TRANSPORTS PARISIENS - Fin du ticket de métro carton : une révérence après 125 ans d’histoire

Matériel roulant du métro de Paris — Wikipédia

Ce mercredi 5 novembre 2025 marque la fin officielle du ticket en carton dans l’ensemble des transports d’Île-de-France. L’annonce de son retrait progressif remonte alors à 2021, lorsque la RATP entérina la disparition définitive de ce petit rectangle, compagnon de tant de poches et de portefeuilles, au profit d’autres supports dématérialisés. Ainsi, après plus d’un siècle d’existence, il quitte le quotidien de tant de voyageurs, laissant derrière lui une histoire née dans les entrailles du métropolitain.

Un carton à l’image d’une société

L’odyssée de nos tickets débute le 19 juillet 1900, date d’inauguration de la ligne 1, première artère du métropolitain parisien. Ce billet épouse alors l’organisation de la société de son époque : il existe deux types pour chaque classe existante, la première pour les voyageurs aisés, la seconde pour la majorité populaire. Il faudra attendre 1991 pour que ce système disparaisse définitivement.

Le billet rose de première classe coûte alors 25 centimes, tandis que le jaune de seconde classe s’élève à 15 centimes - des prix qui laissent rêveurs, à côté de ceux existant aujourd’hui.

Avec le temps, on passe également du simple papier à un carton plus solide pour résister aux nombreuses manipulations dont il fait l’objet. Les agents, bientôt surnommés les poinçonneurs, veillent à son contrôle en perforant patiemment chaque ticket afin de s’assurer que chacun paie bien son passage. Certains agents atteignent ainsi près de trois mille perforations par jour, selon Grégoire Thonnat, auteur de La Petite Histoire du ticket de métro parisien.

Le reflet d’une époque

Après la Grande Guerre, les prix augmentent peu à peu. Dans les années 1930, les mutilés sont les premiers à bénéficier d’un tarif réduit, rejoints par les familles nombreuses après 1948. L’Occupation laisse également une trace sombre : les Juifs portant l’étoile jaune en 1942 se voient relégués au dernier wagon, surnommés « la synagogue », et privés de première classe.
La Seconde Guerre mondiale introduit également un nouvel adversaire : la fraude. Ainsi, en 1943, les poinçonneurs, pour lutter contre elle, décidèrent d’agrandir les trous de 4 mm à 6 mm. En effet, selon Grégoire Thonnat, « des petits malins s’amusaient à mettre de la mie de pain dans les trous des tickets afin de les oblitérer pour les réutiliser une deuxième fois ».
Cependant, le progrès technique finit par bousculer les habitudes. Ainsi, à partir de 1968, avec l’arrivée des tourniquets automatiques et des billets magnétiques, les poinçonneurs finissent par devenir inutiles et disparaissent définitivement en 1973.

La dématérialisation comme dernière révolution

Pourtant, le coup qui vint initier l’extinction du ticket carton n’est pas venu des tourniquets mais de la carte à puce, lors de l’inauguration du passe Navigo en 2001, qui ouvrit la voie à une nouvelle ère de modernisation. Ainsi, au fil des années, à mesure que les abonnements par carte se généralisent et que les smartphones deviennent des titres de transport, le ticket cartonné perd sa raison d’être. Il ne représente, ainsi, plus que 3,7 % des achats, en septembre 2025, sur les 32,3 millions de titres vendus, selon Île-de-France Mobilités.

Cependant, s’ils ne sont plus vendus, vos anciens tickets sont néanmoins encore utilisables jusqu’au 1er mai 2026, date qui marquera la fin de l’acceptation des tickets carton dans les bus et les tramways, et jusqu’au 1er juin 2026, ce qui scellera leur disparition sur le réseau ferré. Vous pouvez également échanger en gare et dans les stations de la RATP votre ancien ticket que Grégoire Thonnat décrit comme « un objet du quotidien, devenu au fil du temps le reflet de l’évolution des modes de transport et, donc, des modes de vie […] il raconte l’époque, il est devenu au fil du temps une vraie madeleine de Proust ».

Eric de Mascureau

Date de dernière mise à jour : 08/11/2025

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