
Choisir le nom de Léon lorsqu’on accède au trône de saint Pierre n’a rien d’anodin, bien au contraire.
Choisir le nom de Léon lorsqu’on accède au trône de saint Pierre n’a rien d’anodin. En effet, treize papes l’ont porté avant notre nouveau souverain pontife, certains laissant dans l’Histoire des traces singulières voire surprenantes. Léon X, par exemple, fut le fils de Laurent de Médicis, dit le Magnifique, et dut affronter les premiers remous causés par le protestantisme. Plus encore, parmi les douze pontificats les plus longs de l’histoire de l’Église, trois furent ceux de papes prénommés Léon - un présage sûrement favorable pour la longévité de Léon XIV, qui n'a pas 70 ans.
Cependant, au-delà des anecdotes ou des statistiques, certains de ces Léon se sont également illustrés par des décisions majeures et des œuvres durables. C’est ainsi le cas de saint Léon le Grand, défenseur de l’Église au Ve siècle, et de Léon XIII, artisan du renouveau social et intellectuel de l'Église au XIXe siècle. Ainsi, à l’heure où un nouveau pontificat commence, leurs héritages respectifs peuvent offrir un éclairage précieux sur les chemins que Léon XIV pourrait arpenter.
Saint Léon le Grand, le défenseur de la foi
Né en Toscane à la fin du IVe siècle, Léon Ier devient pape en 440. Son pontificat est alors marqué par une affirmation vigoureuse de la primauté de l’évêque de Rome et par une défense inlassable de la chrétienté face aux hérésies et aux barbares.
L’un de ses actes les plus célèbres demeure son intervention au concile de Chalcédoine en 451. Dans son Tome à Flavien, Léon développe ainsi la doctrine de la double nature du Christ, pleinement divine et pleinement humaine, sans confusion ni séparation, qui sera acclamée par les pères conciliaires qui déclarèrent : « Pierre a parlé par la bouche de Léon. »
Outre son rôle théologique, Léon est également un chef politique d’importance. Ainsi, en 452, il rencontre Attila le Hun à Mantoue pour le dissuader d’envahir Rome et de rebrousser chemin. Trois ans plus tard, il intervient à nouveau pour convaincre le roi vandale Genséric d’épargner la population romaine lors du sac de la Ville éternelle.
Mort le 10 novembre 461, il est inhumé à la basilique Saint-Pierre auprès du premier de tous les papes. Proclamé docteur de l’Église par Benoît XIV en 1754, il est l’un des rares papes à avoir reçu le titre de « grand », à juste titre.
Léon XIII, le pape du renouveau de l’Église
Né Vincenzo Gioacchino Pecci, d'une famille patricienne, à Carpineto Romano, localité située près de Rome, en 1810, le futur Léon XIII voit ainsi le jour au sein de l’Empire napoléonien. Ordonné prêtre en 1837, il devient archevêque de Pérouse, avant d’être créé cardinal. En 1878, à la mort de Pie IX, il est élu pape au troisième scrutin du premier conclave organisé depuis la perte des États pontificaux.
Son pontificat, l’un des plus longs de l'Histoire, est profondément marqué par une volonté de réconciliation entre l’Église et le monde moderne. Il ne publie ainsi pas moins de 86 encycliques, dont la plus célèbre, Rerum novarum, écrite en 1891, inaugure la doctrine sociale de l’Église. Il y défend les droits des travailleurs, condamne les excès du capitalisme tout en s’opposant au socialisme athée.
Léon XIII œuvre aussi pour réconcilier les catholiques avec les régimes républicains, notamment en France, et engage des démarches diplomatiques prudentes mais novatrices. Il encourage également le renouveau intellectuel de l’Église, notamment par la promotion des études thomistes à travers l’encyclique Aeterni patris, en 1879.
Désireux de transparence, il ouvre aussi les archives secrètes du Vatican aux chercheurs et reste dans l’Histoire comme le premier pape filmé. Léon XIII s’éteint le 20 juillet 1903 à l’âge de 93 ans, au terme de vingt-cinq longues années de pontificat.
Ainsi, en reprenant un nom si riche de résonances historiques, Léon XIV inscrit son pontificat dans une double lignée : celle du théologien intrépide qui affirma la foi face aux hérésies et celle du pasteur lucide qui proposa un dialogue fécond avec la modernité tout en restant cohérent avec la doctrine millénaire de l’Église.
Eric de Mascureau