Depuis 1830, Français et Algériens entre douleur et résilience

Le 13 mai dans l'histoire : Alger se révolte

Colonisation, guerre, exil… Depuis bientôt deux siècles, l’histoire franco-algérienne est faite de ruptures et de violence, et les blessures encore à vif de ses protagonistes continuent à marquer les mémoires.

5 juillet 1830 : les Français prennent Alger

Les relations entre la France et la régence d’Alger, dépendante de l’Empire ottoman, se sont détériorées pour des raisons commerciales. Le 14 juin 1830, 37 000 soldats français débarquent à Sidi-Ferruch et battent l’armée d’Hussein Dey. Alger tombe le 5 juillet. La colonisation commence.

1848 : l’Algérie devient territoire français

L’Algérie est officiellement intégrée à la France et divisée en trois départements : Alger, Oran et Constantine. La colonisation s’intensifie, provoquant des révoltes récurrentes dans l’intérieur du pays.

1870 : les juifs d’Algérie sont naturalisés

Le décret Crémieux accorde la citoyenneté française aux 37 000 juifs d’Algérie de tous âges, sans en faire autant pour la majorité musulmane (3 millions de personnes), créant une fracture communautaire durable.

28 juin 1881 : le Code de l’indigénat est institué

Un régime pénal d’exception impose des sanctions spécifiques aux "indigènes" musulmans d’Algérie, restreignant leurs droits. Ce code, pilier du système colonial, ne sera abrogé qu’en 1944.

10 février 1943 : Ferhat Abbas publie le Manifeste du peuple algérien

Ferhat Abbas, intellectuel réformiste, réclame l’égalité entre musulmans et Européens, une réforme agraire, la reconnaissance de la langue arabe et la création d’une république autonome.

7 mars 1944 : de Gaulle supprime certaines discriminations

Par ordonnance, de Gaulle instaure une égalité d’accès aux fonctions civiles et militaires et abroge le Code de l’indigénat. Mais ces réformes sont jugées insuffisantes par les indépendantistes.

8 mai 1945 : Sétif, Guelma et Kherrata connaissent émeutes et massacres

Alors que la France célèbre la fin de la Seconde Guerre mondiale, des manifestations indépendantistes tournent à l’affrontement en Algérie. La répression coloniale est brutale : entre 2 000 et 40 000 Algériens sont tués (le nombre reste débattu par les historiens).

1er novembre 1954 : la Toussaint rouge, le FLN lance des attentats meurtriers

Une série d’attentats coordonnés par le Front de libération nationale (FLN) marque le début de l’insurrection. Ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, pour qui "l’Algérie restera française", réplique par des opérations de "maintien de l’ordre". La guerre commence.

Mars 1956 : Guy Mollet obtient des pouvoirs spéciaux pour lutter contre l’insurrection

L’Assemblée nationale accorde des pouvoirs exceptionnels au président du Conseil. 400 000 hommes sont envoyés en Algérie. La répression s’intensifie et les tensions s’exportent en métropole.

Janvier à octobre 1957 : une longue bataille déchire Alger

Face aux attentats du FLN, les autorités confient les pleins pouvoirs au général Massu. Arrestations massives, tortures, couvre-feu et bouclage de la casbah d’Alger permettent une victoire militaire pour l’armée française.

13 mai 1958 : après une crise extrême en Algérie, de Gaulle revient au pouvoir en France

Des militaires et colons favorables à l’Algérie française tentent un coup d’État à Alger. La crise entraîne le retour de de Gaulle, perçu comme l’unique recours pour restaurer l’ordre.

19 septembre 1958 : un gouvernement est proclamé par les indépendantistes

Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), émanation politique du FLN, est proclamé au Caire sous la direction de Ferhat Abbas. Il est reconnu par plusieurs pays arabes et par le bloc de l’Est.

Fin janvier 1960 : Alger connaît une semaine de barricades

Les colons européens, opposés à la politique de De Gaulle qui soutient l’autodétermination de l’Algérie, réagissent par une insurrection. Un an plus tard, un référendum confirme largement le projet du chef de l’État, avec 75 % de "oui" (70 % pour l’Algérie seule).

11 février 1961 : des extrémistes fondent l’OAS

L’Organisation de l’armée secrète (OAS), dirigée notamment par le général Salan, naît à Madrid. Elle mène des attentats terroristes en Algérie et en France pour empêcher l’indépendance et tente d’assassiner de Gaulle à plusieurs reprises.

21 avril 1961 : quatre généraux mènent un putsch

Les généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud tentent un coup de force à Alger. De Gaulle active l’article 16 de la Constitution, qui étend temporairement ses pouvoirs. L’armée reste fidèle à la République.

17 octobre 1961 : des Algériens sont massacrés à Paris

Une manifestation pacifique du FLN contre un couvre-feu visant les seuls Algériens est réprimée par la police. Le bilan, longtemps occulté, est estimé à environ 200 morts. La France reconnaîtra le massacre en 2012 par la voix du président François Hollande.

18 mars 1962 : la fin de la guerre est actée à Evian

Les négociations entre le gouvernement français et le FLN aboutissent à un cessez-le-feu et à des accords garantissant les intérêts français, notamment dans le domaine énergétique. La guerre d’Algérie prend officiellement fin.

Fin mars 1962 : la violence se poursuit

À Alger, l’armée française affronte l’OAS dans le quartier de Bab El Oued. D’autres violences suivent, notamment la fusillade de la rue d’Isly et les représailles contre les harkis et les pieds-noirs. L’exode des Européens d’Algérie commence.

5 juillet 1962 : l’Algérie devient indépendante

Le 5 juillet, jour symbolique choisi en écho à la prise d’Alger en 1830, marque la fin de 132 ans de colonisation. Le jour-même a eu lieu un massacre à Oran. L’année suivante, est fondée la République algérienne démocratique et populaire. Ahmed Ben Bella est le premier Président.

Octobre 1988 : des émeutes éclatent en Algérie

Face à la la crise, au chômage et au régime autoritaire du FLN, des milliers de jeunes manifestent. La répression fait 500 morts. Une nouvelle Constitution sera adoptée en 1989, instaurant le multipartisme.

1992 : la guerre civile algérienne commence

Après l’annulation des élections remportées par le Front islamique du salut (FIS), le pays sombre dans une décennie de guerre civile opposant les islamistes armés et les forces de sécurité, causant 200 000 morts.

1999 : la guerre a enfin un nom

Sous la présidence de Jacques Chirac, la France reconnaît que les "événements" de 1954 à 1962 constituaient bien une guerre, rompant avec la terminologie d’"opérations de maintien de l’ordre".

23 février 2005 : les "aspects positifs" de la colonisation mettent le feu aux poudres

Une loi française sur la reconnaissance de la Nation comporte un article visant à enseigner dans les écoles "les aspects positifs" de la colonisation, notamment en Afrique du Nord. La mention sera ensuite abrogée.

Janvier 2021 : Benjamin Stora remet son rapport sur la mémoire de la colonisation

À la demande du président Emmanuel Macron, l’historien Benjamin Stora remet un rapport proposant des gestes mémoriels pour apaiser les tensions franco-algériennes et préconise la reconnaissance de certaines responsabilités, sans demander d’excuses officielles. Le document divise l’opinion.

Frédéric Granier

Date de dernière mise à jour : 13/09/2025

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