POLITIQUE - Chute du gouvernement Bayrou : la France “est repartie pour un tour de manège”

Pourquoi la chute de François Bayrou serait une grande première sous la Ve  République

Sans surprise, le gouvernement dirigé par François Bayrou n’a pas survécu, lundi 8 septembre, au vote demandé par le Premier ministre : 364 députés ont refusé de lui accorder leur confiance. Un nouvel épisode de la crise politique déclenchée lors de la dissolution de juin 2024 décidée par Emmanuel Macron, analyse la presse étrangère.

Il n’y a pas eu de miracle au Palais-Bourbon, rassemblé en session extraordinaire. Le gouvernement de François Bayrou est tombé ce lundi 8 septembre après l’échec du vote de confiance convoqué par le Premier ministre par l’intermédiaire de l’article 49, alinéa 1, de la Constitution. Une défaite anticipée depuis plusieurs semaines par la presse étrangère, et qui prolonge la crise politique dans laquelle est englué le pays.

“La France est-elle impossible à réformer ? À gouverner ?” s’interrogeait avant le vote le quotidien allemand Tagesspiegel.

Face à des oppositions qui avaient annoncé qu’elles ne voteraient pas la confiance à un gouvernement défendant un budget qui prévoit 43,8 milliards d’euros d’économie, les chances du maire de Pau étaient minces. Selon le décompte final de ce vote à la majorité simple, 364 députés – sur 558 suffrages exprimés – ont refusé d’accorder leur confiance au gouvernement. Seuls 194 députés ont voté la confiance.

“Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un premier ministre est tombé en ayant sollicité un vote de confiance de l’Assemblée nationale”, observe le correspondant en France du journal suisse Le Temps. En décembre dernier, c’était une motion de censure et non un vote de confiance qui avait provoqué la chute de Michel Barnier et de son gouvernement.

Au “cimetière des Premiers ministres”

Selon l’Agence France-Presse, François Bayrou remettra sa démission à Emmanuel Macron mardi 9 septembre dans la matinée. Peu après l’annonce des résultats du vote, le président de la République a indiqué “prendre acte” de la chute de son Premier ministre et a fait savoir qu’il nommera son successeur “dans les tout prochains jours”

Lors de sa prise de parole avant le vote, en début d’après-midi, le désormais ex-locataire de Matignon a continué dans la ligne alarmiste qu’il tisse depuis plusieurs semaines pour mobiliser autour de ce qu’il considère comme une menace mortelle : une dette publique désormais estimée par François Bayrou à “3 415 milliards d’euros”.

Au perchoir, il a dressé le portrait d’une France “au bord de la falaise”, alourdie d’une dette pesant 114 % du produit intérieur brut, qui ne produit pas assez, et confrontée à un vieillissement de la population qui met en péril son modèle social.

“Le modèle est à réinventer. […] Le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser continuer les choses sans que rien ne change”, a lancé François Bayrou dans le brouhaha de l’hémicycle. Défendant sa politique d’austérité, le centriste a fustigé les parlementaires présents : “Mesdames et messieurs les députés, vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel.”

Lors de sa prise de parole en tant que cheffe du groupe parlementaire du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen a estimé la dissolution de l’Assemblée – qui ne peut être décidée que par Emmanuel Macron – n’est pas “une option, mais une obligation”.

Pour la correspondante en France du journal belge Le Soir, François Bayrou rejoint “Michel Barnier au cimetière des Premiers ministres empêchés”.

“Il a déjà rêvé de l’épitaphe : ci-gît l’homme d’État qui, seul contre tous, avait choisi de dire la vérité aux Français sur la dette.”

“L’opposition fait le pari d’un populisme opportuniste”, regrette de son côté le journaliste chargé des sujets diplomatiques pour le Tagesspiegel, Christoph von Marschall.

À la suite de cette chute du gouvernement, tous les regards se tournent vers le président de la République. “Désormais sans fusible, Emmanuel Macron devra donc subir en première ligne les appels à la démission qui se multiplient, notamment au sein du mouvement Bloquons tout, dont il est devenu la cible prioritaire”, prédit, dans un autre article, le quotidien suisse Le Temps.

La faute à Emmanuel Macron ?

Outre-Manche, The Daily Telegraph est sévère avec le chef de l’État. Selon le quotidien conservateur, Emmanuel Macron paie les conséquences de sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale en juin 2024. “Jamais les nuages s’amoncelant à l’horizon politique du président français n’avaient été si noirs.” “La France est KO ? C’est la faute à Macron”, tacle le correspondant en France du journal suisse Blick.

Le locataire de l’Élysée se retrouve désormais avec plusieurs choix, dont l’option “nucléaire” de la démission, qu’il rejette fermement. L’autre possibilité serait de trouver un successeur au Béarnais, une tâche qui s’annonce ardue.

“Succéder à François Bayrou comme Premier ministre d’une France en crise est, à bien des égards, une mission suicide. Car, au sommet de l’État, c’est Emmanuel Macron qui est visé par la contestation de parlementaires et de la rue”, estime Blick dans un autre article.

Plus largement, le Tagesspiegel s’inquiète des répercussions européennes de cette crise dont on ne voit pas le bout. “Avec la France qui chancelle, c’est l’euro et l’Union européenne tout entière qui pourraient chanceler”, estime Christoph von Marschall, qui remarque que le taux d’endettement de la France dépasse très largement les 60 % autorisés par le pacte de stabilité, qui fixe des limites aux pays membres de l’Union européenne. “Le salut ne peut venir que si les Français prennent conscience du danger”, celui du poids de la dette, et s’ils acceptent de se serrer la ceinture.

Pour Le Soir, la France est “repartie pour un tour de manège” avec la valse des consultations politiques pour trouver un nouveau ou une nouvelle locataire pour l’hôtel de Matignon. “Mais pour combien de temps ? Faute de majorité, celui-là ou celle-là risque de valser à son tour, à plus ou moins court terme. Et l’on criera ‘Au suivant’?”

Étienne Bianchi

Date de dernière mise à jour : 08/09/2025

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