain. Et après le viol de Lola par des pénétrations anales et vaginales. Plus terrible encore : la meurtrière prendra la tête de la fillette pour la placer entre ses cuisses. Et l’obligera à lui pratiquer, à genoux, un cunnilingus. Jusqu’à « obtenir du plaisir ». Ensuite les coups de couteaux, de ciseaux. Sur le cou, à la mâchoire et dans le dos. Pour finir, l’enfant se verra recouvrir le visage entier de « gaffer gris, un ruban adhésif extrêmement résistant, les bras et les jambes seront entravés avec le même scotch. Lola sera ensuite laissée dans l’entrée de l’appartement. Agonisante. De longues minutes. Pendant ce temps, Dahbia aura fermé la porte du salon, pris un café, allumé une cigarette et mis de la musique pour ne rien entendre.
S’en suivront les explications sur transport dans une malle du corps de Lola. Les différents déplacements de l’accusée. Un périple en région parisienne pour finalement revenir quelques heures plus tard à l’endroit du crime.
Pendant toutes les explications du Président, Dahbia Benkired restera totalement impassible.
Un parcours cabossé
Les enquêteurs de la Crim’ vont rapidement interpeller Dahbia Benkired et tenter de comprendre comment cette jeune femme a pu en arriver là. Originaire d’Algérie, elle évoque d’emblée une enfance difficile avec un père alcoolique et violent, une mère malheureuse. Dahbia affirme avoir été violée à 14 ans par un voisin. Par la suite, elle sera élevée en partie par ses tantes, perverses, livrée par elles à la prostitution. Autre point de rupture : la disparition presque concomitante il y a 5 ans de ses deux parents. S’ensuit dès lors un parcours d’errance, de mauvaises rencontres, un amour toxique avec un dealer, le tout sur fond de surconsommation de cannabis. « Je fumais parfois plus de 20 joints par jour » reconnaitra-t-elle.
Rites sataniques ?
Les experts ont eu beaucoup de mal à tracer un portrait psychologique de Dahbia Benkired. Confusion, mensonges et absence de témoignages de proches ont rendu difficiles, voire impossibles, des conclusions sur la personnalité de l’accusée et donc sur les motivations de cet acte inqualifiable.
Difficile d’expliquer par exemple pourquoi l’on a retrouvé sur les voutes plantaires de Lola un O et un 1 dessinés au vernis à ongles. Sorcellerie ? Rites sataniques comme il en a été question ou alors tout simplement symptôme de schizophrénie. Autant d’inconnues dans le dossier.
Dahbia Benkired a promis de dire toute la vérité. Le tribunal réussira-t-il à l’accompagner sur ce chemin ? Seule certitude : pour cet acte monstrueux, l’accusée risque la réclusion criminelle à perpétuité.
Verdict vendredi 24 octobre.
Compte-rendu d’audience : Frédéric Crotta