
« J’ai une marque sur le bras, mais c’est pas gonflé. J’ai juste peur qu’on m’ait injecté une maladie. En vrai, ça ressemble à quoi, une piqûre sauvage ? » Au lendemain de la fête de la Musique, plusieurs adolescentes et jeunes femmes s’inquiètent sur TikTok. L’une d’elles vient de découvrir une marque anormale sur son bras et craint d’avoir été piquée par une seringue. « Tu as quoi ? Moi aussi, j’ai une grosse marque ! » lui répond, alarmée, une de ses amies. Sur le réseau social chinois, ces échanges se multiplient. Des dizaines de jeunes gens ayant participé à la fête de la Musique, aux quatre coins du pays, s’inquiètent d’avoir pu être piqués par une seringue. Derrière ce début de psychose se cache un phénomène mystérieux mais bien réel. Contacté par BV, le ministère de l’Intérieur confirme que « cette 43e édition de la fête de la Musique a été marquée par des faits de piqûres. […] 145 victimes de piqûres se sont manifestées auprès des services », détaille la place Beauvau, dont treize cas à Paris. « À ce stade, les services comptabilisent douze interpellations d’individus auteurs de piqûres durant les festivités. » Parmi eux, à Montpellier, on trouve notamment un homme de 28 ans, originaire du Bangladesh et visé par une OQTF.
Quelques jours avant la fête de la Musique, plusieurs internautes alertaient déjà sur ce phénomène. « Il y a des gens qui appellent à piquer avec des seringues. Soyez vigilants », lançait l’un d’eux, qui préconisait d’ailleurs à ses abonnés de ne pas sortir et de rester chez eux, le 21 juin au soir. « Des piqueurs à la seringue seraient prévus pendant la fête de la Musique. Faites attention ! », ajoutait un autre. Plusieurs adolescents décident alors de ne pas sortir par peur d’être visés. D’autres font le choix d’éviter les mouvements de foule. « On avait tellement peur de se faire piquer », se justifie l’un d’eux. Dans les commentaires, beaucoup redoutent en effet de se voir injecter un virus - celui du SIDA, notamment - ou de la drogue.
Des témoignages alarmés
Deux jours plus tard, le réel leur donne raison. Plusieurs jeunes gens - notamment des jeunes filles et jeunes femmes - témoignent, face caméra. « Ça dansait. D’un coup, une [fille] a changé de tête. Elle a commencé à tituber. Elle se sentait mal et nous disait : "Je me suis fait piquer". On voit un gars qui se met à courir, on commence à le courser. On appelle les keufs. La fille tombe dans les vapes. C’est trop dangereux, maintenant », raconte l’un d’eux. « J’ai été piquée à la seringue hier soir lors de la fête de la Musique au niveau du ventre », explique une jeune influenceuse, qui attend les résultats de ses analyses toxicologiques. « Vraiment, j’ai souffert. J’ai toujours la tête qui tourne », rapporte une autre. « Actuellement dans un état pitoyable, je me suis fait piquer aussi… », lui répond une utilisatrice.
Une toute jeune fille partage également son expérience à ses quelque 50.000 abonnés. Alors qu’elle dansait avec ses amies, l’adolescente ressent un coup brutal à l’épaule - elle découvrira le lendemain une trace de piqûre à cet endroit. Rapidement, la jeune fille se sent mal, perd ses moyens et tombe. Ses amies, inquiètes, finiront par la ramener chez elle. D'après les analyses réalisées le lendemain, son agresseur lui aurait notamment injecté de la morphine, raconte-t-elle. Une jeune femme rapporte même avoir été agressée à la kétamine (un psychotrope, NDLR) en Occitanie avant même le début des festivités !
Des mobiles flous
Apparu en France en 2022, le phénomène des agresseurs à la seringue continue d’interroger. En effet, si certains agresseurs tentent d’injecter des produits nuisibles, beaucoup se contentent seulement de piquer sans rien injecter. D’autre part, dans de nombreux cas, notamment dans ceux relevés sur TikTok, aucun abus ne semble avoir été constaté, autre que la piqûre. « Pourquoi ils piquent ? », « C’est quoi, leur but ? »… se demandent entre eux les jeunes gens concernés. Le mobile de ces agressions reste flou. À cela s’ajoutent des analyses toxicologiques réalisées souvent trop tard pour détecter avec précision les substances potentiellement injectées. Résultat : dans ces affaires, peu de plaintes aboutissent réellement, faute d’éléments.
La recrudescence des attaques à la seringue, associée à une montée de la violence à chaque événement festif, commence à agacer de nombreux jeunes. « Quand est-ce qu’on aura des événements en France où on pourra enfin profiter des événements sans qu’il y ait des problèmes ? », s'indigne l'un d'eux.
Clémence de Longraye