
En 2011, j’avais fait à Cuba un reportage sous couverture, en immersion totale dans la société, où j’avais même rencontré des communistes sympas. Vivant comme des nababs. Et découvert le micro-capitalisme de la débrouille.
Lorsque les Étasuniens ont mis l’île sous embargo en 1962, les Cubains à l’aise roulaient dans de belles Américaines : Buick, Cadillac, Chevrolet, Pontiac, Thunderbird. Du jour au lendemain, plus de pièces de rechange, plus de consommables, plus de pneus. Pourtant elles roulent encore !
Le miracle : la ponchera artesanal. Des ateliers de réparations, rénovations, récupérations, opérant à l’origine dans des rhumeries. Tolérés puis encouragés par les autorités. Pour rechaper les pneus. Rafistoler les pièces défaillantes. En tourner des répliques. Cannibaliser les vieux moteurs foutus. Ou les remplacer par des mécaniques Lada ex Vaz, elles-mêmes dépannées avec des sangles et du fil de fer comme en Afrique.
En Eurocrature, le réalisme économique pourrait aussi contourner l’idéologie, et conduire à réviser les délires du tout électrique pour 2035.
La plupart des eurotocrates sont des corrompus. Les scandales se suivent et se ressemblent. Le principe est toujours le même. Un groupe de décideurs s’entoure de conseilleurs qui sont, comme par hasard, des lobbyistes. Synonyme de corrupteurs professionnels. Ils invitent des hiérarques triés sur le volet à des séminaires techniques ou juridiques. À Acapulco ou aux Seychelles. La misère est moins pénible au soleil.
Les meilleurs élèves se démèneront ensuite pour faire évoluer la réglementation du IVe Reich dans un sens favorable à leurs bienfaiteurs. Les plus loquaces iront porter la bonne parole lors de colloques. Prestations rémunérées aux résultats entre 20.000 et 300.000 dollars, versés dans un paradis fiscal. Si ces nouveaux riches n’avaient pas été aussi frimeurs, affichant ostensiblement leur opulence, personne ne se serait douté de rien.
Lorsque la grosse commission prétend légiférer contre la corruption, non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier (!), c’est comme si la mafia de Chicago décidait de réformer le code pénal ! Néanmoins, en ce qui concerne les bagnoles, une partie des corrupteurs insistent pour que l’interdiction des voitures thermiques prévue en 2035 soit reportée à 2050. Il arrive que les plus belles fleurs poussent sur le plus malodorant fumier.
Une féroce guerre de gangs
Certains constructeurs évoquent les difficultés d’adaptation de leurs usines. Pouvant conduire à une cessation d’activités. D’autres ont la franchise de reconnaître que, malgré la propagande effrénée des médias et les bakchichs gouvernementaux, les acheteurs ont de plus en plus de mal à se laisser convaincre. Surtout après les retours d’expérience des premiers pigeons.
L’industrie allemande qui a toujours été favorisée par les eurotocrates fait entendre sa voix. Prolonger la vie des moteurs thermiques jusqu’en 2050 permettrait de lisser les investissements, de rentabiliser les modèles existants et de gérer une demande électrique encore faible.
BMW, bien qu’engagé dans l’électrification de sa gamme, souligne que ce marché n’a pas atteint un seuil de rentabilité qui garantisse les marges. Mercedes craint qu’une transition brutale fasse plus de mal que de bien à un modèle industriel reposant sur des spéculations et des promesses. Quant à Volkswagen, après une vente en chute libre de ses voitures électriques, il a suspendu ses investissements au moins jusqu’en 2027.
Ils ont trouvé un allié dans la Cour des comptes européenne dont le rapport 2024 publié tardivement émet de sérieux doutes sur le passage au tout électrique en 2035. « La disparition des voitures thermiques suppose en contrepartie, une adoption massive des véhicules électriques par le grand public. Or, celle-ci apparaît compromise compte tenu du prix à payer par l’industrie et le consommateur ».
Contre eux, une coalition de plus de 150 acteurs de l’électro-mobilité exhorte, dans une lettre ouverte à Pustula, de surtout ne rien changer. On trouve parmi les signataires des sous-traitants et des équipementiers ayant investi dans l’électrification, mais aussi trois constructeurs de voitures à piles. Deux Chinois et un Coréen. Plus surprenant, ce manifeste porte la signature de AstraZeneca. Une preuve supplémentaire de l’imbrication tous azimuts des trusts du Nouvel Ordre Mondial.
La perspective du tout électrique en 2035, ou son report en 2050, fait trembler les marchés dans les deux sens.
Pour les signataires de la lettre à Pustula, l’interdiction du thermique dans dix ans aurait déjà produit des effets concrets sur l’industrie européenne. En motivant des centaines de milliards d’euros d’investissements, permettant la création de plus de 150.000 emplois. Des investissements qui se sont concrétisés par d’importantes levées de fonds. Les actionnaires tremblent de ne pas y retrouver leurs dividendes. Et comme d’habitude, en pareil cas, le chantage à l’emploi fait diversion.
Ils affirment qu’un moratoire minerait la confiance des investisseurs et affaiblirait la compétitivité européenne face à des acteurs très avancés dans les voitures et les batteries, comme les Chinois. Et ils demandent à Bruxelles de renforcer son soutien financier (nous y voilà !) par de nouvelles subventions au développement massif de la production de batteries en Europe, la sécurisation des flux de matières premières et un investissement accru dans les bornes de recharge électrique.
À la réponse donnée par la grosse commission, on saura si Pustula a placé ses économies dans la bagnole à pile, comme dans Big Pharma.
Du côté du thermique, on ne manque pas d’arguments
Les sous-traitants historiques qui produisent les pièces des moteurs, les boîtes de vitesses, les échappements, les filtres et le consommable bénéficieraient dans un report d’une bouffée d’air frais qui leur donnerait le temps de se transformer progressivement. Avec, sans le dire ouvertement, l’espoir qu’avant 25 ans, la pourriture eurocratique, ses diktats et ses corrompus auront dégagé, emportés par le vent de regain patriotique qui souffle dans toutes les nations européennes.
En cas de report, les perdants seraient les fabricants de batteries irréparables (l’aubaine absolue !) qui fantasment sur des projets de gigafactories en France, en Allemagne ou en Slovaquie. Sans se soucier de la pollution que leurs productions génèrent. Puisque les sels de lithium, les microparticules de cobalt et de nickel et les rejets d’arsenic seraient meilleurs pour la santé que le CO2.
Il n’y aurait pas que des perdants. Un délai de 25 ans, si l’Eurocrature tient jusque-là, permettrait aux opérateurs d’électricité et aux installateurs de bornes de recharge de mieux étaler leurs investissements. Avec moins de précipitation, moins de risques de ruptures des produits et plus de temps pour moderniser les réseaux.
Les fadas du tout électrique objectent que les réseaux intelligents, la recharge éclair ou les bornes ultra-rapides ne progresseront que si le marché des voitures électriques se développe. Pendant ce temps, les géants asiatiques de la recharge et du smart grid (réseaux intégrés) continuent de gagner du terrain. L’histoire de l’œuf et de la poule est l’argument ultime des écolos : il faudrait plus de voitures électriques pour accélérer le déploiement des points de charge, mais il faut plus de points de charge pour développer les ventes de leurs bagnoles.
L’argument de l’emploi fonctionne dans les deux sens
Repousser la date fatidique prolongerait l’existence de millions d’emplois directs et induits, liés au thermique. Les usines de moteurs, les ateliers de maintenance, les garages et les réseaux de concessionnaires continueraient de tourner. Ainsi que les raffineries et les stations service. Ils représentent rien qu’en France un million d’emplois, chiffre récusé par le gouvernement, à comparer avec les 150.000 postes générés dans toute l’Europe par la bagnole électrique.
La grosse commission de Pustula, pour éviter l’occlusion, envisagerait de tolérer pendant quelque temps après 2035 les hybrides, les carburants de synthèse et les moteurs à hydrogène. Des emplâtres sur des jambes de bois. Autant s’inspirer de suite des Cubains !
Christian Navis